Punk.e.s ou comment nous ne sommes pas devenues célèbres
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Thème
- On est en 1976 et quatre londoniennes qui ont entre 14 et 21 ans se rencontrent : Viviane Albertine dite Viv, Ariana Foster dite Ari Up, Paloma Romero dite Palmolive et Tessa Pollit. • Ari Up est une petite fille riche et rebelle en plein conflit avec une mère, qui évidemment ne la comprend pas mais reste plutôt bienveillante. Tessa Pollitt, quant à elle, se remet mal d’une rupture, Viv Albertine, ouvrière dans une usine Ford, n’échappe à l’agression commise par son patron que grâce à l’intervention de Paloma, sa collègue espagnole exilée car anti-franquiste.
- Ces filles aiment Patti Smith et rêvent de monter sur scène, de faire de la musique, de bousculer les codes et de crier leur rage, leur refus de ce futur-là et leur envie de vivre à toute vitesse. Dès 1977 elles jouent en première partie des Clash sans remporter grand succès et deux ans plus tard sortent leur premier album : Cut.
- Premier groupe de punk féminin anglais, The Slits (littéralement « les fentes ») fut aussi le premier groupe au monde à obtenir le contrôle artistique total de son image.
Points forts
C’est vivant, plein de vitalité et de culot, sans sacrifier la tendresse. La scène des récits familiaux, ramassée, dense et rapide, est un joli moment de théâtre.
Il y a des voix et des présences, c’est indéniable, mais un peu gâchées par une sorte d’hystérie qui n’était pas indispensable pour suggérer la jeunesse, la fougue et la révolte, même punk.
La scénographie est astucieuse, évoquant une scène de salle de concert abandonnée (après le concert ? Après la fin du groupe ? Ou celle du mouvement punk ?) où le déplacement des instruments et des flight cases au sein d’une structure métallique suffit à organiser l’espace.
La bande son, jouée en « live » offre une promenade au sein du répertoire punk-rock des années 1970, au gré des morceaux des Clash, des Ramones, de Patti Smith ou des Slits.
Quelques réserves
Portée par une narration approximative, l’histoire n’est guère palpitante. La principale originalité de ce texte, dynamisé par quelques saillies piquantes, tient à ce qu’au lieu de nous conter l’histoire enchantée d’un succès fracassant, il fait le récit d’une demi-réussite. En effet, en ne devenant pas célèbres, ces jeunes filles ont raté leur rêve.
Le texte échoue à retenir l’attention du spectateur en partie parce que les situations et les figures sont largement caricaturales :
le rapport d’Ari avec sa mère passe à côté de la singularité visée à force d’être schématique ;
le personnage du producteur relève du stéréotype le plus convenu et n’arrache pas un sourire ;
et pourquoi tant de confettis tombés du ciel, tant de fumées ?
Difficile aussi de partager le rêve de ces jeunes filles qui, si elles n’étaient pas punkes, c’est-à-dire au fond assez peu musiciennes, auraient des rêves sans surprise : être elles-mêmes, devenir célèbres – « moi je veux être une rock star comme Patti Smith » crie Ari – voilà qui n’est guère subversif et appartient à toutes les midinettes du monde. Les Slits ne sont pas devenues célèbres et on comprend un peu pourquoi : au fond, il n’y avait pas de quoi fouetter un chat…
Encore un mot...
Le punk revient à la mode. Il est partout, devenu une sorte de totem des années 2020, quand il n’est pas un mantra. Sans doute parce que, né du chômage et contemporain de la politique néo-libérale de Margaret Thatcher, il porte une violence “déconstructive“ qui répond à la violence sociale actuelle et entre en résonnance avec les grandes exigences de déconstruction actuelle autour des questions de genre, des rapports avec le vivant, etc... Mais, puissance contestatrice des années 1980, il n’épuise pas et de loin les enjeux du monde de 2025.
Ainsi, Typical Girls la chanson la plus connue des Slits, discours typique des années 70, interroge la place des femmes dans la société et en invoquant la figure de la femme moyenne, recluse et passive : « elles ne peuvent pas penser, pas se rebeller, attendent leur mari. » Ce minimalisme du constat et de l’analyse explique pourquoi le groupe ne s’est pas identifié au féminisme.
Une phrase
« J’ai l’impression que la vie est une boite de nuit et que je suis condamnée à attendre dehors sur le trottoir. »
« Ma vision du monde est plus joyeuse que la tienne alors j’vois pas pourquoi j’aurais m’emmerder avec une paire de lunettes. »
« Ça vaut le coup de regarder le monde vraiment, c’est comme ça qu’on est surpris. »
L'auteur
Metteuse en scène (Culottées d’après la bande dessinée de Pénélope Bagieu au Studio-Théâtre de la Comédie Française en janvier 2024), Justine Heynemann écrit, adaptant, parfois avec Rachel Arditi, des pièces classiques, des romans pour la jeunesse, un opéra comique (La Sirène d’Auber ), des œuvres musicales (Lenny d’après l’œuvre de Leonard Bernstein) et ses propres textes : Rose Bonbon monté en 2007. Elle a créé dès 1996 la compagnie Soy Creation et a reçu le prix SACD de la mise en scène en 2019.
Formée à l’école normale de musique Rachel Arditi est comédienne - on la voit régulièrement au théâtre, au cinéma (L’avenir de Mia Hansen-Love en 2015) et à la télévision (Bardot de Christopher et Danièle Thompson en 2022) et metteuse en scène.
Créé en 2023 et présenté dans le Festival Off d'Avignon, Punk.es a reçu 5 nominations aux Trophées de la Comédie Musicale 2024 : meilleur spectacle, livret, mise en scène, interprète féminine, second rôle féminin.
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