Monsieur Jules
86 pages,
16,90 €
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Thème
Monsieur Jules exerce le métier peu recommandable de « rentier pour dames », entendez maquereau. Ayant commencé par hasard, il héberge Solange et Brigitte qui travaillent pour lui dans une maison louée contre faveurs « en nature » à Monsieur De Souza. A l’image de sa veste canadienne et de son caractère bourru, qui font penser au Jean Gabin d’Un Singe en Hiver, Monsieur Jules vieillit. Il ne se reconnaît plus dans ce monde qui se transforme aussi vite que ce quartier qu’il habite depuis si longtemps et où la boutique du prêteur sur gage demeure le dernier témoignage d’un passé enfui.
Lorsqu’il est las des courses à la pharmacie, de veiller entre 5h et 7h du matin, des « impayés » des mauvais clients et des disputes avec Brigitte, Monsieur Jules escalade le toit de la vieille maison pour regarder la ville se transformer, fumer et parler à une certaine… Marie. Aussi, quand la vie lui offre la possibilité de venir en aide à Tina, jeune prostituée sénégalaise victime de la traite des femmes, Monsieur Jules décide d’infléchir le cours de sa vie. Mais est-il prêt à payer le prix qui lui sera demandé en échange ?
Points forts
Monsieur Jules est une intéressante expérience graphique tant le dessin d’Arno Monin restitue avec sensibilité la nostalgie des illusions perdues, les brutales explosions de violences, l’irrémédiable fuite du temps et la variété des sentiments qui lient les protagonistes de l’album. Le choix de couleurs douces, proches du pastel, apposées sur le papier dans un style « crayonné », participe également de la construction visuelle de cet univers doux amer parcouru d’une violence sous-jacente.
Le scenario bâti par Arnaud Ducoudray repose sur le personnage central à qui est offerte, de façon aussi soudaine qu’imprévue, l’opportunité de racheter une vie gâchée par une action héroïque. Ce thème de la rédemption a déjà été abondamment utilisé, notamment au cinéma, avec des films tels que True Grit, 1969, de Henri Hathaway ; sa reprise en 2010 par les frères Coen ; Tchao Pantin, 1983, de Claude Berri ; Gran Torino, 2008 de Clint Eastwood, qui, en offrant à John Wayne, Jeff Bridges et Coluche des rôles d’antihéros paumés et antipathiques, leur permirent de révéler une dimension inattendue de leur talent d’acteurs.
La façon dont Monsieur Jules revisite le thème en lui donnant comme trame de fond les sujets de l’immigration illégale et de la prostitution forcée de jeunes femmes cherchant à offrir une vie meilleure à leurs familles le plonge dans une grande modernité. Et permet également aux auteurs de donner un coup de projecteur discret mais fermement dirigé sur une réalité sociale à connaître.
Quelques réserves
Monsieur Jules finit mal, ce qui est peu surprenant, mais également bien, ce qui l’est moins. Cet « équilibre » final pourrait donner l’impression que les auteurs n’ont pas assumé le choix d’une fin totalement sombre, comme celle de Tchao Pantin. Mais il laisse entrouverte la porte de l’espoir, qui est sans doute le message que les auteurs auront aussi voulu nous passer.
Encore un mot...
Lisez Monsieur Jules si vous voulez retrouver un thème connu joliment revisité grâce, notamment, à une très belle collection de personnages secondaires qui lui amènent un caractère inédit et une profonde humanité. Lisez également Monsieur Jules si vous voulez vous faire une petite injection d’espoirs perdus, de gloires fanées et de rêves envolés. Enfin, lisez Monsieur Jules si vous croyez au pouvoir rédempteur des entreprises désespérées.
Une illustration
L'auteur
Aurélien Ducoudray est d’abord photographe de presse, journaliste de presse écrite et TV, réalisateur de documentaires. Scénariste de BD, il s’attaque avec bonheur à tous les styles : Histoire (Amère Russie, 2014-2015, éd. Grand Angle, avec Antor ; Mobutu dans l'espace, 2015, éd. Futuropolis, avec Eddy Vaccaro), Polar (The Grocery, 2011-2016, éd. Ankama, avec Guillaume Singelin ; Mort aux Vaches, 2016, éd. Futuropolis, avec François Ravard), Aventure (Bob Morane – Renaissance, 2015-2016, éd. Le Lombard, avec Dimitri Armand), Anticipation (Leviathan, 2016-2017, éd. Casterman, avec Florent Bossard), Science-Fiction (Bots, 2016-2018, éd. Ankama, avec Steve Baker).
Après une formation d’arts appliqués, Arno Monin se lance rapidement dans la BD. Son premier diptyque, l’Envolée Sauvage, sur un scénario de Laurent Galandon, éd. Bamboo, 2006-2007, lui vaut le Prix Jeunesse Raconte-moi l’Histoire, à Angoulême en janvier 2008. Suit un nouveau diptyque, l’Enfant maudit, 2009-2012, éd. Bamboo, toujours avec Laurent Galandon. Puis viendront d’autres albums dont le remarqué L’adoption, 2016-2017, éd. Bamboo, sur un scénario de Zidrou.
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