Un parfait inconnu
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Thème
Un beau jour de 1961, un jeune homme de vingt ans, qui s’est rebaptisé Bob Dylan - en réalité son vrai nom est Robert Zimmerman - débarque à New York de son Minnesota natal, sans un sou en poche (Timothée Chalamet). Casquette vissée sur la tête, sa guitare en bandoulière, il vient rendre visite à Woody Guthrie, l’un des musiciens folk qu’il admire le plus. Cloué sur son lit d’hôpital, atteint de la maladie de Huntington, ce dernier ne peut plus parler. Mais à son chevet, se trouve une autre idole du visiteur, Pete Seeger, grande figure lui aussi de la musique contestataire (Edward Norton). Bob interprète à Woody le song qu’il a composé en son hommage. Subjugué, Pete Seeger comprend avant même la fin du morceau qu’il est face à un phénomène, et il le présente à son cercle de musiciens.
Quatre années vont suffire au jeune auteur-compositeur-interprète pour devenir une superstar du folk. Mais l’insaisissable Dylan ne va pas s’arrêter là. Impossible pour ce poète épris de liberté de se laisser enfermer dans un courant, comme le fait Joan Baez, une de ses maîtresses passagères (Monica Barbaro). Au festival de Newport 1965, l’enfant terrible de la scène musicale américaine frappe un coup libérateur : il décide d’électrifier ses guitares (chez les puristes du folk, le scandale est énorme !), pour poursuivre sa route, au gré de son génie…
Points forts
L’angle du film. Au lieu de chercher à embrasser toute la carrière de l’inclassable Bob , James Mangold a choisi de consacrer son biopic aux années où l’interprète de Like a Rolling Stone a forgé sa carrière, ces « sixties » où l’Amérique, en pleine mutation, était prête à accueillir des genres musicaux nouveaux. Pour le cinéaste, il s’agissait moins de chercher à dévoiler les secrets de la personnalité (de toutes façons insondable) du chanteur que de tenter d’approcher au plus près, son processus créatif. Idée formidable, puisque pour la première fois, Dylan accepta de donner son avis sur le scénario. Ce qui donne à ce film une vérité incroyable.
Autre point fort du film : le soin apporté par le cinéaste et son équipe à reconstituer avec le plus de minutie possible les décors, les costumes et les accessoires de Bob. Mangold est allé jusqu’à reproduire, dans leurs moindres détails, le légendaire Studio A de Columbia Records (où fut notamment enregistré Mr Tambourine Man) et l’appartement new-yorkais où Bob vivait à l’époque. Mieux, il a poussé le bouchon jusqu’à faire reproduire les modèles des guitares dont se servaient à l’époque Bob et Joan Baez.
Même volonté de vérité en ce qui concerne les dialogues. Comment s’exprimait Bob? Comment ses proches l’appelaient -ils? Jusqu’à la plus petite réplique, tout est authentique dans ce film. C’est cette authenticité qui permet de penser que ce film cerne au mieux la personnalité pourtant si énigmatique du chanteur.
Et puis, bien sûr, il y a le casting, impeccable bien-sûr, jusque dans les plus petites prestations, avec des performances sensationnelles comme celle d’Edward Norton dans le rôle de Pete Seeger et celle de Monica Barbaro dans son personnage de Joan Baez. Et puis, bien sûr, il y a l’interprétation de Timothée Chalamet, grandiose, bluffante, époustouflante. Pour arriver à ce résultat, le comédien a travaillé pendant six ans. Il interprète environ 40 chansons. Toutes ont été enregistrées en live, voix, guitare et harmonica. Il n’imite pas Dylan, il ne le vampirise pas : il l’habite. On cherche, en vain, un adjectif pour qualifier, au mieux, sa prestation.
Quelques réserves
Dommage que la dernière séquence du film consacrée à la prestation iconoclaste à la guitare électrifiée du grand Bob au Festival de Newport en 1965 s’étire sur 22 minutes. Bien que clef dans la carrière de l’indomptable chanteur, elle gâche (un peu) la perfection de ce biopic, ce qui, dans notre « recommandation », lui coûte ( à grand regret) un cœur (il n’existe pas de demi !)
Encore un mot...
Bien que cinquième long métrage consacré à Bob Dylan (dont, en 2007, I’m not there de Todd Haynes), Un parfait inconnu était l’un des films les plus attendus de ce début d’année. Dire qu’il ne déçoit pas est un euphémisme. Aux Etats-Unis, sous les déluges d’éloges de la presse, il a crevé en quelques jours les plafonds du box-office. Précédé d’une presse plus que positive dans l’Hexagone, il devrait, auprès du public français, y connaître le même « sort ». Comment ne pas être fasciné par ce film qui reconstitue avec une méticulosité (non dévote, précisons-le !) les débuts de carrières fulgurants de celui qui parvint en seulement quatre ans à devenir une des plus grandes icônes mondiales de la musique, et ce, sans jamais rien céder de son mystère et de sa singularité ? Comment ne pas être non plus happé par la prestation impressionnante de Timothée Chalamet, qui s’empare du personnage du grand Bob avec un naturel impressionnant, sans jamais chercher à le copier, mais en le jouant au plus près de sa vérité, de simplicité, de sa détermination, et de son charisme hors norme ? A ne pas rater.
Une phrase
« Il y a deux manières de s’atteler à un film autour de Bob Dylan. Soit on s’attarde sur le comportement d’un type qui n’aimait guère le contact avec les autres et qui était auréolé de mystère. Soit on évoque ses plus grands tubes et on risque de trahir sa vie et son œuvre en passant sous silence le fait que sa carrière n’ait pas été une ligne droite. James Mangold a su trouver le juste équilibre entre la réalité sans concession du personnage et sa démystification, tout en évitant le piège de l’hagiographie » ( Timothée Chalamet, comédien. Dossier de presse).
L'auteur
A la fois réalisateur, scénariste, producteur et acteur, James Mangold, ancien étudiant d’Alexander Mackendrick, est une personnalité très influente du cinéma américain. Il a percé en écrivant et en réalisant plusieurs films indépendants dont le noir Heavy (1995), le crépusculaire Copland (1997) et le romantique Une vie volée (1999). Et puis il s’est diversifié . Après une incursion dans des productions plus commerciales (en 2001 Kate et Léopold ; en 2003, Identity et en 2010, Night and Day avec Cameron Diaz et Tom Cruise), il revient à l’écriture pour Walk The Line, un film biographique sur Johnny Cash, avec dans le rôle du chanteur mythique, un impressionnant Joaquin Phoénix.
A la suite du succès de ce film, le cinéaste passe à la production de séries (dont Men in Trees) tout en acceptant la mise en scène du western 3h10 pour Yuma. En 2011, il dirige le blockbuster The Wolverine, en 2O16, Logan, puis Le Mans 66, et en 2020, il remplace Steven Spielberg pour la réalisation d’Indiana Jones et le cadran de la destinée.
Vingt ans après Walk the line, il se lance dans un nouveau film biographique d’une autre légende de la musique, Bob Dylan. En seulement cinq jours d’exploitation aux Etats Unis, Un parfait inconnu a rapporté 23,2 millions de dollars !
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