Yellow Cab
166 p.
22€
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Thème
Benoît a 46 ans. Il est français, réalisateur de films et de séries, exilé depuis un an à Brooklyn où il vit son rêve américain. Confronté à l’angoisse de la page blanche, désireux de « [s’] immerger plus dans cette culture du pays » et de « vivre l’expérience de l’intérieur… au plus près… », il décide de devenir chauffeur de taxi jaune, les fameux « Yellow Cab » qui ont tant fait pour la légende de New-York.
En passant ainsi de l’autre côté du miroir du rêve américain, il espère trouver l’inspiration et la matière qui nourriront son prochain film. Il se lance dans le parcours du combattant des démarches pour obtenir sa licence avant de pouvoir s’inscrire au garage où le dispatcher met chaque jour un véhicule différent à disposition des chauffeurs. Il sera alors temps de tourner pour la première fois la clé de contact d’un taxi jaune et de se lancer à l’assaut de la circulation new-yorkaise.
Points forts
La variété des cadrages donne un dynamisme très cinématographique à l’album. La puissance du trait de Chabouté est rehaussée par le choix d’un noir et blanc intégral qui se marie parfaitement à l’énergie de New-York. La seule touche de couleur de l’album se trouve sur la couverture, où une tâche de jaune vient par un joli pied de nez habiller non pas la carrosserie d’un taxi, mais le coffrage de feux de circulation.
Le texte fait alterner dialogues « de terrain » et la voix-off du personnage principal. Celle-ci fait partager au lecteur les réflexions de Benoît sur l’expérience qu’il est en train de vivre. Si certains échanges entre Benoît et ses collègues chauffeurs sont magnifiquement révélateurs d’une réalité insoupçonnée quant à la dureté de leur métier, c’est dans la gestion des silences que le talent de Chabouté donne toute sa mesure. Les nombreuses pages dépourvues du moindre texte sont les plus impressionnantes tant elles véhiculent d’émotions par les expressions des visages, les choix de cadrage et les jeux d’ombres.
Tout lecteur s’étant déjà glissé à l’arrière d’une de ces voitures ne pourra qu’apprécier d’être immergé dans le quotidien des chauffeurs de taxi new-yorkais, au contact duquel Benoît devra abandonner une vision « cinématographique » – « le Yellow Cab, c’est le cinéma, c’est Taxi Driver, c’est De Niro, c’est Scorcese, c’est Jarmusch, c’est Breakfast at Tiffany’s, The Game de Fincher, Brando dans Sur les Quais, James Cagney, Audrey Hepburn, Ben Gazzara, Benny the Cab… » - au profit d’une vision autrement plus pragmatique du métier : « […] se débrouiller pour transporter sains et saufs des gens d’un point à un autre, le plus rapidement possible, sans se perdre, sans avoir d’accident, sans se faire arrêter par les flics, sans se retrouver avec une balle dans la tête. »
Quelques réserves
S’il est passionnant de suivre l’évolution du regard que porte Benoît sur son expérience de chauffeur de taxi, il peut s’avérer plus difficile « d’accrocher » aux passages où il s’interroge sur la façon dont cette expérience pourrait nourrir son futur scenario.
Encore un mot...
C’est un réel bonheur de pouvoir ranger dans sa bibliothèque une nouvelle BD dédié aux taxis new-yorkais aux côtés du très noir et désenchanté Berceuse assassine, de Meyer et Ralph, éd. Dargaud, 1997-2002.
C’est un autre bonheur que de savourer les clins d’œil aux références cinématographiques dont regorge Yellow Cab, avec en point d’orgue le magnifique hommage rendu à Il était une fois en Amérique, de Sergio Leone, sorti en 1984.
C’est toujours un bonheur de retrouver New-York, qui s’avère être la véritable héroïne de l’album. L’auteur la met magnifiquement en scène tout en restituant sans fard ses caractéristiques : énergie, démesure, brutalité, dureté, cynisme, égoïsme, frénésie, cosmopolitisme.
Une illustration
L'auteur
D’origine alsacienne, Christophe Chabouté, né le 8 février 1967, se forme aux beaux-arts de Mulhouse, à l'école des Beaux-Arts d’Angoulême et aux Arts Décoratifs de Strasbourg avant d’exercer pendant quinze ans dans la publicité. En 1993, entrée en BD avec la publication par Vents d'Ouest de ses premières planches dans Les Récits, un album collectif sur Arthur Rimbaud. Adepte du noir et blanc, Chabouté revendique l’influence de Didier Comès, Jacques Tardi, José Muñoz, Dino Battaglia et Alberto Breccia. En 1998, il décroche à Angoulême l'Alph' Art Coup de Cœur avec Quelques jours d’été, éd. Paquet. Zoé, paru en 1999 chez Vents d’Ouest, est l’album de la maturité. Suivront des albums tels que Pleine Lune, éd. Vents d’Ouest, 2000 ; Un Îlot de Bonheur, éd. Paquet, 2001 ; La Bête, éd. Vents d'Ouest, 2002 ; Landru, éd., Vents d’Ouest, 2006 ; Construire un Feu, éd. Vents d’Ouest, 2007 ; Tout seul, éd. Vents d’Ouest, 2008. Plus récemment, on notera le poétique Juste un peu de bois et d’acier, éd. Vents d’Ouest, 2012, et son adaptation de Moby Dick, éd. Vents d’Ouest, 2014
Le clin d'œil d'un libraire
Librairie LE PASSAGE à Lyon. Les épidémies n’y passent pas, la culture si !
Passer le message, passer les idées, passer la culture, c’est-à-dire transmettre c’est le concept premier de cette librairie bien connue du cœur du Lyon historique. Mais cette institution de la capitale des Gaules c‘est aussi un passage très fréquenté du 2e arrondissement. Le PASSAGE est donc un lieu d’échanges privilégié qui a su résister à la pandémie grâce à une clientèle fidèle et qui n’a cessé de s’agrandir depuis 20 ans. Le clic et collect a permis d’éponger une partie de la chute des ventes (une partie seulement...) grâce au dévouement des 9 libraires de l’équipe.
« Les gens se sont habitués à commander ou à réserver les ouvrages. Avec 23 000 références surtout littérature et sciences humaines, on est centré sur littérature de création proposée par des éditeurs indépendants comme les Editions de Minuit ou P.O.L. On a toujours voulu défricher les nouvelles voies de la pensée… » confie Mathieu Baussart, co-directeur de cette librairie dans la force de l’âge (fondée il y a 20 ans !).
Bonnes lectures, nous repasserons vous voir dès l’ouverture des petits « bouchons », c’est écrit.
Librairie LE PASSAGE, 11 rue de Brest 62002 Lyon tel 04 72 56 34 84.
Texte et interviews réalisés par Rodolphe de Saint-Hilaire pour Culture-Tops.
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