Churchill
Perrin,
1360 p.,
29 €
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Thème
Il ne faut pas être rebuté par cet énorme pavé, très bien écrit (et très bien traduit) d’un spécialiste britannique. Ce dernier opus reprend des recherches précédentes sur l’enfance (de chien), l’adolescence besogneuse, le bonheur d’être à la fois militaire et journaliste dans des conflits à Cuba, aux Indes, au Soudan, contre les Boers...il souligne également la chance formidable de Winston d’avoir épousé Clementine Hozier, la seule femme capable de le supporter, ses réussites, ses échecs.
Points forts
Les travaux de Roberts sur le grand Winston ont l’incontestable qualité de la proximité, de la compréhension de l’originalité du personnage.
On peut apprécier des éclairages nouveaux, notamment sur ses relations avec la famille royale, son rôle très important pour dissuader Edouard VIII d’abdiquer, ses relations difficiles avec son fils Randolf, son amour immodéré pour la guerre secrète, sa « quatrième force ».
Quelques réserves
Mais peu de nouveautés sur ce grand dépressif qui se soigne dans la suractivité, cet éternel « fauché » roi des pique-assiettes, amateur de cigares et de champagne. L’extravagance affichée cache en fait une perspicacité rare.
Encore un mot...
Donc un très bon livre d’histoire moderne, excellent compagnon pour les longues soirées d’automne.
Une phrase
..."les essais de la nouvelle arme furent spectaculaires et ravirent à tel point le Premier Ministre qu'il demanda s'il pouvait la tester lui-même. Il prit le pistolet-mitrailleur et tira une longue rafale...Il se préoccupait si peu de la sécurité que les spectateurs durent prendre refuge derrière lui. Churchill s'amusait tellement qu'il troua la cible de ses initiales...Quand il eut vidé le chargeur, il en redemanda un autre et tendit la mitraillette à sa fille cadette Mary qui tira avec enthousiasme"....
L'auteur
Andrew Roberts (né en 1963) historien, issu du King's Collège, enseignant au Royaume Uni et aux Etats Unis, est très connu pour ses chroniques journalistiques et ses prestations télévisées.
Mr Roberts a également produit un «Napoléon, une vie» traduit en français, qui lui a valu en 2014 le Prix très parisien de la Fondation Napoléon.
Et aussi
Toutefois, lire Winston Churchill par Churchill lui-même reste incontournable, même s’il élude parfois des circonstances qui l’ennuient ou affabule un peu dans l’exploit.
Mes jeunes années : écrit vers 1930 (il a 55 ans). Point n’est besoin de lire autre chose : enfance, études, famille, Sandhurst, le 4ème hussards, Cuba, l’Inde, l’expédition du Malakand, les charges de cavalerie, puis prisonnier des Boers, son évasion, ses débuts aux Communes. Un livre épatant, écrit d’une plume alerte (éditions Tallandier en poche) tout comme Mon voyage en Afrique en 1907, mais moins bien, qui rassemble les articles qu’il écrivit -à prix d’or- pour le Daily Telegraph, puis le Morning Post.
Conversations intimes : il s’agit d’une sélection parmi les 4000 lettres échangées avec son épouse Clementine, de 1908 à 1964, choisies par leur plus jeune fille, Mary Soames (en français, 2013, Tallandier). Vraiment «intime» entre le Pug (Churchill) et Clem-pussy (l’une des signatures de Clementine), souvent très drôle, émouvant, qui mélange les enfants, les soucis d’argent, les guerres, la diplomatie, la noblesse, la mort du roi, les déménagements, la Côte d’Azur, les tranchées de 1917, les rencontres de Clem avec Mussolini (en 35) et Staline (en 47), la peinture à Marrakech et les séjours avec Roosevelt à Washington. Tout cela est passionnant.
Mémoires de Guerre, 2vol. (1914-18) et (1940-45) (Texto Tallandier) : l’envers du décor, par celui qui en organisa une grande partie. Dans le 1er : ses premières adversités politiques, le désastre des Dardanelles, l’expérience des tranchées, Clémenceau. Dans le 2ème : Seul contre tous, l’élimination de Chamberlain et Halifax, la relation complexe avec de Gaulle, puis celle avec les Américains. Téhéran, Yalta, Potsdam, le marchandage, l’immédiate après guerre, les Bermudes. Avec une intelligente préface de l’historien François Kersaudy (lequel a publié un Winston Churchill chez Tallandier en 2015)
Pourquoi ne pas mentionner également l’incroyable Winston Comment un seul homme a fait l’Histoire (Stock, 2015) par Boris Johnson, avant qu’il ne soit Prime Minister et ait compris ce que cela signifie. Admiratif mais approximatif. Une sorte de psychanalyse pour Spice girls.
On peut aussi aimer les 2 volumes (le 3ème ne fut jamais terminé) de William Manchester (chez Laffont en 1988) Winston Churchill : 1/ Les rêves de gloire (1874-1932). 2/ L’épreuve de la solitude (1932-1940). Une rare et pénétrante approche. (l’auteur a également écrit une belle étude sur le général Macarthur, qui préféra le maintien de l’Empereur du Japon à une possible présidence des USA : Un César américain 1880-1964).
Autre genre - Autre style :
Vient de reparaître : Les Coups tordus de Winston Churchill par Bob Maloubier (Texto Tallandier, 2020, 313 pages, 10 euros). Robert (dit Bob) Maloubier (1923 – 2015) fut l’un des principaux acteurs français du fameux SOE (Special Operations Executive) créé par Churchill dès 1939, «4ème force» secrète, hors les militaires et les politiques (aussi obtus les uns que les autres), sous son unique autorité, spécialisée dans le renseignement, les sabotages et les attentats. Roi de la cordite, du plastic et des détonateurs, Maloubier eut pour fonction «instructeur en sabotages». Il en prépara beaucoup, survivant miraculé 2 ou 3 fois, il est également le père des nageurs de combat du SOE.
Ce livre, le dernier, publié en 2015 et réédité aujourd’hui, se lit bien malgré une narration pas toujours très orthodoxe et parfois désordonnée, rendant décevants certains passages mal rédigés. Cependant, il rend un hommage enthousiaste à l’intrépide Winston, à sa passion pour la «déstabilisation» de l’adversaire par tous moyens. Les 2 premiers chapitres consacrés à «l'imbroglio» Darlan-Giraud-deGaulle, en découvrent d’inattendus dessous (sur ce sujet, on lira surtout le très remarquable L'imbroglio de Charles Zorgbibe, seule approche vraiment claire et complète de ce jeu de dupes). Les chapitre 3 et 4 résument assez bien la vie de Winston et ses exploits jusqu’en 1940 et la création «souterraine» du SOE.
Ensuite, se déroulent de 1941 à 1945, quelques unes des actions les plus spectaculaires, notamment les 2 tentatives de Norvège pour anéantir l’eau lourde et la possibilité d’engins nucléaires nazis (la première ratée, la seconde réussie), l’assassinat du chef SS Heydrich en Tchécoslovaquie, l’invention insensée d’un officier noyé près de Gibraltar, porteur fictif des plans d’une invasion des Balkans en 43 (un très bon film « L’homme qui n’a jamais existé » a été tiré de cette histoire vraie, réalisé par par Ronald Neame en 1956, avec Clifton Webb et Stephen Boyd), le plan Fortitude destiné à tromper l’ennemi sur le lieu du débarquement de Juin 44, et la préparation du «vrai» sur le sol français.
On peut cependant préférer le magnifique Des Anglais dans la Résistance, le SOE en France 1940/44 de Michael R.D.Foot, préfacé par Jean-Louis Crémieux-Brilhac : un monument ! (Tallandier). Plus de 800 pages rigoureuses, précises, remplies d’anecdotes allant du meilleur au pire (les terribles pertes de l’année 43). C’est à la fois très beau et très intéressant.
Egalement Les saboteurs de l’ombre, la guerre secrète de Churchill contre Hitler, de Giles Milton (éditions noir sur blanc, 2018), historien reconnu, fort bien rédigé, qui décrit dans le détail la formation des commandos, leur apprentissage des meurtres silencieux et des destructions impossibles, la remontée de la Gironde pour aller détruire les abris des U-boats stationnés à Bordeaux, l’invention des mines sous marines, de l’allumage à retardement. Le tout sous la férule du Colonel Gubbins et de ses acolytes pas toujours recommandables. Une certaine ironie et des détails loufoques. Tout cela fut «classé défense» jusqu’en 1974.
Enfin le beau récit de Noreen Riols Ma vie dans les services secrets (1943/45) (Calmann-Lévy, 340 pages) : la version féminine des services, le destin d’une centaine de femmes dans des actions toujours difficiles et parfois cruelles. Elle connut bien Maloubier et ses nageurs, préparant leurs expéditions souvent saugrenues. Là aussi la reconnaissance britannique ne vint que fort tard, en 2008.
Plusieurs ouvrages sur Churchill font l’objet d’une chronique sur le site Culture-Tops, notamment :
Churchill et la France de Christian Destremeau, par Anne Jouffroy
Comment un seul homme a fait l’Histoire, de Boris Johnson, par Jean-PierreTirouflet
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