Vernon Subutex

Fans de Romain Duris, cette série est pour vous ! Ceux de Virginie Despentes, foncez sur votre zapette...
De
Cathy Verney d’après le roman de Virginie Despentes
Canal Plus / mycanal
Une saison de 9 épisodes (35 mn chaque)
Avec
Romain Duris (Vernon Subutex), Céline Sallette (La Hyène), Laurent Lucas (Laurent Dopalet) ...
Notre recommandation
2/5

Infos & réservation

Thème

 • Vernon Subutex a tenu dans les années 1990 un magasin de disques ouvert à tous vents, réputé et influent auprès d’une jeunesse parisienne avide de nouveaux sons. Mais le passage au CD et au numérique ont, depuis, eu raison de cet incubateur de goûts musicaux, dont il était le grand manitou jouisseur et généreux. 

• Expulsé de chez lui par les huissiers, Subutex reprend contact avec son quasi-frère de la grande époque, le chanteur-culte Alex Bleach. Ce dernier, qui tente un come back, promet des révélations explosives, qui menacent Laurent Dopalet, un producteur de cinéma à la conscience chargée.

• Ce dernier lâche donc « la hyène » sur Alex Bleach, lequel fait une overdose - en présence d’un Subutex trop déchiré pour intervenir – mais enregistre au préalable son testament sur trois cassettes vidéo. Que révèlent-elles et qui parviendra à mettre la main dessus ?

Points forts

• La série vaut surtout pour certain-e-s de ses interprètes, mais cela suffit-il ? Les aficionados du Péril jeune (C. Klapisch, 2003) retrouveront leur Romain Duris très à l’aise dans un rôle de glandeur patenté en voie de marginalisation accélérée. La surprise vient de Céline Sallette, qui campe « la hyène », une lesbienne spécialisée dans les basses œuvres, aux manières aussi robustes que son côté pince-sans-rire et sa présence sont convaincants. 

• La série, qui s’est donné les moyens matériels de son ambition, propose de surcroît une BO du « rock alternatif » sous toutes ses coutures, saisi au moment où cette tendance se forme. On suppose qu’à l’instar de Virginie Despentes qui a baigné dans cette musique, les amateurs (dont je ne suis pas) seront comblés ; pour les autres, c’est l’occasion de découvrir les racines du paysage musical actuel, avec des pépites, et (à mon humble avis) pas mal de déchet...

• On voit enfin émerger les problématiques sociétales qui ont transité jusqu’à nos jours, des LGBTI au retour en force du voile chez les jeunes filles d’origine arabo-musulmane.

Quelques réserves

• Le roman de Virginie Despentes a été considérablement édulcoré pour les besoins de l’intrigue et du rythme. Les pérégrinations de Subutex, propices aux digressions dans le roman, sont compliquées à rendre dans le format sériel choisi, sauf à tomber dans le quasi-immobilisme qui faisait le charme de « L’homme du Picardie »... 

• Dès lors, au fil des plans serrés, il n’y en a que pour R. Duris, et beaucoup moins pour Paris et, d’une manière plus générale, l’environnement de cet anti-héros. Alors que dans le roman, le personnage principal se déployait sur deux registres - comme conscience de la société et du monde qui l’entoure et comme prisme, révélateur du changement d’époque - ces deux dimensions, qui faisaient le sel du livre, sont à peu près évacuées de l’écran.

• Quant à l’intrigue, elle est bien trop légère pour tenir la longueur sur tous les  épisodes, de sorte que le récit oscille entre la loose pérégrinatoire de Subutex - quelquefois “sympatoche“ à force de rencontres barrées, d’autres fois carrément barbantes (terme étant choisi à dessein, puisque Duris arbore une barbe qui le place en bonne position pour un biopic du sinistre Charles Manson) - quelques flash back du temps de sa gloire avec ses potes à la vie à la mort (en mode « mais que sont-ils devenus ? »), auxquels s’ajoute la quête des cassettes convoitées par un requin des studios.

Encore un mot...

Paris oublié, pari raté, et Subutex mal barré...

Une phrase

Vernon Subutex  (voix off) : « J’suis un clodo sur un banc, perché sur une butte, à Paris. Je suis seul, j’ai 47 ans. Je vais partir parce que je n’ai pas su retenir de mourir tous ceux qui comptaient pour moi. »

L'auteur

• Virginie Despentes, née Daget en 1969, est une figure de proue de la littérature française, mais pas seulement en raison de son parcours assez peu commun : jeune fille, elle rue assez tôt dans les brancards et, pour faire vite, adopte un mode de vie à mi-chemin entre Charles Bukowski et les « punks à chiens » qui hantaient les Halles dans les années 1970. Dans cette période passablement agitée, V. Despentes évolue dans les milieux de la critique et du rock alternatif, du cinéma pornographique et de la prostitution, mais aussi des petits boulots en tous genres... 

• Despentes se tourne assez tôt vers le cinéma (réalisation de clips) et l’écriture. À partir du moment où Baise-moi dépasse sa renommée confidentielle (1995), elle enchaîne les succès éditoriaux, avec Teen Spirit, King Kong Theory, Apocalypse bébé, où l’écrivaine combine une écriture talentueuse et une réflexion aussi originale que robuste. Ce n’est donc pas sans raison qu’elle est sollicitée pour prendre son rond de serviette rue Drouant ; c’est compter sans son caractère bien trempé, qui le lui fait rendre assez promptement pour se consacrer plus exclusivement à l’écriture et moins à la chronophage académie Goncourt.

• La série s’inspire des deux premiers tomes de Vernon Subutex, parus en 2015.

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