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Thème
En 1971, à l’heure où les robes trapèzes de Courrèges et les silhouettes futuristes de Cardin bouleversent l’élégance et le raffinement des années 1950, l’un des enfants chéris de la haute-couture parisienne s’affranchit imprévisiblement de ce décorum avant-gardiste : à contre courant des tendances, Yves Saint-Laurent présente sa collection "Libération", inspirée de la mode sous l’occupation allemande, remémorant à ses clientes des souvenirs douloureux de restrictions, de difficultés et – plus futilement – de mauvais goût. Conspuée, raillée, « Libération » créera pourtant une véritable onde de choc, puisqu’elle deviendra le premier symbole du style rétro et séduira la rue, contribuant ainsi à estomper la frontière qui sépare la haute-couture du prêt-à-porter.
Points forts
• Epaules structurées, robes au genou et jupes plissées : aussi léger que cela puisse paraître aujourd’hui, l’impact de la collection "Libération" a résonné, en 1971, bien au-delà du microcosme de la couture parisienne. Comme en témoignent les coupures de presse, les photos et les vidéos d’archives, les clientes et les journaux du monde entier dénoncent une collection laide et outrageuse, pensée par un Saint-Laurent méprisant cette époque qu’il n’a pas connue, et dont la réminiscence ne fait qu’attiser une douleur encore vive. S’il est difficile d’en saisir la cohérence au premier abord, « Libération » réhabilite en fait les basiques d’une garde-robe féminine en temps de guerre : aussi méprisée qu’elle est révolutionnaire, elle sera, contre toute attente, la première collection à rendre désirable le kitsch et le rétro, qui définiront le style si caractéristique des années 1970.
• Comme de coutume, la Fondation Bergé-Saint-Laurent s’attache à valoriser le chemin laborieux qui mène à l’élaboration d’une collection : dispersées tout au long de l’exposition, les silhouettes font écho aux agrandissements des plans et des croquis de la collection qui ornent les cimaises, permettant ainsi de mieux en visualiser l’unité. Plus particulièrement, le visiteur appréciera de pouvoir découvrir les différentes étapes qui ont conduit à la réalisation de la silhouette n°13, la plus emblématique de la collection : un manteau de velours noir, rebrodé de motifs de lèvres en sequins roses et rouges; il évoquera sans doute aux visiteurs avertis l’inspiration de l’une des silhouettes majeures de la collection Printemps-Eté 2014 de Saint-Laurent par Hedi Slimane, actuel directeur artistique de la maison.
• Enfin, la Fondation fait preuve de sa sensibilité et de sa finesse habituelle en choisissant pour livret d’exposition la reproduction du programme du défilé distribué aux spectateurs en 1971. Un détail en apparence insignifiant, mais qui concourt pourtant à plonger le spectateur dans les coulisses impénétrables de cette collection iconique.
Quelques réserves
• La Fondation Bergé-Saint-Laurent a pris le parti de présenter cette collection de façon décontextualisée, comme si elle se suffisait à elle-même; pourtant, il est difficile d’en saisir le pouvoir de dissidence si l'on ne peut la comparer au style des années de guerre, aux tendances de la fin de la décennie 1960 ou à la mode qu’elle engendrera. L’absence de référentiel contribue ainsi à minorer, à tort, l’impact que cette collection a pu avoir sur les transformations vestimentaires – voire sociétales – du XXème siècle.
• Quinze minutes à peine suffisent à faire le tour de cette exposition restreinte : la scénographie tourbillonnante, imposante et originale, me laisse penser que la Fondation a cherché à dissimuler une relative désorganisation, mais surtout un manque de densité, qui questionne l’intérêt d’un sujet d’exposition aussi restreint – ou peut-être pas assez approfondi.
Encore un mot...
Il est appréciable d’avoir voulu réhabiliter cette collection emblématique et source intarissable d’inspiration, mais se concentrer avec excès sur son retentissement plutôt que sur son influence ne lui rend malheureusement pas l’honneur qu’elle mérite.
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