Florida
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Thème
Florida est l’histoire vraie d’une tentative avortée de conquête de la Floride par la France, au temps des guerres de religion. Cet épisode peu glorieux de notre histoire est aussi peu connu. Le premier mérite de Jean Dytar est donc de le remettre en lumière. Tout part de la volonté de l’Amiral de Coligny, un des chefs huguenots, et futur martyr de la Saint Barthélémy, de concurrencer la présence espagnole (et donc catholique) en terre américaine. Il confie une mission d’exploration et de conquête à deux navigateurs, Jean Ribault et René de Laudonnière. Ceux-ci vont s’adjoindre les services d’un cartographe, Jacques Le Moyne de Morgues. C’est l’histoire de l’expédition vue par ce cartographe que nous raconte Jean Dytar, en même temps que celle du couple que Jacques forme avec sa femme, Eléonore.
Ces deux histoires vont s’imbriquer l’une dans l’autre, l’une se déroulant donc en Floride, et l’autre, pour l’essentiel, à Londres, Londres, qui deviendra la terre d’exil de Jacques à son retour d’expédition. Car Jacques et Eléonore sont des convertis au Protestantisme, ce qui aura également son importance dans le récit.
Points forts
Jean Dytar a une manière particulière de mêler le réel et l’imaginaire. Il est à la fois enseignant et auteur de BD, et cela se voit dans chacune de ses œuvres. Il réussit l’alchimie de mélanger les deux ingrédients, la grande Histoire et la petite, en un savant dosage.
Ainsi, on s’enrichit à le lire, que ce soit intellectuellement ou culturellement, car la précision de son travail de documentation est d’une impressionnante perfection, tout en goûtant au plaisir d’une trame romanesque. On s’attache à ce couple, Jacques et Eléonore. Lui, en aventurier contre son gré ; elle, aventurière en imagination. Lui, qui regrette tellement d’être parti là-bas ; elle, tellement malheureuse de ne pas y être allée.
Jean Dytar a aussi réalisé un magnifique travail sur le choix des couleurs, qui supporte pleinement la narration. En effet, le récit entremêle deux histoires. Celle du couple, Jacques et Eléonore, qui commence à Londres, au moment du massacre de la Saint Barthelemy, qui vient d’avoir lieu à Paris, le 24 août 1572. Et celle, antérieure, que Jacques raconte à Eléonore, et qui fait le récit de son expédition floridienne en 1564. Et chacune de ces histoires a son identité visuelle.
Pour la partie du récit londonien, l’auteur utilise une palette de couleurs brunes, avec un trait ferme et précis. Puis, dès que le récit plonge dans le passé du navigateur, la palette se fait bleu-vert, le trait devient flou, les contours des visages sont à peine esquissés, comme pour marquer la réticence de Jacques à se souvenir; et les cases sont traversées de traits fins, presque invisibles, qui évoquent, tout en subtilité, le travail du cartographe.
Ce procédé génère réellement deux ambiances séparées, et donne en particulier au récit du passé une pesanteur, une moiteur, qui ferait presque ressortir l’humidité de la Floride des pages du livre.
Quelques réserves
Il arrive à Jean Dytar de se perdre dans les méandres de son sujet, comme s’il était victime de son envie de partager. Il aime prendre son temps, parfois un peu trop : 256 pages, c’est tout de même un peu long ! Et le rythme n’est pas toujours soutenu. Que donnerait son « Florida » avec une cinquantaine de pages en moins ?
Encore un mot...
Expédition maudite et destins brisés: Plongez sans modération dans ces eaux troubles. Découvrez ou redécouvrez cette étrange période de l’histoire de France, où deux religions se livraient à une guerre impitoyable, même, comme ici, à l’autre bout du monde. C’est une des prouesses narratives de Jean Dytar que de nous montrer avec clarté, comment cette expédition catastrophique en Floride était aussi un produit de ce conflit religieux. Et laissez-vous porter par l’histoire de Jacques et Eléonore, petit couple qui va essayer de survivre à la grande Histoire, et qui, je l’espère, vous émouvra, comme il m’a ému.
Une phrase
« Tiens ! La partie méridionale se nomme la Floride, à raison qu’elle fut découverte le jour de Pâques Fleuries. Vous le saviez ?
Euh non… mais je ne vois pas le rapport.
« Pasqua Florida » !
Ah oui ! Ce sont des Espagnols qui l’ont découverte, bien sûr… »
L'auteur
Jean Dytar est un élève de la faculté d'Arts Plastiques de Saint-Étienne et, grâce à un échange Erasmus à Liège, suit des cours du soir de bande dessinée. Il a à son actif deux albums. Le premier, "Le Sourire des marionnettes", transposait au cœur de la Perse du XIe siècle une réflexion intelligente et universelle sur le déterminisme religieux et la liberté humaine. "La Vision de Bacchus" est son second projet édité. Il y explore donc un tout autre univers en s'intéressant aux peintres de la Renaissance vénitienne.
Point commun à ces deux ouvrages : un travail d'orfèvre où rien n'est laissé au hasard. Chaque mot, chaque choix graphique accompagne et sert l'histoire pour nous plonger dans un univers à la fois cohérent et dépaysant. Fort d'une vaste connaissance des arts plastiques, Jean Dytar adapte son style en fonction du sujet qu'il aborde et nous livre de sublimes romans graphiques où se mêlent réflexions et émotions. En parallèle, Jean Dytar continue d'enseigner à Lyon. Il tient également un site dans lequel il revient en détail sur son travail d'auteur et sur ses œuvres (http://www.jeandytar.com).
(à partir de sa biographie de BD Gest)
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