L’art « dégénéré », le procès de l’art moderne sous le nazisme

Un coup de projecteur glaçant et nécessaire sur une période parmi les plus sombres de l’Histoire et son impact sur l’art
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Musée Picasso Paris
5 rue de Thorigny
75004
Paris
01 85 56 00 36
Jusqu’au 25 mai 2025. Tous les jours sauf le lundi, de 09h30 à 18h – fermé le 1er mai

Thème

L’expression nazie « art dégénéré » désigne une campagne publique d’exclusion et de destruction de l’art moderne, s’étalant sur plus de dix ans, de l’accession au pouvoir d’Adolf Hitler en 1933 à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, avec pour point d’orgue une exposition à Münich en 1937 portant ce titre, dans une mise en scène conçue pour provoquer le dégoût du spectateur. 

Le nazisme se dévoile par-là dans une de ses abjectes  facettes:  l’idéologie délirante d’un art pur par opposition à un art qualifié de nuisible et dégénéré dont l’appréciation est raciste et antisémite. 

L’exploration de cet épisode de l’Histoire moderne est bienvenue parce que les leçons du passé et les intentions de « Plus jamais ça » n'évitent pas des résurgences issues du plus sombre de la nature humaine et que notre monde est à cet égard secoué de soubresauts inquiétants.

Le parcours associe 3 angles de vue complémentaires : d’une part la présentation d’œuvres marquantes, rigoureusement et judicieusement sélectionnées, de nombreux artistes qui ont ainsi été condamnés au silence et meurtris dans leur âme et parfois dans leur chair, d’autre part la mise en exergue du processus délibéré de propagande et de violence mis en place par les nazis grâce à des documents éclairants, enfin la présentation de faces moins connues de cette campagne, d’un cynisme difficilement supportable.

Points forts

  • La qualité exceptionnelle des œuvres exposées, qui illustre le fait que toutes les tendances de la modernité, de l’expressionnisme à l’abstraction, de Dada à la Nouvelle Objectivité́, se trouvent condamnées en bloc. En finir avec l’art moderne, production d’« idiots », de « malades mentaux », de « criminels », de « spéculateurs », de « juifs », de « bolchéviques », pour faire advenir un art sain, image de la race allemande, tel est le programme que se donne la révolution culturelle nazie. 
  • Les nombreux et rares documents, jamais exposés en France, qui sont les témoins de cette campagne infamante qui vide les musées allemands et pille les ateliers. 
  • La chronologie des événements présentée avec clarté de manière implacable.
  • Le commerce de « l’art dégénéré » auquel s’adonnent en parallèle les nazis eux-mêmes, évoqué avec une salutaire transparence.

Quelques réserves

J’ai regretté que l’espace consacré à l’exposition ne soit pas plus grand ; la qualité des œuvres présentées et la présence contiguë de petites vitrines demandant temps et attention auraient mérité une scénographie moins resserrée et plus de recul pour mieux embrasser du regard l’ampleur de l’amputation méthodique et la beauté des tableaux et sculptures concernés. Ce d’autant, et il faut s’en réjouir, que l’exposition attire beaucoup de monde.

Encore un mot...

Si vous avez l’envie et le temps après cette exposition à forte portée émotionnelle, vous pouvez déambuler avec votre billet dans les collections permanentes du Musée.

Une illustration

George Grosz, Metropolis, 1916 – 1917 / Huile sur toile, Museo Nacional Thyssen- Bornemisza, Madrid © Estate of George Grosz, Princeton, N.J. / Adagp, Paris, 2024

Une phrase

« A présent, quand on travaille c’est comme si on travaillait pour une époque qui n’existe pas encore : pour tous les officiels d’aujourd’hui, on est un monstre et une abomination. » (Lettre d’Otto Dix à Israël Ben Neumann, 12 juin 1934)

L'auteur

Les plus grands artistes de l’art moderne sont concernés et exposés, parmi lesquels Picasso, Chagall, Kandinsky, Klee, Van Gogh, Grosz, Otto Dix, Nolde, Kokoschka…

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