Iruene
98 p.
19 €
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Thème
Quand on s’appelle Alexis Berthelot, que l’on a 36 ans, que l’on est célibataire, parisien concepteur publicitaire, fondateur d’une agence, dépositaire de tous les attributs du succès, on ne possède à priori pas de raison de se préoccuper du sort des Gouaches, peuple qui occupait les Canaries avant l’arrivée sanglante des Conquistadors en 1479.
Mais alors, pourquoi ces nuits interrompues par un cauchemar récurrent qui vous donne le sentiment de mourir pour revenir à la vie dans un autre temps ? Pourquoi ce sentiment latent de tristesse et de chagrin dû au souvenir oppressant de femmes et d’enfants emmurés vivants dans une grotte ? Pourquoi cette sensation si réelle de vous transformer en guerrier d’un temps ancien devant affronter une bête monstrueuse : Iruene le démon ? Un lien mystérieux vous relierait-il à ce peuple disparu et à sa culture oubliée ?
Points forts
Iruene nous permet de découvrir les Gouaches, leur histoire, leur culture, leur spiritualité. On apprend ainsi qu’ils occupaient la Macaronésie – l’ensemble des îles des Açores, du Cap Vert, de Madère et des Canaries – et qu’on leur prête d’avoir été les derniers descendants des Atlantes, ce peuple légendaire qu’Hérodote fut le premier à citer dans son œuvre. Les Gouaches étaient animistes et leur spiritualité dominée par Iruene, l’ancien esprit des volcans, à la fois diable et dieu, représentant le bien et le mal. Après avoir repoussé une première tentative de conquête de leurs îles par les Conquistadors, ils furent vaincus quelques années plus tard par la modernité des armes de l’envahisseur en dépit d’une féroce résistance.
Iruene invite également à une salutaire réflexion sur les origines, les liens qui nous relient par-delà le temps à des racines profondes et à la façon dont nous pouvons (devons ?) y rester fidèles et en entretenir le souvenir.
Enfin, Iruene est porté par le dessin de Griffo. Combinant précision, dynamisme et fluidité, il retranscrit aussi bien les scènes historiques et contemporaines que les tourments psychologiques des personnages tout en nous transportant dans des ambiances de rêve à l’onirisme profond.
Quelques réserves
Difficile de circuler dans les couloirs du temps tant ces allées ont été empruntées et peuvent paraître quelque peu encombrées. Avec Iruene, Rodolphe et Griffo relèvent néanmoins le défi.
On y retrouve des thématiques familières aux amateurs du genre et des films de science-fiction : temporalités parallèles reliés par les couloirs du temps, objet totémique faisant office de clés pour ouvrir le passage d’un monde à l’autre, mystérieux « passeurs » dotés de pouvoirs surnaturels pour accompagner l’élu dans son voyage, possibilité d’infléchir le cours de l’histoire en revisitant le passé…
Si les auteurs s’attaquent au challenge avec le talent qu’on leur connaît, il me semble qu’ils n’y parviennent que partiellement. Les ressorts évoqués ci-dessus peuvent paraître quelque peu émoussés et l’album manquer de souffle par rapport à des références emblématiques telles que La Balade au bout du monde, cycle 1, éd. Glénat, 1982-1988 ou Sasmira, éd. Les Humanoïdes Associés puis Glénat, 1997-2018.
Encore un mot...
Iruene ne se livre pas facilement. Ce à tel point qu’il prend le risque de dérouter, voire de frustrer, un lecteur « pressé » attendant qu’il se livre à lui en une seule lecture. J’avoue qu’il m’a fallu lire l’album deux fois pour commencer à en saisir toutes les thématiques et à me familiariser avec son atmosphère si particulière.
Une illustration
L'auteur
Comment résumer en quelques lignes l’immense carrière de Griffo ? Né en 1949, il est admis à 15 ans à l’Académie des Beaux-Arts d’Anvers. Après des débuts dans la presse « underground », les illustrations pour des revues féminines et les caricatures de rock stars, il débute son parcours dans la BD aux éditions du Lombard où il prend la succession de Mittéï pour réaliser la planche hebdomadaire de Modeste et Pompon. 1984 constitue un tournant de sa carrière : il rejoint Spirou et réalise SOS Bonheur sur un scénario de Jean Van Hamme. La réussite et la qualité de cette série, aux thématiques furieusement modernes, est le début d’un succès qui ne se démentira jamais. Parmi sa très riche production, on peut citer Beatifica Blues-Samba Bugatti, éd. Dargaud puis Glénat, 1985-1989 puis 1992-1997 en collaboration avec Jean Dufaux ; Giacomo C, toujours avec Jean Dufaux, éd. Glénat 1988-2018 ; l'épopée de Cinjis Qan avec Philippe Cothias, éd. XX, 1996-1997 ; ou Vlad, éd. XX, 2000-2006, sur un scénario de Yves Swolfs.
Comme pour son compère Griffo, il est bien difficile de résumer la carrière de Rodolphe tant la production de ce professeur de lettres, libraire puis journaliste est éclectique et abondante : biographie, recueil de souvenirs, dictionnaire, romans, recueil de poèmes, contes pour enfants, ouvrages d'études et beaux livres sur l’univers du rock. Si la BD constitue sa principale activité, il y multiplie également les casquettes : critique, organisateur de manifestations, commissaire d'expositions, et surtout, scénariste. A ce jour, il a scénarisé plus de 150 albums réalisés en collaboration avec des dessinateurs renommés tels que Ferrandez, Rouge, Juillard, Leo… Multirécompensé dans de nombreux festivals, on peut citer parmi ses principales séries : Kenya, Namibia, La Maison Dieu, Commissaire Raffini, Les Écluses du Ciel, Trent, Gothic, Dock 21, Le Village... Loin de connaître l’intégralité de son œuvre, j’avoue néanmoins une certaine tendresse pour Le Baron Fou, épopée romantique, sanglante et désespérée de Roman Von Ungern-Sternberg qui fut le dernier à lutter contre l’armée rouge au cœur de la révolution russe avec le fol espoir de recréer l’empire de Gengis Khan sur les cendres de la Russie tsariste.
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