Ivanov

De
Anton Tchekhov
Mise en scène
Luc Bondy
Avec
Micha Lescot, Marina Hands et Victoire Du Bois
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon
75006
Paris
01 44 85 40 40
Jusqu’au 1er mars, puis du 7 avril au 3 mai.

Thème

Ivanov est mélancolique. Tout l’ennuie et le lasse. L’Ivanov d’hier plein de fougue n’est plus : ses dettes se creusent, ses collaborateurs l’abusent, rien ne lui laisse de répit. Désoeuvré, il fuit même sa femme tuberculeuse qui se meurt en quête de son amour. Sa culpabilité s’accroit, Ivanov s’échappe toujours plus à lui même. Dans l’univers de petits notables du district, en Russie, au milieu desquels il vit, chacun est enfermé. Chacun comble lâcheté et petitesse par l’alcool, l’argent, le jeu, les amours tarifées. La vanité et la superficialité des relations incitent à la méchanceté et conduisent à la désespérance. Il n’y a pas d’espaces pour l’ambition, l’énergie ou la vitalité. Pas de place pour l’avenir non plus !

Points forts

- La mise en scène joue en permanence, avec finesse, de la dualité des plans, à l’image de la double dimension de l’homme : l’homme intérieur, l’homme extérieur. Entre les actes, la pièce s’interrompt mais les acteurs restent en scène. Où est le spectacle, où est le réel ? Dans chaque scène deux plans se chevauchent laissant entre eux Ivanov et son mal être, homme piégé en permanence, désespéré, toujours plus accablé et incapable de reprendre les rênes de son existence. Dans le dernier acte, l’image de ses noces au travers de la verrière donne une éblouissante et dérisoire image d’un bonheur illusoire. - La direction d’acteurs est remarquable de force et de précision. Micha Lescot est un Ivanov dégingandé et frêle. Son mal être à fleur de peau s’exprime dans tout son corps, jusqu’au bout de ses doigts. La belle Marina Hands porte sa quête d’amour avec justesse, elle est attachante dans sa dignité et lumineuse dans sa douleur. Le jeu de Chantal Neuwirth donne en partage toute sa générosité. Mais il faudrait citer ici tous les acteurs ! - La distribution, comme la direction ou la mise en scène est judicieuse et efficace: plus de trois heures avec un déprimé, sans une minute d’ennui !

Quelques réserves

Je n’en vois pas. C'est du pur bonheur de théâtre...

Encore un mot...

« Il vous manque cette petite chose, cet élan…». Une petite chose qui détruit tout de même Ivanov, puisque rien ne trouve plus grâce à ses yeux. L’absence de cette petite chose rend toute guérison impensable … et le seul élan qui reste est celui qui conduit à la destruction.

Une phrase

"Mon âme est figée dans une sorte de paresse".

L'auteur

Après plusieurs comédies, des nouvelles et des textes humoristiques, Anton Tchekhov écrit à 27 ans, en 1887, son premier drame en quatre actes. Mal accueillie, à sa création par le public russe, la pièce sera retravaillée par Tchekov. En 1889, une nouvelle version est publiée, plus classique, moins dérangeante pour le public… (Luc Bondy, avec beaucoup d’intelligence nous offre ici une synthèse des deux pièces). "Ivanov", moins connue que les pièces suivantes, « La Mouette », « Oncle Vania », « La Cerisaie », développe déjà tous les thèmes qu’il abordera dans toute son œuvre. Dans cette satire drôle et cruelle d’une société en décrépitude, Anton Tchekhov décrit avec la précision du médecin qu’il est, la « dépression » d’un propriétaire terrien, entouré de médiocrité et de bassesse dans une Russie étroitement bourgeoise.

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