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Thème
Initié par le Français Ferdinand de Lesseps, le canal de Suez, creusé en Egypte de 1859 à 1869, a permis de relier artificiellement la mer Méditerranée à la mer Rouge. Voie navigable de moins de 200 kilomètres, il a bouleversé à la fois les routes commerciales et les équilibres politiques.
Points forts
1- Le visiteur est d’abord accueilli dans une petite salle, comme une antichambre à l’exposition, où tonne la marche des trompettes d’« Aïda ». Commandé par le khédive et vice-roi d’Egypte Ismaïl Pacha pour l’inauguration du canal en 1869, l’opéra de Verdi voit sa première reportée. Finalement, « Aïda » n’est présenté qu’en… décembre 1871, mais reçoit un accueil triomphal !
2- Rompant avec toute chronologie, la première salle de l’exposition plonge immédiatement le visiteur en 1869, le 17 novembre, jour de l’inauguration du canal, et propose une expérience immersive. Au centre, une immense maquette représente la cérémonie officielle organisée par le khédive, à Port-Saïd sur la Méditerranée, et présidée par l’impératrice Eugénie. Souffrant, Napoléon III n’a pu s’y rendre.
Trois tribunes abritent des membres des familles royales d’Europe et les représentants des mondes chrétien et musulman. Une absence remarquée, celle de la reine Victoria : les Anglais sont inquiets de voir les Français renforcer leur influence sur la route des Indes. Un diaporama, commenté par Frédéric Mitterrand, fait revivre cette fête somptueuse.
3- En haut de l’escalier qui mène au premier étage, taillé dans du marbre de carrare, un buste de Ferdinand de Lesseps. Personnage inclassable, ancien diplomate, il est le créateur du canal de Suez, celui grâce à qui tout a commencé. En 1859, il lance avec Saïd Pacha, souverain moderniste d’Egypte, ce projet pharaonique et le poursuit avec le khédive Ismaïl qui succède à son oncle en 1863.
Les scientifiques, emmenés par Bonaparte en 1798 lors de la campagne d’Egypte, avaient déjà imaginé une telle infrastructure mais ils avaient calculé à tort une dénivellation de 10 mètres entre la mer Rouge et la Méditerranée.
4- Prêtée par le musée du Louvre, une tête attribuée au pharaon Sésostris III, datant du XIXe siècle avant notre ère. C’est lui qui lance, le premier, l’idée d’une voie maritime entre la Méditerranée et la mer Rouge, mais la liaison n’est pas directe : sur une partie du trajet, il faut emprunter le cours du Nil. Régulièrement ensablé, le canal des pharaons est finalement fermé pour des raisons stratégiques.
5- Le canal de 1869 est représenté par un plan-relief de l’isthme de Suez, créé pour l’exposition universelle de 1878 et spécialement rénové aujourd’hui. D’abord creusé dans des conditions misérables (les paysans Egyptiens équipés de pelles et de pioches obéissent au principe de la "corvée"), le canal peut être achevé grâce à l’avènement de la machine à vapeur qui fait tourner dragueuses et excaveuses.
Depuis 2015, à l’initiative du président égyptien al-Sissi, le doublement du canal sur une partie de son parcours permet la navigation dans les deux sens et raccourcit le temps de la traversée.
6- Grand admirateur de l’Egypte, Auguste Bartholdi propose de réaliser à Suez la statue monumentale d’une paysanne drapée dans ses voiles et tendant un flambeau. Mais Ferdinand de Lesseps et Ismaïl Pacha n’ont plus assez d’argent et ne donnent pas suite.
Bartholdi reprend son projet. Il l’aménage quelques temps plus tard pour en faire la Statue de la Liberté, offerte par la France à la ville de New York en 1886. L’exposition présente des maquettes des deux statues.
7- Autre expérience immersive proposée : la projection du discours du président Nasser le 26 juillet 1956 à Alexandrie. Le jour de la fête nationale, face à une foule enthousiaste, il annonce la nationalisation du canal de Suez, notamment pour financer son projet du barrage d’Assouan.
Une opération militaire est engagée en réplique par les Français, les Anglais et les Israéliens, mais elle se solde par un fiasco. En 1967, la guerre des Six Jours et en 1973, la guerre du Kippour ravagent aussi la zone du canal et interrompent même la navigation.
8- Quelques bonnes vidéos : le philosophe Michel Serres de l’Académie française, ancien officier dans la Marine française, raconte une expédition à bord d’un bâtiment militaire de retour d’Indochine, après la crise de Suez ; un bel extrait de « Lawrence d’Arabie » de David Lean où Peter O’Toole dans le rôle-titre croit voir un navire traverser une dune, avant de découvrir le canal ; et Jean Dujardin alias OSS 117, dans une scène désopilante du film « Le Caire, nid d’espions », observe d’un promontoire un panorama à couper le souffle.
9- À la toute fin du parcours, le visiteur peut se placer face à un écran où sont projetées les images d’une caméra fixe, placée à l’avant d’un porte-conteneurs qui parcourt la mythique voie d’eau. Le paysage défile en accéléré et l’impression d’être à bord est troublante.
Quelques réserves
Je n'en vois aucun, tant l’exposition est une réussite !
Encore un mot...
Particularité géographique, prouesse technologique, voie commerciale et couloir stratégique, le canal de Suez est tout cela à la fois, et plus encore. En le présentant sous ses différentes facettes avec des documents extrêmement variés, l’Institut du monde arabe lui consacre une remarquable exposition, très complète, à ne surtout pas manquer.
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