Olympisme. Une histoire du monde (1896-2024)
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Thème
L’occasion des Jeux Olympiques était trop belle pour qu’elle ne soit pas saisie par des historiens qui se proposent de les envisager non pas de manière “fermée“, mais par une approche mettant en relation l’histoire du monde avec celle des JO.
L’exposition progresse par olympiade, mais celles-ci sont regroupées chronologiquement sous des thématiques qui reflètent les grandes évolutions géopolitiques du XXe siècle, sous l’angle des rapports entre les puissances et les régimes politiques :
La renaissance de l’olympisme (1896 à 1920) ;
L’olympisme à l’épreuve des nationalismes (1920-1945) ;
Les JO en guerre froide et face à la décolonisation (1945-1970) ;
Un monde olympique multipolaire (1970-1990) ;
Un « nouveau siècle olympique », qui s’étend jusqu’en 2010.
Le temps présent, à partir de 2010, est judicieusement structuré autour des rapports entre jeux olympiques et défis contemporains, au premier rang desquels figurent l’inclusion et la durabilité.
L’exposition se prolonge dans un catalogue copieux et un autre à hauteur d’enfants. Elle propose également un parcours enfants et Le petit dojo, un espace médiation qui complète le parcours de l’exposition.
Points forts
La richesse et la variété documentaires sont bien au rendez-vous de cet Olympisme, dont les supports sont multiples, qu’il s’agisse d’images fixes ou animées, d’archives sonores ou visuelles, présentés par des panneaux clairement renseignés.
On retrouve avec plaisir et intérêt des athlètes perdus de vue mais qui furent en leur temps de véritables vedettes (Suzanne Lenglen, Mürmin) ou le devinrent (Johnny Weissmuller, Emile Zatopek, Cassius Clay…) grâce aux JO.
L’exposition recèle son lot de “pépites“, et au nombre des documents proprement saisissants, on a relevé :
ces fraternisations entre athlètes américains et soviétiques en 1952 puis 1956, annonciatrices de la “coexistence pacifique“ voulue par Malenkov et Khrouchtchev à partir du milieu des années 1950, afin de clore la Guerre Froide “totale“ engagée par Staline en 1947 ;
le cliché de ce bras d’honneur que le perchiste polonais W. Kozakiewicz, victorieux du soviétique Volkov à Moscou en 1980, adressa, hilare, au public russe qui n’avait cessé de le conspuer pendant l’épreuve !
Il est tout aussi intéressant de voir comment se sont inventés les JO au fil du XXe siècle, car ils ne sont pas sortis - tels Athéna - tout casqués de la cuisse de “Jupiter-Courbertin“ ! L’exposition montre bien comment la plupart des symboles (drapeau et flamme olympiques, couronnes puis médailles), rituels (serment) et cérémonies (défilé des nations en ouverture des JO de 1908) que nous nous apprêtons à voir cet été à Paris se sont imposés par étape, jusqu’à la distance exacte du marathon, fixée aux jeux de Londres en 1908 ou à la durée de chaque olympiade, établie en 1932 lors des JO de Los Angeles...
Surtout, le pari de mettre en relation le mouvement olympique avec le monde dans lequel se déroulent les JO est parfaitement tenu. L’on discerne parfaitement les principales orientations de la marche et des soubresauts planétaires :
Sous l’angle politique d’abord :
l’exploitation des JO par les régimes fascistes entre les deux guerres bien sûr ;
mais aussi le spectacle du relèvement des démocraties libérales lors des JO de Paris (1924) puis à Londres en 1948.
La dimension géopolitique des Jeux est envisagée sous différents aspects :
l’olympisme face à l’épreuve des guerres mondiales (1916, 1940 et 1944), ou de conflits locaux nourrissant par exemple un débat sur l’admission aux JO de 1932 du Japon impérialiste, agresseur de la Chine en Mandchourie (1931), voire du défi terroriste posé par la sanglante prise d’otage des athlètes israéliens par le commando palestinien Septembre noir lors des JO de Munich en 1972 ;
la montée irrésistible des USA - à l’apogée de leur puissance quand s’affirme leur suprématie sportive américaine à partir de 1948 – mais progressivement concurrencés par les Soviétiques, puis l’affirmation de la République Populaire de Chine aux JO de Pékin (2008), souvent au prix d’un “dopage systémique“ (la fin semblant justifier les moyens entre URSS et USA, ou encore pour la RDA face à une RFA prospère) ;
les relations entre superpuissances qui découlent de la rivalité entre ces modèles politiques et ces puissances : la “guerre fraîche“ de 1979 à 1985 entraînant les boycotts croisés de 1980 (Moscou) et 1984 (Los Angeles) ;
l’émergence du tiers-monde, qui tente des “contre-jeux“ (GANEFO, 1963), alors qu’à l’appel de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), les athlètes africains boycottent les JO de Montréal en 1976, au moment des massacres de Soweto qui ensanglantent les townships révoltés ;
relevons enfin aussi la problématique d’unification ou d’hostilité s’appliquant à l’Allemagne scindée en 1949, comme à la Corée à partir du début des années 1950.
Les aspects sociaux et sociétaux sont abordés sous l’angle des exclusions multiples dont les JO furent initialement le théâtre :
celle des continents hors l’Europe et l’Amérique du Nord jusqu’en 1912 à Stockholm ;
les femmes, exclues puis admises au compte-goutte à partir de 1900 ;
les handicapés, des Deaflympics (1924) aux premiers jeux paralympiques (Sydney, 2000) ;
les « coloured people » interdits de jeux en 1904 à Saint-Louis et cantonnés aux “jeux anthropologiques“, avant que les afro-américains ne rapportent aux USA des moissons de médailles, et que vienne le tour des athlètes de pays pratiquant l’apartheid d’être exclus (la République Sud Africaine des JO de 1964 ceux de 1992)…
Enfin, les aspects économiques :
dès 1932 à Los Angeles, se pose la question du financement des jeux par les municipalités et des acteurs privés, le gouvernement américain refusant de contribuer, dans le contexte de la Grande dépression (1929-33) ;
ces financements extérieurs, et notamment les sponsors privés, expliquent le choix assez singulier d’Atlanta (berceau de Coca-Cola) pour les Jeux de 1996, tout en appuyant la “marchandisation“ des jeux, corollaire de leur mondialisation et de leur médiatisation comme “sport-spectacle“ (le 100 m supplante le marathon comme épreuve-phare des Jeux), avec l’arrivée d’athlètes professionnels (basketteurs américains de la Dream Team aux JO de Barcelone) ;
le gouffre financier qu’ont représenté certaines olympiades (Montréal, 1976), qui ont légué des infrastructures surdimensionnées et en quasi-déshérence.
Quelques réserves
Il s’agit moins d’une réserve que d’une restriction : l’olympisme exposé ici exclut les jeux d’hiver.
Encore un mot...
Au terme de cette exposition, qui pourra encore dire que les Jeux olympiques n’ont rien à voir ni rien à faire avec la politique ?
Une phrase
« Depuis 130 ans, les Jeux Olympiques agissent comme une caisse de résonance de tous les combats, rêves et conflits politiques qui fondent les relations entre les Nations. » (Avant-propos du comité scientifique de l’exposition)
L'auteur
Le comité scientifique de l’exposition se compose d’historiens spécialistes de l’histoire de l’immigration, du sport et/ou des mondes coloniaux (Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Yvan Gastaut, Sandrine Lemaire et Stéphane Mourlane) qui participent au groupe de recherche ACHAC, ainsi que des conservateurs Sébastien Gökalp et Elisabeth Jolys-Shimmels.
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