(si vous pouvez...)
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Points forts
1° La mise en scène :
Les salles, habillées de tentures noires ou cramoisies, se succèdent dans une pénombre qu’éclairent seuls les tableaux, faisant ressortir les nuances et l’éclat des couleurs ainsi que la précision du trait. Le premier tableau présenté est un autoportrait (inachevé) de 1865 qui nous montre un Tissot au regard ironique et sûr de lui. A coté, inscrite sur le mur, une phrase de Proust :
« Le temps, qui d’habitude n’est pas visible, qui, pour le devenir, cherche un corps, partout où il les rencontre, s’en empare pour montrer sur eux sa lanterne magique »
Le ton est donné et, au fil de l’exposition, le lien entre Tissot et Proust se matérialise : même théâtralisation du monde, même jeu sur les apparences, même description subtile d’un milieu très spécifique.
Après avoir traversé une salle obscure et vide, l’exposition se termine de façon éclatante sur une très grande toile exposée seule et intitulée « La plus belle femme de Paris », véritable interrogation sur la beauté de la femme, la mode et le temps. L’étude des physionomies est d’une diversité et d’une perspicacité remarquables. Tissot, comme à son habitude, joue en virtuose avec la perspective, permettant au spectateur d’intégrer le tableau.
Et, une autre citation de Marcel Proust aura jalonné le parcours :
« Les yeux où la chaire devient miroir et nous donne l’illusion de nous laisser, plus que les autres parties du corps, approcher de l’âme ».
2° Les oeuvres:
Les expositions de Tissot sont rares. La dernière d’importance remonte, me semble –t-il, à 1985, au Petit Palais. Présentées plus ou moins dans l’ordre chronologique, les œuvres réunies au Cloître donnent une remarquable visibilité sur l’art de Tissot et son évolution.
A ne pas manquer :
- « l’étrangère : la voyageuse » dont l’étonnante distorsion de perspective permet d’appréhender quatre plans différents d’un seul regard.
- « la japonaise au bain » (1864), période où Tissot, comme Degas, explore le « japonisme ».
- L’ensemble des tableaux où est représentée Kathleen Newton. L’année 1875 est très marquante dans la vie et l’œuvre de Tissot car il rencontre Kathleen Newton, une ravissante irlandaise, divorcée, qui deviendra sa compagne et son modèle. Cette liaison choqua la société victorienne pudibonde, amusa les non conformistes mais n’entama en rien son succès de portraitiste ou de peintre de scènes sur la Tamise (les anglais étaient plutôt indulgents à l’endroit de ces coquins de français).
En 1882, Kathleen meurt de tuberculose (se sachant en phase terminale, elle se serait suicidée). Tissot rentre aussitôt à Paris. Il ne reviendra plus à Londres.
- L’étonnante série de quatre tableaux représentant la parabole du fils prodigue "dans la vie moderne".
Quelques réserves
J’en vois peu :
Peu de gravures, alors que Tissot était un grand graveur.
L’absence de ses œuvres post 1888, période à partir de laquelle il ne peindra plus que des sujets bibliques (à la suite d’une révélation religieuse).
L’absence du tableau « Le Cercle de la rue Royale » (1868) dans lequel on distingue plusieurs personnages qui ont inspiré Marcel Proust et tout particulièrement Charles Haas, modèle de Swann. Il a été acquis par le musée d’Orsay en 2011.
Encore un mot...
Si vous passez par Rome, ne manquez pas cette expo...
L'auteur
Réalisé entre 1500 et 1504, le cloître de Bramante, une pure merveille de cet immense architecte classique de la renaissance, accueille une exposition de 80 œuvres du peintre nantais Jacques Josèphe ,dit James (anglomanie ?!) Tissot. La plupart des œuvres ont été prêtées par la Tate de Londres, le Petit Palais, le musée d’Orsay et des collections privées.
La rencontre improbable du très classique Bramante (dont les cellules de moines ont été transformées en boudoirs de cocottes victoriennes) et des peintures de ce remarquable coloriste qui explore la condition féminine de son temps est, pour le moins, surprenante et totalement réussie.
Très estimé en Angleterre et en Amérique, Tissot est assez méconnu en France où il a souvent été considéré, à tort, comme un peintre mondain centré sur la toilette féminine de son époque.
Fils d’un riche drapier franc-comtois installé à Nantes, il nait en 1836 sur les bords de la Loire. C’est sans doute cet environnement familial qui lui donnera le goût des étoffes qu’il peindra avec une telle précision qu’elles en deviennent « palpables » .
Son parcours peut se découper succinctement en trois périodes :
- LES DEBUTS
Après des études chez les jésuites de Vannes, on le retrouve à Paris en 1856 où il suit les cours de Hyppolyte Flandrin et Louis Lamothe aux Beaux Arts. Ces deux peintres lyonnais étaient des élèves de Ingres. Il s’y liera d’amitié avec Edgar Degas, Edouard Manet et le peintre américain James Whistler, l’initiateur de l’impressionnisme en Angleterre.
Il expose pour la première fois au Salon de Paris de 1859, des toiles « médiévalistes » inspirées de Faust comme « la rencontre de Faust et de Marguerite » qui figure au catalogue de l’exposition romaine. Ces œuvres sont très influencées par le peintre belge Henri Leys, rencontré à Anvers la même année.
- LA MATURITE
Vers 1863, Tissot change profondément de style. Abandonnant les sujets médiévaux, il se concentre sur la description de son monde contemporain à travers des portraits. Comme Manet, il explore le « japonisme ». En 1869, il expose certaines de ses toiles à la Royal Academy de Londres; elles sont très appréciées par la haute société anglaise et marquent le début d’un engouement et d’une réputation qui lui apporteront gloire et fortune.
Pendant la guerre franco-prussienne de 1870, Tissot participe, dans la Garde Nationale, à la défense de Paris. En 1871, il quitte Paris pour s’installer à Londres où il passera plus de 10 ans.
L’année 1875 est très marquante dans sa vie car il rencontre Kathleen Newton.
En 1882, à la mort de Kathleen Newton, Tissot repart à Paris.
De retour en France, une importante exposition lui est consacrée en 1885, à la galerie Sedelmeyer, où figuraient 15 toiles d’une série intitulée « La femme à Paris ». Il n’y peint plus les « fashionistas » mais des femmes d’origines sociales diverses, dans le cadre de leur travail ou de leur vie sociale.
- LES DERNIERES ANNEES
A partir de 1888, Tissot a une révélation religieuse alors qu’il étudie une toile dans l’église Saint Sulpice de Paris. Jusqu’à la fin de sa vie (1902), il ne peindra pratiquement plus que des sujets bibliques. A une époque dominée par l’impressionnisme et le pointillisme, il se tournera vers le réalisme. Sa série de 365 gouaches représentant la vie du Christ fut accueillie avec enthousiasme et l’ensemble sera acheté en 1900 par le musée de Brooklyn. Ses tableaux consacrés à l’Ancien Testament sont regroupés au Jewish Museum de New York.
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