Le retour à la terre, tome 6 : les Métamorphoses
Dix ans après, Ferri et Larcenet remettent cela, et nous proposent le Tome 6 de la grande série de BD, "Le Retour à la Terre". Il faut dire que depuis 2008, séparément, les deux compères n'ont pas chômé. Leur retrouvailles n'en ont que plus de peps.
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Thème
Voici donc l’inattendu retour de la série « le Retour à la Terre », avec un 6ème tome, intitulé « Métamorphoses ». Inattendu, car cela faisait plus de 10 ans qu’on était resté sans nouvelles de la petite famille de l’auteur de BD.
Mais reprenons dans l’ordre. Le Retour à la Terre est une mise en abymes très réussie de la vie du dessinateur Manu Larcenet, avec 5 tomes dont les sorties se sont étalées entre 2002 et 2008. L’histoire raconte l’installation à la campagne du très citadin Manu Larssinet et de sa compagne Mariette. Le format reprend le principe des strips américains, avec des petites vignettes d’une demi-page, qui peuvent se lire indépendamment les unes des autres. Ce format donne un rythme agréable à l’ensemble, tout en gardant la cohérence générale de l’histoire.
On découvre ainsi les déboires de l’installation du couple dans leur nouvelle maison, les prises de contact avec la population locale, faite d’énergumènes tous plus savoureux les uns que les autres. On partage les affres de la création de l’auteur, on accompagne également l’évolution de la famille, avec l’arrivée de leur petite fille, Capucine, et le tout avec une légèreté de trait et de narration, qui expose au grand jour la belle complicité du dessinateur et du scénariste.
Les 10 années pendant lesquelles nous sommes restés sans nouvelles sont expliquées avec humour dans l’album, car les auteurs ont chacun eu une actualité très chargée pendant cette période. Ferri est devenu le scénariste d’Astérix, excusez du peu, avec 3 albums parus entre 2013 et 2017, et Larcenet a enchaîné deux chefs d’œuvre très sombres, Blast et le rapport de Brodeck, d’après Philippe Claudel.
Points forts
- Paradoxalement, le premier point fort de cet album vient de ces 10 années d’éloignement : les deux auteurs se retrouvent après une période qui n’a pas dû toujours être facile pour eux, même si ce sont des raisons différentes qui l’expliquent : Ferri a dû apprendre à supporter la pression commerciale qui doit obligatoirement peser sur le scénariste d’Astérix, et Larcenet a créé deux œuvres tellement noires qu’elles ne peuvent pas laisser indemne leur auteur. D’où le premier point fort immédiat de ce nouvel opus du Retour à la Terre : il transpire du plaisir des auteurs à se retrouver, et à retrouver cette légèreté.
- La mise en valeur des personnages secondaires, qui était déjà un point fort de la série, prend ici encore plus de force, avec pour ma part, deux coups de cœur, cette chère madame Mortemont et l’éditeur Philippe de chez Dargaud, dont les péripéties sont tout simplement hilarantes. Et il y en a quelques autres !
- Enfin, les auteurs ont su aussi garder l’esprit de tendresse et de poésie qui caractérise cette série depuis son origine : le Retour à la Terre est autre chose qu’une simple suite de gags.
Quelques réserves
- Le principe narratif des strips courts peut sur la longueur entraîner une lassitude. Ceux qui, comme moi, se sont nourris enfants des bandes dessinées de leurs journaux régionaux quotidiens, connaissent cette sensation qui pouvait parfois survenir à la lecture des pourtant géniaux Peanuts de Charles Schultz.
- Mais comme ce break de 10 ans nous protège, pour l’instant, de cet effet de lassitude, je n’ai pas trouvé de points faibles à ce nouvel album, sinon qu’il ne comporte pas de surprise réelle. Les amateurs de la série devraient retrouver intact leur plaisir de lecture, mais ceux qui préfèrent un Larcenet plus tourmenté en seront pour leurs frais.
Encore un mot...
Il y a une émotion de lecteur à replonger dans la vie de Mariette et Manu, comme celle de retrouver de vieux amis après une trop longue période. Alors que Mariette attend leur 2ème enfant, on retrouve un Manu en plein doute existentiel, entre ses angoisses de créateur (l’extrait ci-dessous donne le ton) et ses peurs familiales (qui s’enrichissent d’un rapport au père joliment traité).
J’adore, également, l’épaisseur prise par les personnages secondaires. Si vous ne craquez pas sur les méthodes de babysitting de Mme Mortemont, les dons de voyance de l’épicier Loupiot, ou sur les pérégrinations de Philippe l’éditeur, alors, définitivement, cette BD n’est pas pour vous...
Une illustration
L'auteur
Manu Larcenet est, de mon point de vue, un des auteurs les plus importants de la Bande Dessinée moderne. Il a aligné des œuvres essentielles, très différentes les unes des autres, montrant un talent éclectique hors du commun. Son Combat Ordinaire (4 tomes chez Dargaud), chronique douce-amère d’un photographe en plein doute, reste pour moi une des plus belles émotions de lecture. Blast (4 tomes chez Dargaud) est un OVNI total, et Le rapport de Brodeck a montré qu’il avait aussi un incroyable talent d’adaptateur, car l’ouvrage de Philippe Claudel était tout sauf simple à mettre en image. Enfin, avec le Retour à la Terre, il montre que l’humour et l’auto-dérision sont aussi sa tasse de thé.
Jean-Yves Ferri a acquis une soudaine notoriété en constituant, avec Conrad aux dessins, le premier tandem à reprendre les célèbrissimes aventures d’Astérix le Gaulois, après les originaux Goscinny et Uderzo. Leur travail m’a laissé une impression mitigée, entre le mérite incontestable de redresser la barre du navire gaulois, après le presque naufrage d’Uderzo, et une inégalité de qualité entre les 3 albums parus à ce jour. On aurait envie que son humour doux et subtil du Retour à la Terre inspire plus les prochaines aventures du petit Gaulois.
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