Nouveaux chefs-d'œuvre, la dation Maya Ruiz-Picasso.

Un bel hommage, en regards croisés
Commissaire de l'exposition, Diana Widmaier-Ruiz-Picasso et Emilia Philippot, conservatrice en chef du patrimoine
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Musée Picasso
Hôtel Salé, 5 rue de Thorigny
75003
Paris
jusqu’au 31 décembre 2022 du mardi au vendredi, de 10h30 à 18h, de 9h30 à 18h00 dimanches et jours fériés

Thème

L'Etat a mis en place, pour l'acquittement des droits de succession de propriétaires d'œuvres d'art ou de collections d'intérêt national, le système de dation, ou encore de don en nature. C'est dans ce cadre que Maya Ruiz-Picasso a fait don à l'Etat français -Musée Picasso Paris- d'une partie des collections que, première fille de Pablo, elle possède encore. 

C'est donc avec ces souvenirs, ces œuvres, mais aussi avec des prêts de collections privées ou de musées que le Musée Picasso a organisé ces deux expositions : 

  • Nouveaux chefs d'œuvres : neufs œuvres "inédites" (six peintures, deux sculptures et un carnet de dessins) et objets remarquables comme des masques africains ou d'Océanie (dont un offert par Jean Cocteau), ou encore le célèbre tableau de José de Ribera, Le Pied bot, prêté par le Louvre, mis au regard d'un portrait humoristique de Paulo, premier enfant de Pablo.
  • Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo, qui met en scène, en mouvement, en images, la naissance et le premier âge adulte de Maya, sa première fille née en 1935 de la rencontre avec Marie Thérèse Walter. Cette exposition, qui occupe tout le premier étage, expose l'admiration et l'affection portée de l'un à l'autre. Le peintre par ses portraits figuratifs ou plus abstraits, les photos prises, jouets, découpages, cahiers d'écolière. La fille, qui a conservé ces très nombreux souvenirs de son père, œuvres bien sûr, mais aussi vêtements, ongles et cheveux, en témoignage d'une affection et d'une conjuration du sort qui les liait fortement.

Points forts

Le premier est le caractère inédit des œuvres présentées, parmi les "nouveaux chefs-d'œuvre", un portrait figuratif de son père et - affiche de l'exposition - de "Mémé", plus déstructuré, de la mère de Marie Thérèse Walter, grand-mère maternelle de Maya.

Le second est la mise en lumière de la relation de Pablo avec Marie Thérèse, leur relation cachée symbolisée par le sigle MTW, son expression artistique en de nombreux portraits, puis la naissance et l'enfance de leur fille, qui sera aussi l'objet de très nombreuses œuvres, dessins, tableaux, crayonnés sur des cahiers de dessin ou d'école, découpages et objets façonnés pendant la Seconde Guerre mondiale pour la distraire.

Les photos très nombreuses rapprochent l'œuvre du réel, de la vie quotidienne de l'enfant, de l'adolescente puis de la jeune adulte et offrent un regard sur la vie de l'artiste, ses relations avec le monde artistique et littéraire de l'époque.

Quelques réserves

Je n'en ai pas trouvé, touché par cette plongée dans l'intimité des regards croisés du père sur son enfant, et de la femme devenue adulte, sur son père.

Encore un mot...

Ces deux "nouveautés" (les expositions sont en place depuis avril) présentent, par le biais de la cession d'une partie de l'œuvre très personnelle de Pablo Picasso, un moment de la vie de l'artiste où incontestablement, sa fille fut source d'inspiration, d'émotions, d'essais de représentation, et finalement, de maturité de son œuvre. La mise en place des œuvres est simple et très dépouillée, servies par les grands volumes de l'Hôtel Salé, un déroulement chronologique pour Maya fille de., des cartels utiles et concis, nécessaires à la compréhension du cheminement de l'exposition.

Bref, dans l'animation de ce musée particulier, ces deux installations sont intéressantes et plaisantes à voir ; du fait de la diversité des œuvres, des objets et des styles, très grand public, et somme toute assez émouvantes. 

Les œuvres les plus classiques de Pablo Picasso ne sont pas actuellement exposées au musée, conséquence (notamment) de la crise sanitaire.

Notez enfin que tout le musée mérite visite. 

  • Au troisième étage, Farah Atassi, présentée comme une artiste qui offre "une relecture contemporaine de l'œuvre de Picasso" - jusqu'au 29 janvier 2023
  • Au quatrième étage, Picasso à l'image (jusqu'au 12 février 2023) qui nous expose à son travail en particulier à la villa La Californie à Cannes de 1955 à 1961 et à ses "jeux" avec son image, à travers photos et films. 

Dans la continuité des expositions des deux premiers étages, cette dernière ancre sa présence, son regard et le jeu de ses mains de façon intense dans nos mémoires.

Une illustration

L'auteur

Illusoire de vouloir faire ici une synthèse de la vie créatrice de l’artiste catalan, tellement elle est dense, complexe, insaisissable, passant par toutes les expérimentations possibles en 92 ans de productivité.

Quelques étapes marquantes toutefois. Né à Malaga en 1881, fils d’un artiste-peintre.  Jeunesse bohème à Barcelone. Fréquente le milieu anarchisant d’El Quatro Gats. Premier séjour à Paris en 1900. Sous les influences diverses suivent les Périodes bleue, rose, les Saltimbanques, les Arlequins. Les sculptures archaïques et « l’art nègre », Les Demoiselles d’Avignon  en 1907. Période cubiste avec Braque. A partir de 1926, premiers contacts avec les surréalistes.  Voyage en Espagne, en 1934. Durant la guerre civile, en 1937, il crée sa toile la plus fameuse, Guernica. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il vit à Paris. Une série de Femmes assises, Natures mortes et paysages de Paris tristes. A la Libération, Picasso s’inscrit au Parti communiste. Dorénavant gloire mondiale. La Colombe lui procurant une dimension populaire. Dès 1946, il s’installe sur la Côte d’Azur. Suivent des années d’intenses activités en explorant différents terrains et matériaux. Le bois, la céramique, le papier, les affiches, les assemblages, et bien sûr les peintures. Séparation de Françoise Gilot, mariage avec Jacqueline Roque en 1961. A nouveau le bonheur. Série de 45 toiles, Le peintre et son modèle marqué par un fort élan érotique. Picasso s’éteint le 8 avril 1973 à Mougins. 

Cette synthèse est l'œuvre de notre chroniqueuse Krista Leuck, mise en ligne en mai 2019 à  l'occasion de l'exposition Calder Picasso.

La commissaire de l'exposition, Diana Widmaier-Ruiz-Picasso, est la petite-fille du peintre, fille de Maya, et donc, petite-fille de Marie Thérèse Walter. Elle est historienne de l'art, auteur de plusieurs publications et de très nombreux essais sur l'œuvre de son grand-père.

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