Le journal d'Anne Frank

Quand la BD se hisse au niveau d'un destin
De
Ari Folman & David Polonsky
Editions Calmann Levy - 154 pages - Roman Graphique
Notre recommandation
4/5

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Thème

Le journal d'Anne Frank est le récit intime d'une jeune fille, isolée avec sa famille dans l'arrière cour d'un immeuble d'Amsterdam où son père, juif Allemand, a choisi de les cacher, entre 1942 et 1944. De sa 13ème à sa 15ème année, elle raconte ses doutes, ses joies, la vie recluse avec ses parents, sa sœur, et 4 autres réfugiés dont un jeune homme de 2 ans son aîné, dont elle tombera amoureuse. 

Ce récit à la première personne évoque les questionnements de l'adolescence sur fond de guerre, d'occupation de la Hollande et de persécution des juifs. 

Le parti pris du roman graphique est de les mettre en image, en tentant de restituer la réalité du quotidien, l'imaginaire d'Anne, et la présence rassurante de son journal qu'elle appelle Kitty. Ce travail singulier, à la frontière du récit historique, de la création et du roman, fait suite à d'autres expériences de transcription du journal d'Anne Frank en bandes dessinées.

Points forts

1- Une mise en page inventive, qui alterne grandes et petites vignettes, cases classiques ou larges extraits du "journal". Une représentation originale de ce qu'a pu être le quotidien d'Anne, dans ses moments d'insouciance, de révolte, de découverte, d'angoisse ou de cauchemars.

2- Synthèse en 154 pages illustrées d'un journal qui en fait plus de 350, l’album restitue avec une étonnante complicité et parti pris (celui d'Anne) les personnages réels.

3- Une belle alliance de poésie, de dessins et de textes, contribue à témoigner de l'humour et de la fantaisie prêtés à Anne Franck.

4- Le choix formel du roman graphique rend accessible aux plus jeunes, sans en trahir ou en caricaturer l'esprit, un témoignage qui a marqué les générations d'après guerre. Ultime évasion d'une jeune fille quelques mois avant sa mort dans un camp de concentration en février ou mars 1945, il contribue à rendre intemporels ses troubles et ses rêves, autant que la mémoire de l'abominable absurdité du génocide des juifs.

Quelques réserves

1- Pour reprendre une formule connue des lecteurs de Culture-Tops, "j'en vois peux", si ce n'est qu'il faut accepter, en se plongeant dans cette composition originale, de voir votre imaginaire pris en main par Folman et Polonsky.

2- A la différence de beaucoup de créations du "9ème art" (la BD), il est difficile de lire ce roman graphique au premier degré, tant l'œuvre originale a marqué les générations d'après guerre.

Encore un mot...

Rendre "visibles" les rêves et la réalité d'Anne Frank et de ses proches était un exercice à priori difficile et très ambitieux. Pour autant, cette mise en image, autour de personnages "à la ligne claire", aux regards lourds et angoissés, s'avère plutôt convaincante. A la différence de beaucoup de bandes dessinées qui se parcourent avec insouciance ou appétit, celle-ci se mérite et se révèle au fil des pages. Les choix graphiques et littéraires proposent une alternance subtile d'insouciance, de confessions intimes et d'angoisses habilement distillées. 

Il se dégage de cet album, fidèle à l'original, une force sombre et poétique qui devra séduire de nouvelles générations de lecteurs, parfois rebutées par les formes traditionnelles d'écriture. 

La dernière page refermée, et après quelques temps de maturation, cette Anne ressuscitée par Folman et Polonsky semble bien vivante, et pour le devoir de mémoire, c'est tant mieux.

Une phrase

"Chère Kitty, je vais pouvoir, j'espère, te confier toutes sortes de choses, comme je n'ai encore pu le faire à personne, et j'espère que tu me seras d'un grand soutien"

L'auteur

- Annelies Marie Frank, jeune fille allemande de confession juive, écrit son journal intime entre 1942 et 1944, recluse dans l'arrière boutique transformée en appartement secret, des locaux de l'entreprise de son père à Amsterdam. Elle décède dans le camp de Bergen-Belsen, 7 mois après la dénonciation qui conduira à l'arrestation de sa famille. Son père Otto, seul survivant, se voit remettre le journal d'Anne, dont il ignorait l'existence, à son retour à Amsterdam. Devant la qualité de son écriture, l'authenticité et la maturité dont il témoigne, Il décide en 1947 de le faire publier en néerlandais.

Deux dessins animés, un film, des documentaires, plusieurs adaptations au Théâtre, dont une écrite en 2012 par Eric Emmanuel Schmitt, deux mini séries télévisées… selon un classement établi en 1999 par le journal le Monde et la Fnac, le Journal d'Anne Frank est en 19e place parmi les 100 meilleurs livres du XXe siècle. Plus de 25 millions d'exemplaires ont été vendus ; il est traduit dans plus de 70 langues.

- Ari Folman, est scénariste et réalisateur. Il est notamment l'auteur du film d'animation Valse avec Bachir (2008), salué par de nombreuses récompenses internationales (dont un César et un Golden Globe). Il s'est vu proposer ce travail par le Anne Frank Fonds, crée dans les années 60 en Suisse par Otto Frank, le père d'Anna. Ari  Folman a consacré plusieurs années à ce projet.

- David Polonsky a collaboré avec Ari Folman pour la réalisation de Valse avec Bachir. Illustrateur, Il est aussi chef décorateur et directeur artistique pour le cinéma.

Tous deux ont apporté un soin particulier à préciser le contexte, les personnages et les partis pris du roman. Ils vivent en Israël.

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