Peau d’homme
p. 160,
27 €
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Thème
La famille de Bianca, l’héroïne de ce récit, détient un étrange secret : les femmes se transmettent de génération en génération une peau d’homme. Cette peau, qu’elles enfilent comme un vêtement, les transforme physiologiquement en homme et leur permet ainsi de vivre des expériences inédites et réversibles, car cette peau s’enlève aussi facilement qu’elle se met. Précisons encore que ce récit prend place dans une ville italienne, vraisemblablement à l’époque de la Renaissance.
Au moment où commence le récit, Bianca, toute fraîche jeune fille, découvre celui qui va être son fiancé, Giovanni. Les futurs époux ne se connaissent pas, car les mariages, en ces temps-là, s’approchent plus de négociations commerciales entre riches familles que d’affaires sentimentales. Sur les conseils de sa tante, Bianca va enfiler la peau d’homme. Ainsi, incognito, Bianca, devenue « Lorenzo », va fréquenter Giovanni pour découvrir un peu mieux sa personnalité. Très vite, elle va se rendre compte que Giovanni préfère les garçons aux filles et qu’il va tomber amoureux d’elle, mais sous sa peau masculine de Lorenzo. C’est alors une étrange double vie que va mener Bianca. En enfilant sa peau d’homme, elle est l’amant comblé de son époux, et aussi, plaisir inédit, elle profite de la liberté propre aux hommes. En enlevant sa peau, elle redevient Bianca, une femme délaissée par son mari, et soumise aux conventions du genre féminin. Bianca ne pourra se satisfaire de cette situation et va tout mettre en œuvre pour trouver une solution à l’impasse dans laquelle elle se trouve.
Points forts
La force de cette histoire est de ne pas être pontifiante ou trop moralisatrice. A mi-chemin entre la fable sociale et la farce satirique, elle nous livre, avec légèreté, une jolie leçon de tolérance aux accents extrêmement modernes. En 160 pages, Bianca va passer du statut de jeune femme naïve et soumise à celui de Hérault de la Liberté sous toutes ses formes : liberté de penser face au fanatisme religieux, liberté sexuelle face aux conventions de la domination masculine et, pour les résumer toutes, liberté de vivre sa vie. Sa transformation est aussi graphique, si vous portez attention à la façon dont Zanzim dessine son visage et son corps au début et à la fin du récit.
Le graphisme de cette BD est, d’ailleurs, un mélange étonnant de simplicité et de sophistication. Zanzim croque ses personnages en quelques traits, un peu comme des illustrations de livres pour enfants, mais en leur donnant beaucoup de vie (une mention spéciale pour les beaux yeux bleus de Bianca). Cette BD possède un dynamisme et une expressivité très emballante. Et les décors contribuent à cette impression. Tantôt croqués comme de simples esquisses et tantôt travaillés avec soins, ils évoquent avec charme ces villes italiennes de la Renaissance.
Quelques réserves
Le sujet de cette BD est clivant. Il oppose la liberté sous toutes ses formes (sexuelle, artistique, sociale), que représente Bianca, à l’intégrisme religieux, porteur d’interdits, sous la figure de son propre frère, Fra Angelo. Fra Angelo est un prédicateur charismatique et extrémiste, qui veut retrouver la pureté de la ville en la purgeant de toutes ses tares supposées. Donc, votre propre point de vue de lecteur dépendra forcément de votre perception de l’histoire.
Encore un mot...
MODERNE RENAISSANCE
Les auteurs nous rappellent que certaines des questions qui agitent nos sociétés modernes ne sont pas récentes. En effet, le personnage de Fra Angelo semble évoquer celui, bien réel, de Savonarole. Savonarole était un prédicateur absolu, comme son double fictif. Comme lui, il a été porté à la tête de sa ville de prêche, Florence (à la fin du XVème siècle). Comme lui, il a organisé une reprise en main morale de la ville, avec en point d’orgue, l’élévation de buchers de vanités, où on brûlait les peintures de nus et les livres licencieux. Et, comme lui, il a mal fini. Les habitants de Florence, lassés par son attitude excessive, l’ont rejeté et même condamné à être brûlé vif, ce que va éviter Fra Angelo, que les habitants de la ville vont se contenter d’exiler.
Cette BD est donc aussi une réflexion sur la place des extrémismes dans nos sociétés, car, à des folies intégristes, répondent aussi des folies libertaires. Et, parfois, les excès de l’une ne sont pas enviables aux excès de l’autre.
Autre signe des temps, on peut aussi lire cette BD comme une œuvre « post-MeToo », car, dans sa peau d’homme, qui lui donne la possibilité de s’exprimer plus librement qu’en tant que femme, Bianca est plus forte et plus courageuse que bien des hommes. Elle va tirer de cette expérience étrange une volonté de contrôler sa vie, sans dépendre d’aucun homme.
Bref, derrière la farce et la satire, se cache une réflexion sociale ambitieuse, et cela donne aussi son intérêt à cette BD.
Une illustration
L'auteur
(d’après le site des Editions Glénat)
Zanzim, aka Frédéric Leutelier, est né à Laval le 5 janvier 1972. Il a grandi en Mayenne où il n'y avait pas grand-chose à faire d'autre que de lire des bandes dessinées... et dessiner ! Il vit actuellement à Rennes et travaille à l'Atelier Pepe Martini avec une dizaine d'auteurs de bande dessinée. Il a participé à Comics 2000, collectif paru à l'Association, et a publié Les Yeux Verts avec Hubert aux éditions Carabas, La Sirène des Pompiers avec Hubert, Tartuffe avec Duval (adaptation de l'œuvre de Molière) et plus récemment Ma Vie Posthume, toujours avec Hubert, dans la collection 1000 Feuilles de Glénat. Il a également collaboré au collectif Les Gens Normaux, paru dans la collection "Écritures" de Casterman.
Hubert est né en 1971 à Saint-Renan dans le Finistère. Scénariste et coloriste de renom, on lui doit notamment les séries Le Legs de l’Alchimiste (dessin de Tanquerelle, Glénat), Les Yeux Verts (dessin de Zanzim, Carabas) ou Miss Pas Touche (dessin de Kerascoët, Dargaud). Son album Beauté, édité chez Dupuis, est sélectionné au Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême en 2012 et reçoit le Firecracker Alternative Book Award « Best graphic novel 2015 » aux États-Unis. Pour la collection 1000 Feuilles de Glénat, il publie avec Marie Caillou La Chair de l’araignée et La Ligne droite, ainsi que le diptyque Ma Vie posthume dessiné par Zanzim. Hubert a également supervisé l’ouvrage collectif Les Gens Normaux chez Casterman. Fin 2014, il publie le remarqué Petit chez Soleil et poursuit sa saga des Ogres-Dieux avec Demi-sang et Le Grand Homme. En 2016, il signe avec Virginie Augustin le très beau Monsieur désire ? chez Glénat. En 2019, il publie avec Gaëlle Hersent Le Boiseleur chez Métamorphose. Hubert reçoit en 2015 le prestigieux prix Jacques-Lob pour l’ensemble de son œuvre. Hubert nous quitte brutalement le 12 février 2020, quelques semaines seulement avant la sortie de son ouvrage Peau d’Homme dessiné par Zanzim.
Le clin d'œil d'un libraire
LIBRAIRIE LA PROCURE. LA FOI DANS LES LIVRES. DANS TOUS LES LIVRES
On ne peut préparer et célébrer les fêtes de la nativité sans parler de la librairie La Procure, installée rue de Mézières à Paris, à l’ombre de l’église Saint Sulpice, il y a tout juste 100 ans. Plus qu’une librairie, La Procure c’est une marque symbole pour les catholiques, bien sûr, et une enseigne qui a essaimé partout en France et en Belgique, soit 33 établissements au total.
La Procure rayonne et illumine le monde de la culture et de la connaissance et pas uniquement chrétien, même si le secteur religieux représente 50% des ventes avec 50 000 références. Ici le contact avec le livre, a quelque chose, excusez- moi mon Père, de charnel. On prend on feuillette, on repose, on échange avec le libraire puis on se décide. Bref, on donne du temps au temps, l’amour du livre est palpable, la confiance instaurée avec le lecteur est sacrée.
Et voici Perrine, libraire à La Procure, très affairée et de bon conseil. Elle recommande un beau cadeau de Noël, qui vient de sortir : «Les Femmes dans la Bible» de Nathalie Nabert aux éditions Magnificat. Trente figures d’humanité, dans un style riche et profond. Personnages essentiels, ô combien. Au fait, Sainte Perrine, ou Pétronille vous connaissez ? Une grande patricienne romaine et martyre du 1er siècle, baptisée des propres mains de Saint Pierre.
La Procure, 3 rue de Mézières 75006 Paris – Tél : 01 45 48 20 25
Texte et interview par Rodolphe de Saint-Hilaire pour la rédaction de Culture Tops
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