Le sang des Cerises
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Thème
Klervi, jeune bretonne arrivée à Paris un jour de février 1885, croise sur la route qui doit la mener chez ses nouveaux maitres Clara, républicaine exaltée qui la prend sous sa protection. Clara, c’est Zabo, la petite fille d’Isabeau de Marnaye – héroïne de la série « Les passagers du vent ». Après avoir quitté Zabo en Louisiane à la fin des années 1860 (voir les deux tomes de La Petite Fille Bois-Caïman), Zabo/Clara vit maintenant dans le Paris populaire de Montmartre, meurtri de la répression de la Commune. Klervi et Clara vont vivre, dans les rues et les cabarets, les ressentiments du petit peuple de Paris, se protéger et se découvrir l’une et l’autre.
Points forts
1- La qualité du dessin de François Bourgeon (se référer à ce titre à la chronique de Dominique Clausse de décembre 2017, faite à l’occasion de la parution d’un premier « feuilleton » de cette aventure, publié en noir et blanc). Maitre incomparable du dessin réaliste, il campe des ambiances, des personnages et des situations comme aucun autre dessinateur de bandes dessinées. Et pour les amoureux de Paris, quelques très belles représentations de la Belle Epoque.
2- La qualité du scénario, qui nous plonge dans les souvenirs de la Commune de Paris, de la répression qui a suivi (mai 1871, au mur des Fédérés notamment), et des blessures faites au « petit » peuple de Paris qui voit dans le socialisme un recours contre l’ordre républicain. Au passage, nos héroïnes croisent Renoir, Satie, Lautrec, Louise Michel, et quelques autres figures de cette fin de siècle.
3- Les histoires mêlées de Klervi, la bretonne qui découvre Paris au risque de perdre sa liberté, de Clara et de ses secrets (inavoués dans cet épisode), des cabarets, des maquereaux, de la vie « sur la butte » (Montmartre), sont servies par une belle reconstitution historique qui fourmille de détails.
Quelques réserves
1- A la différence des précédentes aventures des « Passagers du vent », cette histoire manque d’espace et de souffle. Nous étions habitués au grand large, à l’immensité de l’Afrique, aux méandres de la Louisiane. Nous voici un peu enfermés dans les murs de Paris.
2- Cette aventure est une plongée dans les souvenirs de la répression des communards – un massacre occulté par l’histoire officielle selon François Bourgeon. C’est incontestablement intéressant mais la trame de l’histoire ne m’a pas parue évidente dans un scénario de bande dessinée qui mêle faits et « révélations » historiques, vie quotidienne et aventure. Donc : concentration nécessaire !!
3- Et un point faible très relatif : une partie des dialogues est en breton et en argot. Parfait pour l’immersion, c’est même très réussi. Mais si vous n’êtes expert ni de l’un, ni de l’autre, il faut gérer les aller et retour au lexique en fin d’album – cela fait pas mal de mouvements, voire de courant d’air !!
Encore un mot...
Le sang des cerises est le 8éme et avant dernier épisode de la série des « Passagers du vent », dont le premier titre paraissait à la fin des années 70. Dans cette Saga qui avait pour personnage central Isabeau, femme rebelle qui fuit l’Europe pour les Amériques et l’Afrique, ce nouvel épisode est clairement un prétexte pour évoquer les blessures de Paris après la Commune de 1871. Le sang des Cerises y fait écho au Temps des Cerises de Jean Baptiste Clément et Antoine Renard, chanson populaire associée à la révolte populaire durement réprimée par les « Versaillais ». Si le dessin, la mise en scène, les couleurs restent d’une qualité incroyable, l’histoire m’a paru plus ennuyeuse que les précédents épisodes. Mais attention, c’est Livre 1, et Bourgeon est habile à nous rendre impatients de découvrir la suite. Incroyable talent, tout de même !
Une illustration
L'auteur
François Bourgeon est scénariste et dessinateur de bandes dessinées. Agé de 73 ans, il a reçu de très nombreux prix pour l’ensemble de son œuvre.
Les différents épisodes des « Passagers du vent » ont été vendus à près de 6 millions d’exemplaires depuis sa création, il y a près de 40 ans et ont été traduits dans une vingtaine de langues. Pour autant, et pour reprendre sans en changer un mot la chronique de de Dominique Clausse citée plus haut, François Bourgeon reste une des figures les plus atypiques du paysage de la Bande Dessinée francophone. Alors que sa série « les Passagers du Vent » lui ouvrait une voie royale d’auteur à succès, il va bien au contraire choisir une carrière marginale, assez peu prolifique en œuvres, et toujours portée par des exigences complexes. On peut résumer sa bibliographie post-Passagers du Vent à deux séries : Les Compagnons de crépuscule, histoire ésotérique moyenâgeuse, et Le cycle de Cyann, en collaboration avec Lacroix, qui se situe dans un univers fantastique créé de toutes pièces. L’une comme l’autre, bien que très différentes, ont en commun une complexité de lecture assez déroutante, même si, toutes les deux sont de grande qualité et absolument recommandables.
Commentaires
François Bourgeon donne envie d'en savoir plus en abordant les époques.
Sur la Guerre de Sécession par exemple où je crois avoir décelé une petite erreur, p. 25 où il dit que Shiloh (6-7 avril 1862: 23741†) est le nom d'Antietam (17 sept 1862: 23134†) donné au Sud. Or Antietam-Sharpsburg et Shiloh sont deux sanglantes batailles et à près de 600kms de distance l'une de l'autre, si j'ai bien compris.
François Bourgeon puise abondamment dans l'Encyclopédie médiévale de Viollet le Duc pour les bâtiments en lui rendant hommage dans les Compagnons du Crépuscule où les scènes torrides (p. 31 les Yeux d'Etain & p. 88 Le Dernier Chant des Malaterre).
Un thème repris aussi dans le Source et la Sonde (p. 101) et des filles pas très habillées en particulier dans les passagers du Vent.
La loi sur la protection de la jeunesse de 1949 serait-elle plus clémente?
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