Mars, La Planète Rouge

« Terriens, je ne vous donnerai pas d’autres réponses que celles que vous trouverez vous-mêmes pendant votre voyage. »
De
Bruno Lecigne, Fabien Bedouel
Ed. Glénat
56 p.
15,50 €
Notre recommandation
5/5

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Thème

Cité des Sciences et de l’Industrie de Paris, dans un futur probablement proche, mais indéterminé. Andrew Murray, astronome et planétologue, explique à son auditoire qu’en dépit des avancées technologiques contemporaines, les distances reliant les planètes, satellites connus et petits corps de notre système solaire interdisent d’envisager son exploration totale pendant encore longtemps, « à moins d’un sérieux coup de main. » 

Un commando américain découvre sur la Lune un objet « plus grand que le Disney Hall Concert » qui est en fait un vaisseau spatial encastré dans le sol lunaire depuis probablement plusieurs siècles. A l’intérieur, tous les membres d’équipage sont morts. Sauf un, que l’intrusion du commando réanime : Clarke !

Une mission internationale est organisée pour répondre à son invitation : aider les habitants de la Terre à explorer le système solaire pour les remercier de l’avoir aidé à faire redécoller son vaisseau. Une équipe de scientifiques rejoint donc ce dernier rebaptisé Amerigo Vespucci afin de mettre le cap sur la mythique Mars !

Points forts

Un scénario aussi dense qu’épuré. Tendu comme la trajectoire d’une arbalète, il privilégie des descriptifs et des dialogues factuels, cliniques, dépourvus de toute émotion apparente. Toute la palette des émotions ressenties par les membres de la mission est pourtant bien présente. Non exprimées, elles irradient néanmoins au cœur l’album et font naître une tension sourde dont la densité est frappante. La sobriété est également de mise dans la façon, elle aussi clinique et descriptive, de raconter des aventures qui pourraient paraître fades à des amateurs de SF plus « ludique », mais dont l’intensité dramatique n’est pas moindre, bien au contraire. Ainsi, descendre d’une navette pour faire quelques pas à la surface de Mars peut devenir une question de vie ou de mort, tout comme l’installation, apparemment simple, d’un dispositif d’observation astronomique. 

Enfin, comment ne pas saluer la dimension pédagogique de ce scénario qui nous invite, notamment les néophytes dont j’avoue faire partie, à découvrir le champ infini de l’astronomie et nous interpelle dans notre capacité à aborder sans à priori des sujets aussi fondamentaux que l’origine de la vie, le rapport à l’autre ou les ressorts de la construction identitaire. Les échanges entre Clarke l’extraterrestre et les scientifiques terriens sont un exemple savoureux de cette exigence intellectuelle sans concession qui structure l’album. 

Le dessin est magnifique. Il nous fait immanquablement penser à celui du grand Marvano de La Guerre Eternelle première époque. Même capacité à  restituer un sentiment de vide et de froid ; mêmes décors minimalistes, épurés, dénués de tout habillage superflu ; même découpage des planches en premiers plans « à plat », souvent privés de toute profondeur de champ ; même palette de couleurs oscillant entre le neutre et le glacé.

Quelques réserves

Mars, La Planète Rouge n’est ni un album reposant ni un album qui permet de se divertir avec un minimum d’attention. La densité de son contenu informatif suppose un effort de concentration et de mémorisation afin de pouvoir l’appréhender. Les moins avertis en astronomie devront s’y reprendre à plusieurs fois afin de s’imprégner de son contenu. Mais quel plaisir de tourner la dernière page avec le sentiment d’avoir appris quelque chose !

Encore un mot...

Il faut remercier les éditions Glénat d’avoir initié ce projet un peu fou d’une histoire du système solaire en BD. Un album par planète. Neuf albums, chacun avec une histoire propre mais qui contribue à tisser le fil rouge scénaristique reliant chaque tome de la série. A la fin de chaque album, un cahier pédagogique permet de faire plus ample connaissance avec la planète dont il est l’objet. Deux tomes déjà parus : Mars, la Planète Rouge, évidemment, et Jupiter, le Berger des Astéroïdes

Eduquer de façon ludique, donner envie d’apprendre et divertir, vulgariser la complexité scientifique sans la simplifier, permettre d’appréhender différentes hypothèses sur l’origine de la vie, alimenter la réflexion sur la place de l’être humain dans un tout bien plus grand que lui, contribuer à faire émerger des vocations pour la découverte de cet univers encore largement inconnu, telle est l’ambition de cette série envoutante dont on attend avec impatience les prochains tomes.

Une illustration

L'auteur

  • Pour faire connaissance avec Fabien Bedouel, je vous invite à vous référer à la chronique Forçats 2 : Le prix de la liberté mise en ligne sur notre site le 6 juin 2020 . Complétons cette présentation par le rappel de quelques autres jolis ouvrages auxquels il a œuvré : Valhalla Hôtel, éd. Comix-Buro, 2020-2021 ; Kosmos, avec la complicité de son compère Pat Perna.

  • Ecrivain, essayiste, scénariste et directeur littéraire, Bruno Lecigne est aussi auteur de romans de SF, de polar et de nouvelles. Il est éditeur chez les Humanoïdes Associés entre 1986 et 2022 où il collabore entre autres avec il a notamment travaillé avec Moebius, Schuiten, Margerin, Gimenez, Manara ou Jodorowsky. 1995 le voit se lancer comme scénariste dans l’audiovisuel et la bande dessinée. IL reçoit en 2016 le prix de la meilleure série de fiction française à Cognac pour Cassandre, série policière sur France 3, dont il est le cocréateur.

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Fred Campoy, scénario et dessin et Mathieu Blanchot, dessin et mise en couleur, d'après la biographie de Marie Madeleine Peyronnet