Ne m’oublie pas
220 pages -
22,50 €
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Thème
Clémence est une jeune fille en quête de son identité, sa mère est une médecin généraliste débordée par son travail, et sa grand-mère est atteinte de la Maladie d’Alzheimer. C’est un point de départ un peu banal pour un scénario et on redoute du pathos en bulles, sauf que …
L’état de la grand-mère de Clémence semblant empirer, les soignants de l’hôpital veulent augmenter les doses de sédatifs pour diminuer les risques d’accident. L’idée d’imaginer sa grand-mère transformée en légume est intolérable pour Clémence qui décide de l’enlever et de partir en voiture avec elle pour un road trip improbable : l’emmener voir une dernière fois la maison de son enfance. Oui mais voilà, il va falloir aller de Liège, en Belgique, à Avennes-sur-Mer, sur la côte normande. Et le voyage va être long et mouvementé. De crises de violence en moments de tendresse, de souvenirs d’enfance en découvertes mutuelles, de rencontres improbables en moments d’intimité partagés, rien ne va se dérouler comme prévu, jusqu’au dénouement final, en forme d’ellipse émotionnelle.
Points forts
Alix Garin, jeune autrice belge, réalise ici sa première bande dessinée, et c’est un coup de maître. Elle crée, dès les premières pages, un contexte émotionnel très fort, qui ne nous quittera pas jusqu’à la dernière page.
La conduite du récit est très maîtrisée et, malgré sa longueur, ne nous ennuie jamais. En effet, Alix Garin réussit à ne pas s’enfermer dans le seul rapport de la jeune fille à sa grand-mère malade. Même si celui-ci provoque de nombreux moments de grâce et de poésie - j’ai adoré le passage des fleurs -, le récit nous livre aussi, en toute subtilité, les doutes de Clémence quant à son identité sexuelle, le malaise dans la relation à sa mère. Il mixe également cela avec des moments très drôles - une partie de 421 assez délirante - et des passages d’une tristesse infinie - je ne me suis pas remis de la rencontre avec un petit animal. Enfin, Alix Garin propose une fin très originale, qui, un peu bizarrement, m’a rappelé un autre road trip célèbre, de cinéma celui-là, Thelma et Louise. Mais chut, je n’en dirais pas plus.
L’ensemble est soutenu par un graphisme d’une légèreté incroyable. Son trait dépouillé dégage une émotion omniprésente. En quelques coups de crayon faussement bâclés, elle donne aux visages de ses personnages une expressivité formidable. La façon dont elle dessine la grand-mère de Clémence en est un bel exemple : jamais on ne voit ses yeux, cachés derrière de grosses lunettes, et pourtant on ressent en permanence sa mélancolie ou sa joie de vivre.
Quelques réserves
Il y a çà et là des petits défauts qui peuvent apparaître, que ce soit dans le scénario ou dans la maîtrise du trait.
Pour le scénario, il faut accepter des petites failles : la gestion de la grand-mère Alzheimer paraît un peu trop facile, ou encore la façon dont Clémence recharge ses finances après la partie de 421 donne un peu dans l’invraisemblable.
Pour la maîtrise du trait, c’est par exemple le dessin de bouches tordues qui en deviennent parfois un peu grotesques, comme dans un mauvais manga.
Mais ces petites imperfections ne pèsent pas lourd en face des qualités de cette BD.
Encore un mot...
J’AI LA MEMOIRE QUI FLANCHE
Depuis que j’ai terminé cette BD, je chantonne en permanence « j’ai la mémoire qui flanche, j’me souviens plus très bien », mais avec infiniment moins de justesse que Jeanne Moreau. Ne m’oublie pas s’inscrit dans ma catégorie de lecture « Reste dans la tête une fois refermée ». Que cette jeune fille de 23 ans produise une première œuvre d’une telle qualité me fait me poser une seule question : que va-t-elle donc pouvoir proposer pour sa deuxième ? Surtout qu’on ressent fortement un côté autobiographique dans le récit. Il suffit pour s’en convaincre d’aller voir sa photo sur Internet : il y a plus qu’une parenté graphique entre Alix et Clémence. Et on se dit qu’elle a tellement donné dans sa première œuvre que ça va être difficile de rebondir.
En tous cas, si cette chronique vous a donné envie de découvrir Ne m’oublie pas, ce sera un joli rayon de soleil dans ma journée.
Une illustration
L'auteur
(d’après le site des éditions Le Lombard)
Alix Garin est née en 1997 en Belgique. Sa vocation pour la bande-dessinée se révèle très jeune, et c'est sans hésitation qu'après son bac elle entame des études de BD à l'école supérieure de Arts Saint Luc à Liège. En 2017, elle est la lauréate du prix Jeunes Talents du festival Quai des Bulles, à Saint Malo. En 2018, fraîchement diplômée, elle déménage à Bruxelles, est embauchée par l'agence Cartoonbase et entame en parallèle l'écriture de Ne m'oublie pas, un récit très personnel. Elle vit et travaille actuellement à Bruxelles.
Le clin d'œil d'un libraire
LIBRAIRIE « NOUVELLES IMPRESSIONS » A DINARD. UN BIJOU TRES PRECIEUX SUR LA CÔTE D’EMERAUDE
Quel plaisir !! La première « impression » fut vraiment la bonne. Quel bel accueil nous a réservé le propriétaire de cet espace culturel convivial situé au cœur de cette ravissante station balnéaire, à deux pas de la plage… et du casino. Thierry de la Fournière, n’en déplaise à sa modestie naturelle, est une figure locale. Ancien adjoint au maire en charge de la culture, il fonda à Dinard le festival du film britannique, qui prospère aujourd’hui en ayant anglicisé son nom ; depuis 1900 tout résonne british ici, ou presque. Nom de rues et d’hôtels, vitrines, éternel tea-time, greens d’un golf sublime à la porte de Saint Briac, jusqu’à l’humour de notre interlocuteur, fou de politique locale qui avoue que la liste du nouveau maire, sur laquelle il figurait est passée avec «un pan de chemise dans la porte ». Thierry de la Fournière, maîtrise d’histoire, 15 ans de professorat est aujourd’hui un libraire heureux, un métier qui lui garantit l’indépendance et lui procure «les nourritures intellectuelles» indispensables à la vie. D’ailleurs, si vous ne le saviez pas, nous vous présentons l’ex Président du «Prix des libraires». Avec ses 15 000 références et ses 7 libraires-conseils, les «Nouvelles Impressions» brillent à Dinard. «A bas bruit», comme le confie à Culture-Tops son animateur, et sans site internet. Impressionnant.
Librairie Nouvelles Impressions – 42 rue Levavasseur – 35800 Dinard – Tel. 02 99 46 15 95
Texte et interview réalisés par Rodolphe de Saint-Hilaire pour la rédaction de Culture-Tops.
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