Une Histoire Corse
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Thème
Une Histoire Corse démarre comme un clin d’œil aux films d’été des années quatre-vingt à l’instar des emblématiques L’Effrontée et Un Eté en pente douce… Catherine, jeune et jolie parisienne, vient passer ses vacances en Corse, terre natale de sa mère. Se croyant suffisamment « d’ici » et capable de décrypter les arcanes de la météo locale, elle néglige les conseils du pécheur qui lui conseille de se hâter avant la pluie.
Catherine se retrouve donc prise sous des trombes d’eau qui auront vite raison de sa légère robe d’été. Alors qu’elle peine sur le chemin du retour et que la nuit tombe, une voiture de sport manque de la renverser. Le conducteur lui propose de la conduire à bon port. Trempée, Catherine accepte. La conversation qui s’engage dans l’étroit habitacle de la Porsche va lui réserver la plus grande surprise de son existence… et en changer irrémédiablement le cours.
Points forts
Une Histoire Corse est avant tout une rencontre avec le dessin de Glen Chapron et les couleurs de Sarah Murat. Le dessin alterne des vignettes aux contours précis, restituant le moment présent, et des planches dont le trait hachuré, semblable aux coloriages de l’enfance, sollicite davantage la mémoire. Riche de la précision des décors, le dessin laisse également la place à de vastes espaces vierges, qui sont comme un appel à l’imagination pour compléter le canevas du dessinateur. Glen Chapron aurait-il été inspiré par Sempé ?
Ce va-et-vient entre le passé et le présent est également souligné par le contraste entre les couleurs vives et les teintes sépia. Il en exsude une pointe de nostalgie des temps perdus qui ne reviendront plus, des mauvais chemins désormais sans retour, d’un autre possible qui ne peut plus être. Elles permettent également de rendre presque supportables le temps de la lecture, l’extrême violence et dureté des situations vécues par cette famille.
La force d’Une Histoire Corse réside enfin dans sa chute. Alors que tout l’album traduit la volonté de Catherine de briser la séculaire tradition de l’omerta, il se conclut par un inattendu retour arrière, comme si le jeune femme avait accompli un parcours initiatique à l’issue duquel elle ne peut finalement que reproduire la tradition contre laquelle elle s’était élevée.
Quelques réserves
On referme Une Histoire Corse avec le sentiment contradictoire d’en avoir appris beaucoup sur la Corse sans avoir rien découvert de réellement nouveau, de s’être laissé porter par l’intrigue sans être réellement surpris par son dénouement. La révélation du secret caché par la famille de Catherine pendant des décennies d’omerta fait un peu long feu.
On ne peut s’empêcher de rester quelque peu dubitatif devant l’accumulation de représentations, peut-être simplistes, attachées à cette île : rivalités ancestrales dont on ne connaît plus la cause ; brigands cachés derrière une façade de respectabilité ; méandres des luttes nationalistes ; lourds secrets connus de tous mais que chacun continue de taire… Il en reste une impression latente de carte postale pour touristes, d’une réalité dont la surface a été seulement effleurée, bien qu’avec talent. N’y aurait-il pas une autre Corse ?
Encore un mot...
Lisez Une Histoire Corse car c’est une histoire de femmes. L’histoire de Catherine, de sa mère Angèle, de sa grand-mère Virginie, de sa tante Rosa, de sa cousine Francesca, de sa belle-sœur Félicia. L’histoire de toutes celles qui portent le fardeau de la violence des hommes et des silences destructeurs qui l’accompagnent. Qu’elles s’en accommodent ou qu’elles choisissent de s’y opposer, ce sont elles qui, malgré les haines, les trafics, les règlements de compte et les meurtres, permettent à la vie de continuer.
Lisez Une Histoire Corse pour goûter à nouveau à l’omerta, aux mystères et aux saveurs corses que nous ont offert avec des approches différentes Uderzo et Goscinny avec Asterix en Corse, éd. Hachette, 1973 ; Michel Bussi avec Le Temps est Assassin, éd. Pocket, 2017 ; la série TV Mafiosa, de Hugues Pagan, 2006-2014 ; ou la French, réalisé par Cédric Jimenez et sorti en 2014.
Une illustration
L'auteur
Deux femmes et un homme sont aux commandes d’Une Histoire Corse:
- Dodo, de son vrai nom Marie-Dominique Nicoli, est scénariste de BD dans un univers à dominante longtemps masculine. Fidèle, elle collabore régulièrement avec le dessinateur Ben Radis avec lequel elle a rejoint Métal Hurlant en 1980. Fan de musique, ses incursions régulières dans cet univers sont une source d’inspiration pour sa bibliographie qui recèle notamment, Les aventures de Gomina, 1983-1988, éd. Les Humanoïdes Associés puis Albin Michel ; Les Closh, 1981-1993, éd. Les Humanoïdes Associés ; Quatre punaises au Club, 1995, éd. Albin Michel ; Max et Nina, 1997-2014, éd. Albin Michel, Le Vent des Savanes, Glénat.
- Bretonne, Sarah Murat entame des études d’illustration après un bac littéraire. Deux stages à Vide Cocagne et à Radar lui font entamer un parcours de coloriste de bande dessinée en complément de son métier d’illustratrice. Elle participe ainsi à la réalisation de Tourne-Disque, 2014, éd. Le Lombard ; Robert Sax, T2, Paradis perdus, 2016, éd. Delcourt ; Petit Bois, T1, L’arbre à gâteaux, 2018, éd. Clair de Lune.
- Breton, graveur, Glen Chapron, s’oriente finalement vers l’illustration via les Arts-Décoratifs de Strasbourg. Il y lance le fanzine trimestriel d’illustration et de Bande Dessinée Écarquillettes. En 2009, il publie son premier album, Vents dominants, éd. Sarbacane avec Julia Wauters au scenario. En 2012, il réalise L’Attentat, adaptation du roman de Yasmina Khadra, éd. Glénat, sur un scenario de Loïc Dauvillier.
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