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Thème
« Il paraît que Viollet-le-Duc et vous, vous allez détruire Notre-Dame. »
Cette remarque de l’empereur Napoléon III à Mérimée, en 1856, rend bien compte de la personnalité et de la vision controversée de l’architecte Eugène Viollet-le-Duc, auquel on doit entre autres la restauration de Notre-Dame-de-Paris et de la cathédrale d’Amiens. Le Palais de Chaillot rend hommage à ce trublion du patrimoine français, dont la perception atypique de la mission de l’architecte, chargé non seulement de réhabiliter les édifices mais aussi de les réadapter aux exigences stylistiques du XIXème siècle, a fait de lui l’une des figures les plus admirées et décriées de son époque.
Points forts
1 L’exploration réussie du chemin psychologique de cet autodidacte
Les premières salles de l’exposition s’attachent à faire découvrir au visiteur la personnalité de cet architecte hors-norme : s’il n’a jamais suivi de formation académique, un terreau familial propice et plusieurs voyages en France et en Italie permettent à Viollet-le-Duc de se forger rapidement une sensibilité artistique étonnante pour son âge, que l’on retrouve très justement dans les nombreuses lettres, dessins et croquis exposés. L’artiste nous paraît d’autant plus proche et accessible que la visite est jalonnée de ses « visions », des confessions généralement issues de ses correspondances, grâce auxquelles il exprime ses émotions face aux édifices qui influenceront son style.
2 Le charme d’une personnalité éclectique
Si la postérité retient principalement ses travaux de rénovateur, l’exposition ne manque pas de souligner les nombreux talents dont faisait preuve Viollet-le-Duc : architecte, dessinateur, peintre, écrivain, archéologue, cartographe, décorateur – on lui doit notamment la décoration du train de Napoléon III – c’est un artiste complet, puisant son inspiration dans des domaines aussi surprenants que l’étude des animaux ou la géologie. Cette imagination débridée le conduira même à mûrir des idées étonnantes, parmi lesquelles un projet de restauration du Mont-Blanc.
3 La redécouverte de Notre-Dame
A juste titre, l’exposition fait la part belle à l’une des œuvres les plus controversées de l’artiste : la réhabilitation de Notre-Dame-de-Paris dès 1843. Viollet-le-Duc ne veut pas se contenter de rétablir l’état initial de l’édifice : malgré de violentes critiques, il fait le choix de marquer de son style ce symbole du patrimoine français, en poussant le gothique de la cathédrale à son paroxysme. Plus précisément, il fait rajouter de nombreux éléments absents ou différents des plans de construction d’origine, parmi lesquels les chimères – statues décoratives visant à renforcer l’aspect moyenâgeux du bâtiment – ou la flèche, inspirée de celle de la cathédrale d’Orléans et très différente de celle conçue au XIIIème siècle. Une maquette d’époque, réalisée avant les travaux, permet au visiteur de saisir toute l’étendue de cette rénovation, longue de plus de vingt ans.
4 Un héritage artistique majeur
Les dernières salles de l’exposition parviennent à ouvrir la réflexion en mettant en lumière (une partie de) l’héritage de Viollet-le-Duc : professeur et auteur de nombreux livres, il est aussi à l’origine du Musée de Sculpture Comparée, qui vise à promouvoir l’extraordinaire richesse du patrimoine architectural national, et dont on retrouve de nombreuses pièces à la fin de la visite.
5 Une vulgarisation salutaire
Enfin, l’on ne peut que saluer l’incroyable travail de recherche documentaire et d’archives effectué par le musée, qui parvient à rendre intelligible l’univers souvent difficile d’accès de l’architecture. Les reconstitutions, maquettes et mises en situation du visiteur – notamment la pièce de dessin dans le noir, technique favorite de Viollet-le-Duc – rendent compte de la grandeur de son œuvre et de son talent, mais participent surtout – et cela est très appréciable – à rendre hommage au travail abattu par les nombreux acteurs investis dans un chantier de restauration.
Quelques réserves
S’il fallait en trouver un, l’on pourrait regretter que ne soit pas plus évoquée l’influence du style de Viollet-le-Duc sur le mouvement Art Nouveau, que l’on pressent pourtant nettement dans son travail sur les motifs et les courbes.
Encore un mot...
Une exposition riche, aussi sobre que pédagogique : un très bel hommage à cette figure singulière de l’architecture française, qui malgré les contestations, a significativement contribué à la sauvegarde de notre remarquable patrimoine artistique.
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