Peter Dillon, l’énigme Lapérouse

SUR LES TRACES DE LAPEROUSE
De
Scénario et Dessins : Boris Beuzelin
Editions Glénat -
90 pages -
17,50 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

Cette BD est l’histoire de Peter Dillon, marin anglais ayant réellement existé qui s’est retrouvé par hasard sur les traces de l’expédition Lapérouse. Mais avant d’aller plus loin, resituons le contexte.

Le comte de Lapérouse est chargé en 1785 par Louis XVI de mener une expédition scientifique autour du monde. Deux frégates furent construites, la Boussole et l’Astrolabe, et embarquèrent de prestigieux savants de l’époque. Après maintes péripéties, l’expédition disparut des radars, si vous me permettez cet anachronisme, en 1788, à proximité de l’Australie. Tous les efforts entrepris pour retrouver sa trace se soldèrent par des échecs. Mais en 1829, un marin anglais, Peter Dillon, arrive à Paris au Ministère de la Marine à Paris. Il pourrait bien avoir retrouvé des traces de l’expédition et va raconter son histoire à Barthélémy De Lesseps, un des seuls membres de l’expédition Lapérouse à avoir survécu. Nous allons donc être entraînés dans un périple haletant dans le Pacifique, suivant Dillon d’île en île à la recherche des traces de Lapérouse.

Points forts

C’est une très belle idée que d’adapter en BD le récit autobiographique que nous a laissé Peter Dillon. L’auteur, Boris Beuzelin, nous avertit dans sa postface qu’il n’a pas voulu suivre à la lettre ce récit, mais plutôt en faire un récit d’aventure, entre réalité et fantasme. Et c’est une très jolie réussite car on suit avec bonheur le héros en quête de son graal : une trace de l’expédition Lapérouse. Les deux points forts du récit sont le traitement des rapports avec les populations indigènes et l’évolution du personnage de Dillon. Le premier nous montre comment pouvaient se construire des relations de collaboration entre deux mondes qui apprennent à se connaître, entre méfiance et émerveillement. Le second nous entraîne littéralement dans le sillage du héros, qu’on voit peu à peu s’approcher d’une forme de folie obsessionnelle qui l’amènera à risquer sa vie mais aussi celle de ses hommes.

Le dessin de Beuzelin nourrit ce récit avec grâce et légèreté. Il y a chez cet auteur un mélange étrange d’Hugo Pratt et de Mangas. Les décors, les paysages, ont ce dépouillement qu’on retrouve chez Corto Maltese. Le trait est élégant mais sait aussi se durcir pour évoquer des séquences violentes ou oniriques. Les séquences de rêves évoquent elles aussi l’univers de Pratt.  Par contre, les traits des personnages évoquent un tout autre univers, celui des mangas, avec des représentations hyper-expressives des visages. Bonne et étonnante surprise, le mélange des deux s’harmonise parfaitement. 

Quelques réserves

On regrette presque que Beuzelin ait choisi de traiter cette histoire en un seul tome. Alors que souvent, je suis le premier à reprocher aux auteurs de diluer leurs récits sur un nombre de tomes qui devient vite interminable, ici, j’ai ressenti l’exact opposé. Comme un regret que les évènements s’enchaînent trop vite sans prendre tout le temps nécessaire à les expliquer. Il faut dire que ce double sujet semble une source inépuisable pour les imaginations fertiles, entre l’expédition Lapérouse elle-même et les successions de recherches pour la retrouver.

Encore un mot...

L’ENIGME RESOLUE

Dans les années 1960, des équipes de plongée successives remonteront des restes des épaves de l’Astrolabe et de la Boussole, au large de l’île de Vanikoro, là où Peter Dillon avait situé leur fin. Cette découverte authentifiait le récit de Dillon, et, en quelque sorte, faisait disparaître le mystère Lapérouse, même s’il y eut encore des conjectures sur le devenir des survivants des naufrages. 

Mais malgré ces avancées, la fascination pour cette histoire reste intacte et produit toujours de nombreux ouvrages. La Bande Dessinée n’est pas en reste, comme l’a montré Prugne et son Vanikoro, que Nicolas Autier a chroniqué sur ce site. L’album de Beuzelin s’inscrit dans cette tradition. Il est difficile de se représenter ce que pouvait être pour l’époque une telle expédition. C’était la plus importante et la plus ambitieuse jamais entreprise, et pour des objectifs purement scientifiques et humanitaires. C’était la plus grande fierté de Louis XVI, et c’est devenu son pire cauchemar. 

Beuzelin restitue parfaitement la quête de vérité obsessionnelle de Dillon et nous donne à comprendre comment cette histoire s’est insérée dans un tissu de relations complexes entre populations locales et monde occidental. En cela, elle rejoint peut-être le rêve de Lapérouse de contribuer à rendre le monde meilleur en prenant le temps de l’explorer et de le comprendre.

Une illustration

L'auteur

(d’après le site Glénat)

Boris Beuzelin est né le 30 juin 1971 à Alençon. Il rencontre Yoann au lycée et s'inscrit avec lui aux beaux-arts d'Angers où ils font la connaissance d'Éric Omond. Engagé comme storyboarder et accessoiriste sur un court-métrage, il rencontre Sonia Picard qui écrit des histoires pour enfants. Ils réalisent deux albums ensemble. À cette époque, il intègre l'atelier de BD « La Boîte qui fait beuh » crée par Yoann et Omond. Il peut enfin laisser libre court à sa passion : la bande dessinée. Il a publié un opus dans la collection « Carrément BD » avec Éric Omond au scénario : L'Épouvantail Pointeur. Il a également mis en couleur la série Mort Linden pour Delcourt chez qui il publie Stabat Mater toujours avec Omond. En 2006, il adapte le roman culte de Frédéric H. Fajardie La nuit des Chat Bottés dans la collection « Écriture » chez Casterman. En 2008 il sort chez l'Atalante Nowhere Island avec Fabrice Colin au scénario. Il se lance en 2010 dans une série d'aventure avec Olivier Supiot au scénario, sur une agence de plongeurs : Le Narval. Avec Lionel Marty, il publie Mako chez Treize étrange. En 2013, il dessine Carton Blême d’après Pierre Siniac. Au cours de l’année 2019 sortent les trois tomes de Les Sanson et l’amateur de souffrances qu’il réalise en collaboration avec Patrick Mallet au scénario.

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