Forçats 2: Le prix de la liberté
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Thème
Quand la BD devient un art total.
De retour de Cayenne où il a fait la connaissance d’Eugène Dieudonné, accusé d’avoir fait partie de la Bande à Bonnot, Albert Londres publie Au bagne et entame un combat déterminé pour faire libérer cet homme injustement condamné. Doté d’une énergie farouche, il monte à l’assaut du monde politique et de la justice française pour faire effacer ce qu’il considère être une ombre portée sur l’honneur de la France.
Refusant ce que d’aucuns considèrent comme une fatalité, en butte aux méandres kafkaïens de l’administration, il reprend le fil de l’enquête, puis repart en Guyane pour apporter son soutien à un Dieudonné sur le point d’abandonner la lutte après plus 13 ans passés à « cotoye[r] le diable ».
Points forts
Graphisme et Journalisme !
Le graphisme ? Sans équivalent ! Le dessin fixe d’une ligne claire l’essentiel d’une silhouette, d’un décor, d’un objet. Ample, puissant, avare de détails, il articule courbes délicates et lignes brisées pour restituer la tension de l’histoire, la dureté des situations, l’énergie brute des protagonistes. Le cadrage et la construction des séquences vous aspirent ensuite au cœur de l’action. La vignette où Albert Londres, cadré en légère contre-plongée, quitte le bureau de son rédacteur en chef restitue ainsi toute la force de sa colère et de sa puissance physique. La palette des couleurs finit ensuite de vous happer. Pas de nuance. De larges à-plats de pastel contrastent avec un noir omniprésent. Véritable signature visuelle de l’album, il masque le plus souvent les yeux et les orbites, laissant le soin à la posture d’un corps ou à la découpe d’une silhouette d’exprimer l’identité et les sentiments des protagonistes. Univers visuel de l’énergie et de la tension ? Nous sommes proches du superbe Tyler Cross, créé en 2013 par Fabien Nury et Brunö, éd. Dargaud.
La double page du passage de la barre entre le littoral guyanais et la mer libre justifie à elle seule la lecture de l’album. Première page : une image unique dont le silence est à peine troublé par le chuintement de l’eau le long de la coque du canot plongé dans la nuit noire. Deuxième page : une découpe en plans serrés au format cinémascope. On sent monter progressivement la tension jusqu’à entendre mugir la vague qui se rue littéralement en avant, menaçant d’emporter lecteurs et occupants de la frêle embarcation.
Inspiré d'une histoire vraie, Forçats rend un formidable hommage à un journalisme d’investigation, exigeant, intègre, engagé. Ne se contentant pas de restituer l’écume de l’actualité, il trouve sa dignité dans la prise de recul et l’analyse. Son objectif ? Secouer le lecteur, alerter l’opinion publique, influer sur les choix politiques et sociaux. Le reportage d’Albert Londres contribue à faire fermer le bagne de Cayenne, « Sodome et Gomorrhe » de la III° République ? The Fall of a President, de Bob Woodward et Carl Bernstein, publié en 1974, révèle le scandale du Watergate, fait chuter Nixon, 37° Président des Etats-Unis, et inspire All the President’s Men, de Alan J. Pakula, sorti sur les écrans en 1976.
Quelques réserves
On aimerait en savoir plus sur Albert Londres. Personnage central du récit, il est présenté comme un héros dont le courage n’a d’égal que l’intégrité. S’il n’est pas question de remettre en question ces attributs, on voudrait en savoir plus sur une personnalité et des motivations que l’on pressent plus complexes.
Encore un mot...
« Tellement humains ! » sont les mots qui viennent tout de suite à l’esprit pour qualifier la fantastique galerie de personnages qui peuple Forçats. Célèbres ou anonymes, ils sont tous porteurs d’une humanité d’une épaisseur et d'une complexité qui les rend aussi attachants qu'irritants. Grâce ou à cause d’elle, aucun n’est totalement condamnable, ni complètement exemplaire… Mais tous se débattent avec cette énergie vitale, parfois désespérée, qui nous fait nous sentir si proches d’eux… nos frères en Humanité...
Une phrase
« Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »
L'auteur
- Pat Perna commence sa carrière par le journalisme tout en réalisant des incursions remarquées dans la Bande Dessinée comme scénariste : Skud, éd. Vents d’Ouest, 1992, en partenariat avec Fane avec lequel il réalisera également, toujours chez Vents d’Ouest, Rallye Raid Calagan, 2000-2008, et Précis de bonne conduite, 2002. A 40 ans, il se consacre exclusivement à la Bande Dessinée. Entre autres projets, il reprend en 2010 avec Jenfèvre la suite de l’excellentissime Joe Bar Team. En 2015, première collaboration avec Fabien Bedouel pour créer le remarqué et troublant Kersten, Médecin d’Himmler, éd. Glénat.
- Diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris (ENSAD) en 2003, Fabien Bedouel se fait remarquer par son projet de fin d’études, 1916. Primé dans de nombreux festivals, ce film d’animation révèle un style déjà affirmé. Travaillant dans la publicité, la télévision et les films d’animation, Fabien Bedouel se lance dans la BD avec l’épique série L’Or et le Sang, en collaboration avec Merwan Chabane, Maurin Defrance et Fabien Nury, éd. 12bis puis Glénat, 2009-2014. D’autres succès suivent : Un Long Destin de sang avec Laurent-Frédéric Bollée, éd. 12bis, 2010-2012 ; OPK avec Matz, éd. 12bis, 2012-2013 et Kersten, Médecin d’Himmler, première collaboration avec Pat Perna éd. Glénat, 2015.
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