Le pays des autres

Un magnifique roman dans le bled marocain au mitan du XX°siècle
De
Leïla Slimani
Gallimard,
370 pages
Notre recommandation
4/5

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Thème

En 1944, Mathilde est une jeune strasbourgeoise qui se morfond dans sa province, la tête pleine d'aventures. Celles-ci se présentent sous la forme d'un beau marocain, Amine, dont elle tombe follement amoureuse. Après leur mariage, il l'enlève littéralement pour la ramener au pays. Tout ceci est tellement romanesque ! La réalité est toute autre et la jeune femme va vite déchanter. Amine entreprend de rendre fertile un terrain aride à souhait pour en faire un potager et faire pousser des arbres fruitiers. Il réinvestit le moindre liard gagné dans son entreprise, donc l'argent est rare. Elle élève ses enfants, décore son intérieur avec les moyens du bord, cuisine, soigne comme elle peut. Et surtout, elle doit se plier aux coutumes de ce pays pas forcément accueillant envers ceux du continent, d'autant que nous entamons la guerre d'indépendance du Maroc. Nous suivons l'évolution de cette jeune femme dans ce premier tome de la trilogie La guerre, la guerre, la guerre, dédiée à la famille de l'auteur.

Points forts

- C'est tout d'abord un magnifique portrait de femme que nous propose Leïla Slimani. Cette jeune bourgeoise alsacienne, qui arrive au Maroc pleine de rêves pour dégringoler brutalement sur terre, refuse de s'en laisser conter. Elle fait face, retrousse ses manches, pleine d'ingéniosité, de courage. Fine mouche, elle fait face à chaque situation et contourne les usages locaux avec doigté et intelligence. Elle est lumineuse sur son tas de cailloux, auréolée par l'amour de son bel arabe. Battante, elle mène sa barque avec une fantaisie extrême et un optimisme à tout crin. C'est une belle personne.

- Amine, le mari est curieusement à la fois le personnage central - c'est le coeur de la vie de Mathilde - et un personnage secondaire qui passe les trois quarts de son temps sur ses terres. Rien ne le rebute, il a une foi de charbonnier, bien décidé à transformer son terrain sec comme un coup de trique en verger florissant. C'est amusant de constater que l'on dit de quelqu'un qu'il est beau comme un dieu et en même temps, qu'il a la beauté du diable !

- C'est un roman d'atmosphère, de bruissements, de vent, de nature. Nous sommes à une époque où le Maroc prospère et insouciant, va être plombé par la guerre d'indépendance, fratricide, qui entraîne suspicions et rancoeurs au sein même des familles. Mais avant ce marasme, la vie est rythmée par la nature et les saisons pour Mathilde et les siens. On savoure un coucher de soleil, le calme des champs troublé par le pépiement des oiseaux. En réalité, on apprécie les bonheurs simples de la vie au quotidien, une robe transformée qui redevient neuve, un gâteau concocté pour l'anniversaire d'Aïcha, leur fille...

- Le fracas provoqué par la guerre d'indépendance et le chaos qu'elle suscite sont remarquablement bien décrits, comme vécus de l'intérieur. 

- L'écriture est légère, enjouée, drôle, la narration est fort plaisante, chaque personnage est décrit avec finesse mais surtout avec beaucoup de bienveillance, sans jamais juger les attitudes des uns et des autres, cherchant plutôt à les comprendre. Ce roman est écrit avec la simplicité propre aux grands écrivains, sans grandiloquence, retraçant la vie au bled dans la première moitié du XXème siècle, lorsque les gens étaient encore courtois et respectueux, notamment envers les anciens.

Quelques réserves

- Confinement oblige, j'ai reçu ce livre en numérique. Or je suis incapable de lire un ouvrage sur écran. Donc, j'ai imprimé les 370 pages. Superbe pavé à trimballer...

Encore un mot...

C'est un roman ancré sur le sens des valeurs premières régissant l'existence, surtout dans le bled où la société de consommation à outrance n'est pas de mise. C'est le début d'une superbe saga familiale dans laquelle on sent l'infini attachement de l'auteur envers les siens et surtout envers ce personnage hors normes qu'est Mathilde. Celle-ci force l'admiration avec son refus de baisser les bras devant l'adversité - et il y aurait de quoi ! - et surtout son optimisme qui rappelle une citation de Rimbaud : "Inutile de se noircir les idées tant qu'on existe". Les personnages sont touchants. La jeune Aïcha, cette étrange petite fille si secrète, remarquablement intelligente, sera sans aucun doute le sujet central du deuxième tome de cette trilogie.

Une phrase

(Où l'humour prend le dessus avec le sultan exilé à "Madame Gascar" :)

"Mouilala vouait au sultan une touchante déférence. Comme les autres femmes, elle montait la nuit sur la terrasse pour voir le visage du souverain dans la lune. Elle n'avait pas apprécié que Mathilde se mette à rire quand elle avait pleuré à cause de l'exil de Sidna Mohammed chez la Madame Gascar."

L'auteur

Leila Slimani (1981) a écrit deux romans parus aux Editions Gallimard : Dans le jardin de l'ogre, et surtout, Chanson douce qui l'a fait connaître du grand public et a obtenu le prix Goncourt en 2016, puis le prix des Lectrices de Elle et le grand prix des lycéennes" de Elle en 2017. L'auteur a publié aux Éditions de l'Aube Le diable est dans les détails en 2016 et Simone Veil, mon héroïne en 2017. Aux Éditions Les Arènes enfin, sont publiés Paroles d'honneurs et Sexe et mensonges. La vie sexuelle au Maroc en 2017. Le pays des autres est le premier tome de la trilogie familiale La guerre, la guerre, la guerre.

Commentaires

Djellal
mar 16/03/2021 - 20:25

Pas très emballée tout au long de la lecture, aucun dénouement, vision négative sur la civilisation arabe !!!!!!
Sentiment de roman inachevé !!!!, aurai je le courage ou l’envie de lire la suite???

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