Lucky Luke - Un Cowboy à Paris
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Thème
Jul et Achdé ont eu la drôle d’idée de faire se rencontrer le célèbre cowboy Lucky Luke et le sculpteur Auguste Bartholdi. Ils en tirent l’histoire de ce dernier opus, "Un cowboy à Paris", et, autant l’écrire tout de suite, c’est plutôt une bonne surprise. En effet, je n’avais plus apprécié de Lucky Luke depuis fort longtemps ; au moins depuis la mort de Morris, son créateur, voire celle de Goscinny, qui l’avait rejoint au scénario à partir du 11ème album. Et mes quelques rares tentatives de lecture post-morrissiennes s’étaient soldées par des déceptions. Avec Un cowboy à Paris, cette malédiction personnelle semble enfin levée...
L’idée de départ repose sur un fait historique réel : Auguste Bartholdi s’est effectivement rendu aux Etats-Unis en 1871, pour une campagne de promotion de la future statue de la Liberté, ayant pour objectif de faire financer son socle par des donateurs américains.
L’imagination des auteurs s’est emparée de ce fait réel pour le déformer savoureusement. La première moitié de la BD se passe dans l’ouest américain. On suit le périple de Bartholdi qui transporte comme une attraction le bras de la future statue, sous la protection de Lucky Luke. La seconde moitié transporte Lucky Luke et son inséparable cheval, Jolly Jumper, à Paris. Ce qui donnera aux auteurs l’occasion de mélanger l’anachronisme et la réalité historique.
Points forts
Un Cowboy à Paris renoue avec la recette qui a fait le succès de Lucky Luke : des gags qui s’enchaînent en rythme, le détournement des codes hollywoodiens du western (les indiens, le goudron et les plumes…) et les personnages récurrents (j’espère que la très courte apparition parisienne de Rantanplan ne vous échappera pas).
Enfin, on ne fait pas de bonnes aventures de Lucky Luke sans un méchant de pacotille, et celle-ci trouve avec le personnage d’Abraham Locker, directeur de pénitencier, un digne successeur aux Dalton et autre Billy the Kid.
Le graphisme d’Achdé est classique, mais solide, avec une très jolie planche pleine page vers la fin de l’histoire, et contribue à rendre agréable la lecture de l’album. Les dessins de la partie parisienne méritent même votre attention, pour dénicher quelques petits détails amusants.
On sent que les auteurs ont aussi été très attentifs à respecter un fond de réalité historique, comme si, en partant d’une anecdote réelle (le voyage de Bartholdi), ils s’engageaient à ce que leur humour ne bouscule pas trop la vraisemblance du récit.
Quelques réserves
Comme toujours, pour ce genre très particulier de la reprise de séries mythiques, le reproche pourrait résider dans la comparaison avec l’original, d’autant plus quand vous prenez le parti pris de respecter scrupuleusement les codes de la série. Si on compare, par exemple, avec l’évolution du personnage de Spirou, trituré avec talent par toute une floppée d’auteurs, cet album fait un peu pâle figure. Lucky Luke a pourtant déjà connu ce genre de transgression, avec « l’homme qui tua Lucky Luke », que Nicolas Autier avait chroniqué sur ce site, à sa sortie. Nicolas nous avait donné une belle image de la richesse et de l’inventivité du scénario de cette histoire, qu’on ne retrouve pas ici.
Mais ce n’était pas non plus l’objectif. Il s’agissait surtout d’écrire une histoire que n’aurait pas reniée Morris et j’ai l’impression que cet objectif, pas si simple, a été parfaitement atteint.
Encore un mot...
Ne boudez pas le plaisir de lire un bon Lucky Luke, entre deux continents!
L’histoire de ce Bartholdi de BD, promenant le bras de sa statue dans l’ouest américain, se lit d’une traite, sans se prendre la tête. On passe un bon moment, certes un peu éphémère, mais ce n’est déjà pas si mal.
Je retiens de l’enchaînement des gags quelques morceaux de bravoure, comme l’évasion d’un petit volatile, l’allusion à des écoles de peinture, le renouvellement du gag de l’ombre; et enfin, j’ai eu petit coup de cœur pour le détournement en mode western de la Normandie (Camembert, 402 habitants, notre pâte est molle, mais notre plomb est dur...).
Outre Bartholdi, vous croiserez quelques autres personnages célèbres, comme Victor Hugo ou un Rimbaud-hommage à Billy-the-kid.
Une illustration
L'auteur
Jul, de son vrai nom Julien Berjeaut, est né en 1974 en banlieue parisienne. Après Normale Sup’ et une agrégation, il enseigne l’histoire chinoise à l’université. Il s’éloigne rapidement de cette “première vie” pour devenir dessinateur de presse. En 2000, il rejoint l’équipe de Charlie Hebdo. Il dessine aussi aux Échos, à l’Huma, à Lire, à Philosophie Magazine ou à Fluide Glacial… La parution de sa première bande-dessinée en 2005 marque un tournant. Plongée dans l’univers de l’altermondialisme, Il faut tuer José Bové est un énorme succès de librairie. On le connaît aussi pour sa série d’animation sur Arte, Silex and the City.
Achdé (Hervé Darmenton) est né le 30 juillet 1961 à Lyon. A 9 ans, il pioche 6 francs et 25 centimes pour acheter sa première BD. Incroyable mais vrai : il s'agit de l'album Lucky Luke contre Phil Defer. Après avoir publié son premier dessin à 14 ans dans un fanzine, il décide de devenir auteur de BD ou rien. En 1988, il publie à compte d'auteur son premier album : Destins croisés. Après avoir bien rigolé en voyant à la télé les éleveurs bretons jeter des moutons sur les CRS, il a l'idée de CRS=détresse. Le premier album de la série paraît en 1993. Après un petit passage chez Spirou avec Fort Braillard, il se lance alors dans Woker (l'histoire de Tarzan sur une autre planète) à quatre mains avec Widenlocher, et dessine Doc Véto d'après les scénarii de Godard. Aujourd'hui, il réalise un rêve d'enfant en reprenant Lucky Luke.
d'après BD Gest
Commentaires
Le dessin d'Achdé souffre toujours des mêmes problèmes (perspectives maladroites, position des mains contre-nature ou contre-intuitive, corps de Jolly Jumper trop long, cadrages d'amateur, lippe et chapeau de Lucky Luke, etc.) ; le fait qu'il ait abandonné le système de double demi-planche cher à Morris rend son encrage encore plus épais que précédemment. Ses plus grandes faiblesses résident dans son manque de connaissance théorique de la bande dessinée (un comble pour le successeur de l'un de ceux qui ont théorisé ce langage) et sa paresse, ou son repos sur ses lauriers, ou son incapacité à détecter ses fautes de dessin susmentionnées, en fonction de ce qui explique celles-ci.
Quant à Jul, ce type est une arnaque ; ses histoires sont creuses, sans densité. Lui non plus ne connait pas grand-chose à la théorie du récit. Il ne fait que coudre des anecdotes les unes aux autres sans parvenir à donner une unité ou une impression d'unité au récit. Il a tellement peu à dire, sur le pourtant très court format de 44 planches, qu'il en est réduit à pondre des planches à une ou deux vignettes en fin d'intrigue.
Il est vraiment dommage que la maison d'édition n'ait pas commis un gardien du temple à la surveillance des deux loustics iconoclastes qui président aux destinées de la série. Cela n'aurait peut-être pas apporté les résultats escomptés (les scénarios de Ferri sur Astérix ne sont pas une grande réussite tant qu'à présent), mais cela n'aurait pu que tirer la succession de Morris vers le haut.
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