Juste la fin du monde

On récolte ce qu’on a semé. Un grand texte et de superbes comédiens mis à mal par une mise en scène trop statique
De
Jean-Luc Lagarce
Durée : 1h30
Mise en scène
Johanny Bert
Avec
Astrid Bayiha, Céleste Brunnquell, Vincent Dedienne, Christiane Millet et Loïc Riewer
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Théâtre de l’Atelier
Place Charles Dullin
75018
Paris
01 46 06 49 24
Jusqu’au 2 mars, les mercredis, jeudis, vendredis et samedis à 21h, les samedis à 15h et les dimanches à 16h

Thème

  • Louis revient dans sa famille afin de leur annoncer sa mort prochaine. Il est parti il y a longtemps et il sait qu’il n’y reviendra plus. Il retrouve sa mère, son frère cadet  Claude et sa femme Catherine ainsi que sa petite sœur Suzanne.

  • Mais les retrouvailles ne se passent pas comme prévu : les blessures anciennes ressurgissent, les reproches fusent. C’est tout le frêle équilibre familiale qui se trouve bouleversé.

Points forts

  • La pièce est (déjà) intemporelle. Elle est emblématique du théâtre de Jean-Luc Lagarce, qui l’a écrite à Berlin en 1990, alors qu’il se savait malade du Sida et condamné (il mourra en 1992, sans voir la pièce représentée).

  • Juste la fin du monde brosse magnifiquement le portrait d’une famille qui a explosé ; le retour du fils prodigue est l’occasion d’un règlement de comptes en bonne et due forme, dont personne ne sort indemne. Le texte plonge dans l’intime avec une précision diabolique et révèle les fragilités de chacun.

  • Le texte de Lagarce est écrit au scalpel, véritablement scandé par chaque comédien(ne). Les répétitions d’une même formulation ajoutent au malaise qui s’installe progressivement, dès le début, dès les premières paroles échangées entre Louis et sa petite sœur Suzanne, qui tente de créer du lien entre lui et Catherine, la femme de son frère. Tout ne semble qu’incommunicabilité, fureur et incompréhensions mutuelles. Chacun se plaint de ce que les autres ne lui donnent pas sans se soucier de ce qu’il donne lui-même. Seule la mère, la figure de la mère, échappe à ce jeu de massacre !

  • Le texte, qui constitue un moteur théâtral fascinant, est remarquablement intériorisé par les comédien(ne)s …

Quelques réserves

  •  … mais la mise en scène ne les aide pas beaucoup, qui repose sur trop de partis pris excessifs qui parviennent à limiter la puissance du texte :

    • le décor, suspendu au plafond, monte et descend selon le texte mais aussi les humeurs de Johanny Bert, mais derrière ce procédé original et intéressant, nulle intention de mise en scène cohérente et inspirée ;

    • toute humanité semble avoir déserté un plateau désincarné, où les acteurs ne savent pas trop quoi faire de leurs silences. Certes, les nombreux et longs monologues, véritables “jeux de massacre“, ne sont pas faciles à appréhender, mais ces silences deviennent des espaces vides que ne peuplent ni jeu, ni tension, ni même présence.

Encore un mot...

  • Vincent Dedienne se dédouble, tout comme le metteur en scène Johanny Bert, contacté par le théâtre de l’Atelier qui lui propose de monter la pièce. Il contacte l’acteur, qui donne son accord à condition de monter en parallèle un Seul en scène.

  • Les deux spectacles se donnent donc simultanément, formant un dyptique passionnant sur l’œuvre de Jean-Luc Lagarce : la performance de Vincent Dedienne et les mises en scène de Johanny Bert. Notez que le théâtre propose un billet couplé pour les deux spectacles.

Une phrase

  • LOUIS : « C’est pénible, ce n’est pas bien. Je suis mal à l’aise, excuse-moi, excusez-moi, je ne t’en veux pas, mais tu m’as mis mal à l’aise et là, maintenant, je suis mal à l’aise.

  • - ANTOINE :  Je m’excuse. Ca va, là, je m’excuse, je n’ai rien dit, on dit que je n’ai rien dit, mais tu ne me regardes pas comme ça, tu ne continues pas à me regarder ainsi, franchement, franchement, qu’est-ce que j’ai dit ? 
    - CATHERINE : J’ai entendu. »

L'auteur

  • A la tête d’une compagnie théâtrale dès 1977, auteur prolifique (en moins de 20 ans d’activité il a écrit 25 pièces), Jean-Luc Lagarce a été peu monté au théâtre de son vivant. Il est aujourd’hui un des auteurs contemporains français les plus joués.

  • Lagarce a fait des études philosophiques. Certaines de ses pièces ont été adaptées à l’écran ou figurent au programme des études de Lettres ou de Théâtre. Il est aussi l’auteur d’un vaste journal de sa courte vie.

  • Hanté par les solitaires, les outsiders, les décalés, les exilés loin du monde, son théâtre questionne inlassablement la possibilité pour les individus de dire ce qui est, ce que sont vraiment les choses.

  • Juste la fin du monde est une pièce contemporaine (1990) et déjà un classique, donné notamment au répertoire de la Comédie française et au programme du baccalauréat de français. La pièce a été adaptée au cinéma en 2016, par Xavier Dolan, avec le regretté Gaspard Ulliel dans le rôle de Louis.

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