Le Tueur, Affaires d’Etat, Cycle 1, T1. Traitement négatif

Le retour sanglant d’un des plus grands méchants de la BD !
De
Jacamon & Matz
Ed. Casterman, 2019
56p.
11,50€
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Presque 6 ans après, Le Tueur est de retour, fidèle à lui-même : silhouette mince, profil acéré, regard caché derrière de fines lunettes, froid et méthodique, cynique et dénué de tout scrupule. Son terrain de jeu n’est plus l’Amérique du Sud mais une grande ville portuaire dont le dynamisme social et la croissance économique sont érigés en modèle par un maire ambitieux. Ses outils de travail ne sont plus le fusil à lunettes, le pistolet automatique ni la batte de base-ball mais un ordinateur portable où il aligne les tableaux Excel. Il ne travaille plus à son compte mais comme cadre financier d’une entreprise de fret maritime, rivé à son poste de travail, anonyme au sein d’un open-space aseptisé. 

Et si tout cela n’était qu’un jeu de dupes ? Et si le modèle de développement urbain vanté par un maire aux dents longues reposait sur des vérités moins avouables ? Et si la justice française se retrouvait impuissante, les services secrets ne prendraient-ils pas le relais ? Le Tueur ne deviendrait-il pas alors le bras armé idéal d’une opération de nettoyage aussi discrète qu’expéditive ?

Points forts

On ne peut qu’adorer ce cocktail de noirceur et de violence qui passe nos sociétés occidentales, leur bonne conscience et leur hypocrisie au karcher d’un cynisme décapant. Nous retrouvons avec un plaisir jubilatoire le fil rouge de la série, selon lequel l’homme sera toujours le pire des prédateurs, prêt à tout et surtout à l’inavouable pour parvenir à ses fins, faisant voler en éclats le vernis de civilisation de nos sociétés modernes.

Ce nouvel opus y ajoute une critique savoureuse, ponctuée du quota incompressible d’exécutions sommaires, de la face cachée de notre vie politique et de la transition écologique où notre Occident riche et bienpensant se voit accusé de se donner bonne conscience à petit prix tout en continuant à mettre le reste du monde en coupe réglée.

Quelques réserves

Ce nouvel album réussit le petit tour de force de rester fidèle à l’identité de la série en s’appuyant sur les caractéristiques qui ont fait le succès depuis plus de 20 ans, tout en l’ouvrant sur un nouveau cycle prometteur. Seul bémol : on pourrait trouver un peu « facile » la pirouette scénaristique du redémarrage de l’intrigue, qui permet aux auteurs de transformer Le Tueur en auxiliaire des services secrets français.

Encore un mot...

Le Tueur, Affaires d’Etat, Cycle 1, T1. Traitement négatif est une excellente opportunité de découvrir cette pour le moins caustique et décalée série noire, ou de retrouver ce héros que l’on ne peut s’empêcher de suivre avec bonheur, alors même qu’il exerce sans le moindre état d’âme l’indéfendable métier de tueur à gages… éliminant son prochain avec l’efficacité et la régularité froides d’une mécanique bien huilée dénuée de tout affect et de toute empathie.

Une illustration

L'auteur

En 1986, Luc Jacamon, le dessinateur, fait sa première apparition dans l’univers de la BD en remportant un Alfred scolaire à Angoulême. Il se forme ensuite aux Arts appliqués avant de se faire les dents dans la publicité. En 1998, il crée avec Matz aux éditions Casterman la série Le Tueur et le personnage-héros éponyme. Le ton radical et décalé de la série est donné dès le premier album, Long feu. Le succès de cette plongée dans le quotidien et les pensées d’un tueur professionnel est immédiat et ne se démentira jamais. Econome de son talent, il est également aux manettes des séries Cyclopes, toujours avec Matz, 2005-2010, éd. Casterman, et Religion (La), avec Benjamin Legrand au scenario, 2016-2018, éd. Casterman.

Matz, le scénariste, est amateur de bande dessinée depuis son enfance. Après des études de Droit et de Sciences Politique, il se lance dans l'écriture. Il revendique des influences tirées de la littérature (Kafka, Cervantès, Chandler, James Lee Burke), du cinéma (John Ford, Sergio Leone), la musique. Il publie son premier scénario, Bayou Joey, réalisé avec Jean-Christophe Chauzy, en 1990, éd. Futuropolis. Sa production abondante ne cessera de s’enrichir au fil des années    . Difficile de ressortir un titre plus qu’un autreEn plus du Tueur, on peut néanmoins citer Balles perdues, 2015, éd. Rue de Sèvres, très belle adaptation de Walter Hill avec Jef au dessin ; l’adaptation du célébrissime Dalhia Noir de James Ellroy en collaboration avec David Fincher et Miles Hyman, 2013, éd. Casterman; la très belle série noire Du plomb dans la tête avec Colin Wilson au dessin, 2004-2006, éd. Casterman ; l’original one -shot Geronimo avec Jef au dessin, 2017 ; éd. Rue de Sèvres ; et la très dynamique série d’aventure Tango lancée en 2017 aux éditions Dargaud avec Xavier Philippe au dessin.

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