Je suis toujours là
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Thème
Rio, 1971, sous la dictature militaire… Le film commence sur une plage où des enfants et des adolescents, insouciants et joyeux, jouent au ballon et se filment avec une caméra super 8. Ils habitent une maison à 100 mètres de là. Leur père, Ruben, est un architecte, ancien député travailliste, et son épouse, Eunice (Fernanda Torres), une femme délicieuse qui s’occupe avec amour de leurs cinq enfants. La dictature s’installe, insidieusement d’abord, puis de plus en plus visiblement. Un jour, Ruben, qui aidait les opposants au régime à fuir à l’étranger est arrêté par des hommes armés sous les yeux de sa famille. Il sera bientôt assassiné par la junte militaire. Eunice et ses enfants vont alors, pendant près de trente ans, mener un combat acharné pour connaître la vérité…
Points forts
La singularité du scénario : tenu de bout en bout, écrit d’une plume à la fois souple et ferme à partir d’une histoire vraie (celle de la famille Paiva), ce dernier évoque l’horreur de la dictature à travers la bourgeoisie, une classe sociale souvent absente de la plupart des films traitant de ce sujet. Et puis, surtout, à partir de ce point de vue, il dresse le portrait d’une femme admirable, de combattivité et de dignité.
Le souffle romanesque qui soulève le film. Malgré le plomb de la tragédie évoquée, peuvent ainsi circuler dans le scénario la tendresse, l’humanité et l’amour. Dans ce va et vient entre l’horreur et l’humanité, on reconnaît là la patte si singulière de Walter Salles.
La performance de Fernanda Torres. Dans le rôle d’Eunice, la comédienne est extraordinaire, qui donne tout à voir de son personnage : sa détermination, son courage, sa droiture, sa vitalité et l’amour qu’elle porte à ses enfants.
Quelques réserves
Aucune. Walter Salles a su échapper à toutes les chausses-trappes de ce genre de film. Il ne verse ni dans le sensationnalisme, ni dans le mélo.
Encore un mot...
Après douze ans d’absence au cinéma, Walter Salles (Central do Brazil) revient avec ce film inspiré du livre du fils du député travailliste Rubens Paiva, assassiné par la dictature militaire brésilienne en 1971. En relatant ce tragique fait réel, le réalisateur brésilien signe un film fort, esthétiquement très réussi, et qui lève le voile sur une période très méconnue (et pour cause) de l’Histoire du Brésil. Il n’est pas étonnant qu’après avoir été présenté à la dernière Mostra de Venise, Je suis toujours là en soit ressorti avec le Prix du scénario. Il a aussi permis à Fernanda Torres de remporter le Golden Globe de la meilleure actrice dans un drame. Ce qui n’est pas rien, et ouvre peut-être à l’actrice une voie royale pour une nomination aux Oscars. Édifiant, politique, et déchirant.
Une phrase
« Ce retour au cinéma comme un lieu de dévoilement du monde est pour moi assez extraordinaire. J’essaie d’offrir un reflet du Brésil à un moment donné. A mesure que Je suis toujours là se préparait, on a vu la montée de l’extrême droite. Je me suis aperçu que ce n’était pas seulement un film sur notre passé mais aussi sur notre présent. Et cela a donné une urgence à ce que nous faisions. Si Bolsonaro n’avait pas quitté le pouvoir, nous n’aurions pas pu le tourner. » (Walter Salles- Réalisateur. Paris-Match du 9 janvier)
L'auteur
Fils du banquier philanthrope Walter Moreira Salles, Walter Salles, né à Rio de Janeiro le 12 avril 1956 est le cinéaste brésilien qui, 40 ans après, a su replacer son pays, le Brésil, sur la carte du cinéma mondial. Monteur, scénariste, réalisateur et producteur, il est actuellement le chef de file d’une génération de cinéastes remarquables dont Fernando Meirelles.
C’est par le documentaire qu’il a commencé sa carrière dans les années 80. Il attendra les années 90 pour se lancer dans la fiction, avec A Grande Arte. Après une interruption due à la grande crise économique qui sévit pendant quelques années au Brésil, il revient à la fiction en 95 avec un thriller remarqué, Terre lointaine. En 98, il remporte l’Ours d’or à Berlin avec Central do Brasil, un film inspiré par son documentaire Socorro Nobre. Suivront, en 2001, Avril brisé, en 2004, Carnets de voyage (un film sur la pré-révolution de Che Guevara),en 2005 Dark Water (un film d’horreur), en 2008, Une famille brésilienne, en 2012 Sur la route, tiré du livre de Jack Kerouac (qui convainc moins) et aussi un documentaire sur le cinéaste Jia ZHang-ke.
Je suis toujours là, qui sort aujourd’hui sur les écrans français est le candidat du Brésil à l’Oscar du meilleur film étranger.
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