La route
ED. Dargaud
160 p.
29,50€
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Thème
La route, c'est un chemin vers la survie, pour une heure, un jour, guère plus. Le pays est ravagé, la lumière occultée par un ciel de cendres. Plantes flétries, immeubles en ruines, animaux faméliques, froid glacial sur une terre dévastée par un conflit dont on ne sait rien, si ce n'est qu'il a laissé survivants un père et son fils.
Survivants, oui, car chaque jour à vivre est un défi pour se nourrir, se réchauffer ; pour dormir, échapper aux sectes qui sillonnent les ruines pour imposer la loi de leur violence et faire de leurs captifs leur réserve de nourriture.
Manu Larcenet nous propose de suivre ce père et ce fils dans ce monde lugubre, dans cette quête de la transmission d'un instinct de survie afin que cet enfant porte encore l'espoir de découvrir une parcelle de monde intact.
Peu de texte, les images, avec un pouvoir d'évocation sans équivoque remplacent ici les longues descriptions du roman original de Cormac McCarthy.
Points forts
Selon son âge et sa culture cinématographique, notamment, chacun peut se faire une idée d'un monde apocalyptique. Manu Larcenet nous propose ici une version en image dont on peut penser qu'elle est proche d'une réalité qui n'existera, espérons-le, jamais. Paysages lunaires, vents, stress de l'inconnu, froid, pluie, nous marchons dans les pas de ces personnages imbibés de la terreur de la rencontre fatale, comme fascinés par leur destin tragique et complices de leurs joies fortuites.
Les dessins sont d'une grande précision, en particulier les visages, drapés de vêtements, ambiances de crépuscules, brouillards menaçants et d'une glaçante beauté si on les sort de leur contexte.
Cette BD est une expérience unique, dont la poussière vous colle aux yeux comme ces images atroces qu'il ne faut pas regarder, mais qui sont là, compagnes indissociables du voyage vers nulle part, si ce n'est un moment de vie volé à la désespérance.
Quelques réserves
Aucune réserve pour l'amateur d'un art qui a pour décor un chaos morbide qui pourrait n'avoir de cesse de nous obséder.
Et dans cette histoire en nuances de noir, de gris et de blanc, il y a évidement l'envers de la médaille. Cette grande réserve tient à ce que cette histoire, sous sa forme graphique, n'est pas du tout faite pour les enfants, pas plus pour les adolescents et peut être pas pour tous les adultes.
A lire avec la perspective de sortir vite au soleil, et si possible, de faire un plongeon dans une eau cristalline pour se débarrasser de tant de noirceur.
Encore un mot...
Voici un roman graphique qui n'est pas passé inaperçu : Grand prix de la BD du magazine Elle, Lauréat du prix Babelio, "Réussite glaçante" affiche notre partenaire Ouest France.
Difficile en effet de faire plus noir récit et plus noire BD. Mais il faut rendre hommage au talent de Manu Larcenet qui, à travers dessins et mises en scènes, dissèque les silences, sculpte la désolation, souffle des brouillards de cendres, crie l'horreur en images, sans un mot. Quelle surprise et quelle distance pour celles et ceux qui se sont régalés du Retour à la terre, six volumes pleins d’une poésie naïve et drôle.
Il ne faut pas se le cacher, dans la lueur ambigüe de l'espoir d'une dernière rencontre, cette BD est si puissante et si chargée de désolation, qu'elle ne peut toucher qu'un public d'amateurs.
Un livre à avoir lu pour sa recherche artistique, son interprétation d'un texte "transmuté" pour décrire l'indicible d'un monde sans loi, sans lumière, sans couleur et sans lendemain. Et sur ce champ de ruine, dans ce remake de La Route, pour lequel il dit avoir composé un "nouveau vocabulaire graphique", Manu Larcenet excelle.
C'est une facette d'un talent polyphonique qu'il vous est proposé de découvrir dans ces pages, un "chef d'œuvre", dit un grand hebdomadaire, oui, certes, mais à ne pas mettre entre toutes les mains.
Une illustration
L'auteur
Manu Larcenet est, du point de vue de notre chroniqueur Dominique Clausse, un des auteurs les plus importants de la Bande Dessinée moderne. Cette petite bio qui sonne parfaitement juste, lui est empruntée ! "Il a aligné des œuvres essentielles, très différentes les unes des autres, montrant un talent éclectique hors du commun. Son Combat Ordinaire (4 tomes chez Dargaud), chronique douce-amère d’un photographe en plein doute, reste pour moi une des plus belles émotions de lecture. Blast (4 tomes chez Dargaud) est un OVNI total, et Le rapport de Brodeck a montré qu’il avait aussi un incroyable talent d’adaptateur, car l’ouvrage de Philippe Claudel était tout sauf simple à mettre en image. Avec le Retour à la Terre, il montre que l’humour et l’autodérision sont aussi sa tasse de thé". Thérapie de Groupe dévoile une autre facette encore de son talent.
Cormac McCarthy est un romancier et scénariste américain, décédé en 2023. Il est l'auteur de dix romans dont une trilogie (La Trilogie des confins). De ses influences telles que Faulkner ou Hemingway, il a su dégager un style très particulier qui font de lui un écrivain majeur du continent nord-américain.
Ses romans Le Passager et Stella Maris ont été chroniqués en 2023 par Bernard Chave.
La Route, publié en version originale en 2006 a reçu plusieurs prix, dont le Pulitzer de la fiction.
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