Vanikoro
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Thème
« Deux frégates croisaient dans les mers du Sud », la Boussole et l’Astrolabe, commandées par le Comte de La Pérouse. Après avoir quitté Brest le 1er août 1785 avec leur total de 220 hommes d’équipage, elles avaient parcouru tous les océans du monde : Brésil, Chili, Île de Pâques, Îles Sandwich, Alaska, Californie, Macao, Philippines, Japon, Kamtchatka, Australie. Elles étaient « le fleuron de la Marine Royale ». Celles dont les découvertes cartographiques, astronomiques, météorologiques, géographiques, ethnologiques devaient rendre à la France, à son roi et à sa Marine, le prestige perdu dans les confrontations avec la trop puissante marine militaire britannique.
Une nuit de juin 1788, une « nuit sans lune », une « nuit de cris », une « nuit d’horreur », les frégates grâce auxquelles « le pavillon à fleurs de lys cinglait les mers turquoises » sont déchiquetées par les récifs, englouties par l’océan. Les rescapés prennent pied sur l’île dont les défenses de corail ont causé leur naufrage : Vanikoro. Une fois le calme revenu, les questions se bousculent pour les naufragés. Ou cette île est-elle située ? Est-elle habitée ? Quelles sont les intentions des indigènes ? Comment échapper à cet atoll éloigné de toute route maritime ? Comment s’organiser pour survivre ?
Points forts
Vanikoro doit être offert à tous les amoureux de la marine à voile sublimée par ces vaisseaux aussi magnifiques et majestueux que fragiles et inconfortables.
Vanikoro doit également être recommandé aux passionnés d’Histoire qui découvriront une facette largement méconnue de Louis XVI : celle d’un souverain désireux de faire de son pays une référence scientifique, et qui, pour ce faire, finance une des plus grandes entreprises d’exploration de son temps.
Vanikoro ravira aussi tous les lecteurs sensibles à une histoire joliment construite. En effet, l’album s’ouvre et se referme par l’histoire du Lieutenant Collinet, officier à bord de La Boussole. Son récit, sorte de « voix off » se faisant entendre par-delà les siècles et les océans, crée un lien émotionnel immédiat avec le lecteur alors qu’il manie le paradoxe d’éclairer partiellement le « Mystère La Pérouse » tout en contribuant à l’épaissir.
Vanikoro permettra enfin à tous de mieux faire connaissance avec ces hommes de mer qui ont fasciné leurs contemporains pour avoir repoussé les limites du monde connu. La Pérouse, qui fut le premier navigateur européen à pénétrer dans les eaux entre la Chine et le Japon, est de ceux-là.
Pour compléter la lecture de Vanikoro, découvrez La Boussole et l’Astrolabe, l’expédition de La Pérouse, de Jean-Yves Delitte, éd. Glénat, 2013. Cet album d’un des maîtres de la bande dessinée maritime offre une autre perspective sur le « Mystère La Pérouse », l’expédition qui partit à sa recherche en septembre 1791, et dont Louis XVI aurait demandé des nouvelles jusque sur l’échafaud.
Quelques réserves
Peut-on même parler de point faible ? La fin de l’histoire est connue de tous ceux que la chose maritime intéresse avant même d’entamer la lecture de l’album. Dès lors, pourquoi faire revivre l’espace d’une lecture des hommes dont on ne sait pratiquement rien et dont le sort est inéluctable ? Patrick Prugne prend-il le risque de « tordre » la vérité historique au service d’une entreprise de fiction ?
La réponse est non, deux fois non. Si l’Histoire n’a pas su combler tous les vides, il revient au talent du conteur de prendre le relais pour se glisser dans les interstices du temps afin d’essayer d’en combler respectueusement, quelques lacunes. Et, quand de l’absence de faits établis naît le silence, le pouvoir de l’imaginaire peut plus encore redonner vie aux hommes pour faire à nouveau entendre leur voix.
Une illustration
Une phrase
Vanikoro est un album de l’espoir. Celui de voir les naufragés s’en sortir. Espoir déraisonnable, comme tout le monde le sait depuis 230 ans. Mais le talent de Patrick Prugne fait de ces marins perdus des êtres de chair, de sang et de sentiments auxquels nous nous nous identifions pleinement.
Nous sommes comme eux effrayés à l’heure du naufrage, curieux et inquiets de la découverte de l’île, terrorisés par la rencontre avec les têtes décapitées de leurs compagnons, épuisés mais frénétiques lors de la construction la palissade qui doit les protéger de ce monde inconnu, abattus par l’ampleur de leur isolement mais déterminés à refuser l’inéluctable. Il faut la puissance de la dernière page pour ramener à la raison cet espoir irrationnel et tenace : « jamais aucun des naufragés ne fut retrouvé… »
L'auteur
Nous avons fait la connaissance de Patrick Prugne il y a deux ans via la chronique de son album Iroquois, éd. Daniel Maghen, 2016. Que dire de plus sur cet auteur inclassable ? Qu’il est plus que jamais fidèle à sa ligne directrice : « […] de faire de la BD et […] dessiner des projets qui [lui] tiennent à cœur » ? Que son dessin aquarelle restitue avec autant de bonheur la majesté des océans que celle des grands espaces nord-américains ? Qu’il a trouvé en Daniel Maghen l’éditeur qui lui permet de réaliser ses projets ? A ce sujet, ne manquez pas la superbe exposition qui se tient jusqu’au 17 novembre 2018 à la Galerie Daniel Maghen, 36 rue du Louvre : Prugne & Cuzor. Ce dernier est l’auteur du roman graphique Cinq branches de coton noir chroniqué par Dominique Clausse sur Culture-Tops.
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