L’Or des Belges

Une histoire (pas que) belge !
De
Scénario : Pierre Boisserie & Philippe Guillaume, Dessins : Stéphane Brangier
Ed. Dargaud
58 pages
15 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

A la fin des années 30, alors que la perspective d’un conflit armé se précise dangereusement, plusieurs pays européens décident de mettre leurs réserves d’or à l’abri d’un éventuel occupant. Ainsi les gouvernements belges et polonais confient-ils à la France une partie de leurs réserves pour un transfert ultérieur vers les États-Unis. Lorsque la guerre éclate, tous ces projets tombent à l’eau et l’or des Belges et des Polonais va être détourné et stocké en Afrique, à Dakar, alors colonie française. Avec la mise en place du gouvernement de Vichy, Dakar passe de fait sous contrôle allemand. Les Allemands récupèrent donc la possession de ces colossales réserves d’or dont le rapatriement devient pour eux un enjeu clé. En effet, la guerre créant des besoins financiers énormes pour le IIIème Reich, leur objectif sera d’acheminer à tout prix cet or en Europe…

Sur la base de ce contexte historique réel, les auteurs créent un récit de fiction mettant en scène un commando allié qui va tenter de reprendre L’Or des Belges aux Allemands.

Dans ce premier tome, l’intrigue se met en place et on fait connaissance avec les différents protagonistes et futurs membres du commando. Le capitaine Beyney, gaulliste convaincu, membre de la garnison française de Dakar, va peu à peu prendre conscience de l’enjeu que représente cet or Belge. C’est lui qui, presque involontairement, va créer cette équipe improbable. Elle va comprendre Paul Sudrie, un étrange mécano ; le lieutenant anglais Nurmi, échoué à Dakar à la suite d’une tentative avortée de débarquement ; et Dickens, un « indigène » comme on disait à l’époque, qui met de côté son anticolonialisme pour lutter contre le nazisme.

Points forts

Le scénario de cette BD est construit sur une précision historique qui en rend la lecture captivante et pédagogique. On découvre l’enjeu énorme qu’a dû constituer la possession de ces réserves d’or en « balade africaine ». On croise toute une galerie de personnages historiques que les auteurs choisissent de mettre en scène dans un contexte plutôt intimiste et surprenant. On découvre ainsi un De Gaulle au bord de la dépression et un Léopold III qui se démène tant bien que mal avec les occupants allemands. Ces personnages réels sont intégrés avec beaucoup d’habileté à l’histoire fictive imaginée par les scénaristes.

Sur le plan graphique, le trait de Stéphane Brangier est une pure merveille. Le soin qu’il apporte aux décors et à la caractérisation des personnages est remarquable. Son travail sur les décors et les personnages donne une grande profondeur visuelle à la lecture, comme si on regardait un dessin animé en 3 dimensions. Enfin, je trouve particulièrement remarquable ses gros plans des visages des personnages. Il associe des traits épais pour les contours à des effets de couleur très maîtrisés qui leurs donnent beaucoup d’expressivité.

Quelques réserves

Malgré toutes les qualités décrites précédemment, on reste un peu sur sa fin lorsqu’on referme cette BD. Le récit est en effet tellement dense et riche d’informations qu’il laisse trop peu de place à l’action proprement dite et à la découverte psychologique des différents protagonistes. 

La conséquence est qu’on a du mal à s’attacher à eux. Le potentiel d’une grande aventure est bien présent, mais il a du mal à se révéler entièrement.

Encore un mot...

QUAND LA GRANDE HISTOIRE RENCONTRE LA PLUS PETITE

L’Or des Belges nous permet de revisiter cette période tragique de la seconde guerre mondiale sous un angle entièrement nouveau, ou presque. Bien sûr, l’enjeu de la domination des colonies africaines, soit comme base fidèle de la France de Vichy, ou comme point de départ d’une reconquête gaulliste, est connu. Mais l’histoire cocasse et improbable des tribulations de ces réserves d’or l’est beaucoup moins. Et il est très intéressant de revisiter des thèmes comme l’affrontement entre De Gaulle et Vichy, ou la passionnante « question royale » belge, à l’aune de ce récit. On attend avec impatience le tome 2, à la fois pour en savoir plus sur le destin de ce trésor de guerre, mais aussi pour rentrer un peu plus encore dans le cœur de l’action.

Une illustration

L'auteur

(d’après le site Dargaud)

Né en 1954, Philippe Guillaume , après un court passage dans la presse professionnelle vinicole, fait partie de l'équipe de lancement de La Tribune en 1985 avant de rejoindre, en 1989, Les Échos, où il dirige le service des marchés financiers jusqu'en janvier 2010. Son expertise boursière ne l'a pas pour autant détourné de la bande dessinée. Ancien vice-président de l'ACBD (Association des critiques et journalistes de bande dessinée), il assure pendant de longues années la chronique BD dans les colonnes des Échos. C'est Éric Stalner, dont il fait la connaissance par l'intermédiaire d'un ami commun, qui lui présente Pierre Boisserie en 2003 lors d'un Salon. Très vite, le courant passe entre le journaliste et le scénariste qui, tous deux admiratifs de l'oeuvre d'Alexandre Dumas, décident de s'en inspirer librement pour écrire ensemble Dantès (2007, Dargaud), un thriller qui se déroule dans l'univers de la Bourse. Cette série rencontre un succès public mais aussi critique.

Né à Paris en 1964, Pierre Boisserie mettra trente-cinq ans pour arriver à la bande dessinée. C'est au Festival BD Buc dont il est l'un des organisateurs, qu'il rencontre Éric Stalner en 1995. Une improbable sympathie lie immédiatement ces deux futurs chauves, ce qui aura pour conséquence la naissance de la famille Cazenac (La croix de Cazena", Dargaud) en 1999. Depuis, le tandem Boisserie-Stalner ne cesse de développer de nombreux projets (Voyageur et Flor de Lun", tous deux parus aux éditions Glénat) en plus de leurs propres séries, car le bonheur de travailler ensemble reste intact. En 2009, il adapte en bande dessinée Loup (12bis), un ouvrage de Nicolas Vanier. En 2010, il écrit le quatrième tome de Dantès (Dargaud, avec Erik Juszezak), BD qui flirte avec le monde de l'économie et des traders ; le deuxième épisode de Robin (12bis, avec Héloret) ; ainsi que le dernier tome du Temps des cités (12bis, avec Frédéric Ploquin). En 2013, toujours accompagné par le dessinateur Erik Juszezak, il commence la saison 2 de Dantès (tomes 6 et 7, Dargaud), puis la saison 3 (tomes 8 à 10, Dargaud). L'année suivante, il se lance dans une nouvelle série avec Philippe Guillaume, La banque (Dargaud, 2014), mise en images par Julien Maffre (tomes 1 et 2) et Malo Kerfriden (tomes 3 et 4, 2015). En 2020 paraissent 2 tomes du titre Le banquier du Reich, dessinés par Cyrille Ternon et co-écrit avec Philippe Guillaume (Glénat).

Dessinateur autodidacte, plein de talent, Stéphane Brangier a réalisé sous le pseudonyme de Siro une quinzaine d’albums. Il se lance d’abord dans la science-fiction comme la série Polka écrite par Didier Convard (5 tomes parus chez Dargaud) ou Aquablue de Thierry Cailleteau (2 tomes publiés chez Delcourt). Il signe aussi le scénario du diptyque Le Marteau des Sorcières dessiné par Jean-Christophe Thibert et paru dans la collection Loge Noire chez Glénat. Il investit aussi l’historique en étant associé aux derniers épisodes de La Croix de Cazenac aux côtés de Pierre Boisserie et Éric Stalner chez Dargaud et au T.10 de la saga Voyageur chez Glénat.

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