La jeune femme et la mer
116 p.
22,5 €
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Thème
La jeune femme et la mer est le récit graphique d’un séjour de l’autrice en résidence d’artistes au Japon. Et c’est beaucoup plus que cela. Catherine Meurisse ne nous raconte pas une histoire mais nous propose, à la place, une réflexion graphique sur le rapport artistique entre le Japon et l’Europe, rapport qui oscille entre incompréhension et fascination. Ce faisant, elle construit toute une galerie de personnages qui résonnent comme autant de symboles de ce pays.
Cela commence par la rencontre avec un Tanuki espiègle. Le Tanuki est une sorte de raton laveur auquel les Japonais attribuent des pouvoirs magiques. Les premiers malentendus s’installent : Catherine, en bonne Européenne amatrice de Mangas cite Miyazaki, le Tanuki réplique par Takahata, l’auteur de Pompoko, dont le héros est… un Tanuki. Il offre à Catherine un pinceau fabriqué avec ses poils fessiers (!) et tente de l’initier au Shodo, l’art de la calligraphie japonaise. Nouveau malentendu, « c’est beau, mais je ne comprends rien » dit-elle dans un souffle d’impuissance.
Le ton de l’album est donné. Sa rencontre avec un autre personnage ne fera que renforcer cette impression : un peintre poète, amateur de Haïkus et un rien dédaigneux avec les artistes occidentaux - « A mon avis, dit-il à Catherine, aucun occidental ne peut comprendre les Haïkus, ni en composer » -. Les deux artistes ainsi réunis vont se rendre ensemble chez Mademoiselle Nami, étrange et magnifique personnage, décrite comme la seule survivante de la Vague, la célèbre estampe peinte par Hokusai. C’est elle qui va jouer le rôle de passerelle entre les deux cultures. Grâce à elle, Catherine va s’ouvrir à une autre façon de percevoir les choses et va, peu à peu, trouver ses marques dans cette déroutante culture.
Points forts
Si vous acceptez le principe de cette balade graphique proposée par Catherine Meurisse, vous allez passer un excellent moment de lecture. Ses représentations de la nature japonaise sont magnifiques et vous donnent envie de vous arrêter à chacune des images pour y méditer sur le temps qui passe. Lorsqu’on lui demande pourquoi elle est venue au Japon, « c’est pour peindre la nature », répond-elle. Eh bien, cet objectif est atteint avec succès !
Mais cette balade dans la nature passe presqu’au second plan, lorsque Catherine nous propose son autre objectif, plus complexe, à savoir confronter l’artiste européen et l’artiste japonais. Et là, ce ne sont plus les images qui sont à déguster, mais les dialogues, et sans modération. Leurs échanges autour de l’Ophélie, tableau du peintre anglais Millais, leur discussion sur la Poésie, ou sur la nature japonaise sont autant de passages savoureux et écrits avec talent.
Quelques réserves
On peut aussi s’ennuyer en lisant cette BD. Comme je l’écris plus haut, il n’y a quasiment pas d’histoire, à peine un scénario, et une déambulation qui, même si elle n’est jamais prétentieuse, a quand même une ambition intellectuelle. Pour le lecteur qui n’acceptera pas ces principes, il restera quand même à déguster les paysages, mais ce sera un peu court.
Encore un mot...
MAGIE JAPONAISE
Catherine Meurisse nous confirme une fois de plus l’étendue de son talent. Sa balade japonaise n’aurait pu être qu’ « une succession de belles images »… ce qui n’était déjà pas si mal. Mais elle transforme cette déambulation en un voyage initiatique en terre inconnue : l’Art Japonais. Sa façon de vous entraîner dans ce voyage est très originale. Elle renonce d’emblée à toute démarche didactique pour proposer plutôt, par petites touches de dialogues, une approche plus sensitive. C’est un peu comme si elle peignait un tableau impressionniste avec des mots. Car, finalement, lire cette BD, c’est un peu comme contempler longuement un tableau. Elle vous pénètre doucement, pour vous envahir de sensations agréables et ne plus vous lâcher.
Une illustration
Une phrase
(D’après le site Dargaud)
Catherine Meurisse est née en 1980. Après un cursus de lettres modernes, elle fait ses études à l'école Estienne puis à l'École nationale supérieure des Arts décoratifs à Paris. Dessinatrice, autrice, caricaturiste, reporter et illustratrice d'albums pour la jeunesse, Catherine Meurisse est une artiste prolixe. Aiguisant son regard et son trait pendant quinze ans dans de nombreux titres de presse (Le Monde, Libération, Les Échos, L’Obs.…) et plus particulièrement Charlie Hebdo où elle réalise des bandes dessinées dans lesquelles l'esprit de sérieux n'a pas sa place. Après Mes Hommes de lettres, Le Pont des arts (éd. Sarbacane), Moderne Olympia (éd. Futuropolis) et Drôles de femmes (éd. Dargaud, avec Julie Birmant), elle publie en 2016 La Légèreté, récit bouleversant de son retour à la vie, au dessin et à la mémoire, après l'attentat contre Charlie Hebdo auquel elle a échappé. Après l'effronté Scènes de la vie hormonale paraît Les Grands Espaces (éd. Dargaud), évocation de son enfance à la campagne, où se mêlent souvenirs savoureux et conscience esthétique et politique du paysage rural. En 2019, elle publie Delacroix, adaptation graphique toute personnelle des mémoires d'Alexandre Dumas, grand ami du peintre Eugène Delacroix.
Commentaires
Le scénario est insuffisant pour créer une bonne bande dessinée, le dessin ne sauvant pas l'essai rédactionnel.
J'aimerais bien lire un scénario de Jean Paul. Il doit être un grand scénariste pour se permettre d'évoquer une critique aussi concise et directe.
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