Ecoute, jolie Marcia

Un Fauve d’Or au cœur tendre
De
Scénario et Dessins : Marcello Quintanilha
Ed. çà et là
125 p.
22 €
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Thème

Je viens d’apprendre que le Fauve d’Or du meilleur album du Festival d’Angoulême 2022 vient d’être attribué à Ecoute, jolie Marcia de Marcello Quintanilha. Du coup, je vous propose cette chronique, un peu tardive, mais je trouvais dommage que vous ne retrouviez pas sur Culture-Tops un avis sur cette BD.

Quintanilha nous raconte l’histoire de Marcia, infirmière brésilienne qui vit dans une Favela près de Rio de Janeiro. Les Favelas, ce sont les quartiers pauvres de Rio de Janeiro, bidonvilles dans lesquels sévissent les gangs liés au trafic de drogue. Ce sont eux les véritables maîtres de la Favela. Marcia va y être confrontée car sa fille Jaqueline, jeune adolescente frivole, prend part à ces trafics. Marcia va tout faire pour tenter de la sortir de cette zone dangereuse. Mais rien ne va se passer comme elle l’espérait. Sa relation avec sa fille devient catastrophique, elle mêle son compagnon à son combat, qui va le payer très cher ; et Marcia elle-même n’en sortira pas indemne.

Points forts

Quintanilha nous propose le portrait d’une héroïne magnifique sous le charme de laquelle on tombe très vite. Il a imaginé sa Marcia en évitant tous les pièges qui pouvaient se présenter à lui. Marcia n’est pas belle, au sens conventionnel du terme. Elle est trop grosse et les traits de son visage sont trop durs. Mais elle assume ce qu’elle est car c’est aussi une protection qu’elle se donne face aux difficultés de la vie. Ses excès corporels sont autant de forces qui l’aident à bâtir sa personnalité et à faire d’elle une infirmière compétente et reconnue. Son physique devient une carapace, mais une carapace avec des failles, comme ses interrogations sur sa féminité, et, surtout, sur l’éducation de sa fille. Par la grâce du trait de Quintanilha, on se prend d’affection pour Marcia et on lui trouve un charme fou.

Le style graphique de cette BD est incroyable ! Quintanilha réalise ses cases avec très peu de traits. Si on avait accès aux images avant leur mise en couleur, je pense qu’on serait saisi par leur dépouillement. Les cases elles-mêmes, d’ailleurs, ne sont pas délimitées par des traits, comme pour laisser de la liberté aux personnages. Cette économie de traits met en valeur le travail sur les couleurs. Le résultat fait surgir beaucoup d’émotion, comme si cette mise en couleur animait le récit, lui donnait vie. Et que dire des expressions des visages. Si cette BD palpite entre nos mains, c’est parce qu’elle regorge d’émotions et de moments à haute intensité. Vous aurez les vôtres, mais moi, j’ai été bouleversé par la relation mère-fille, en particulier au moment de l’arrestation de cette dernière, ainsi que par les retrouvailles de Marcia avec son compagnon.

Quelques réserves

Il y a une petite fragilité dans la construction du récit : la fin imaginée par l’auteur. J’ai eu un peu de mal avec cet happy end venu de nulle part, comme s’il ne collait pas complètement avec le récit. Je ne veux pas en dire trop pour ne pas gâcher votre plaisir de futur lecteur, mais on a le sentiment que Quintanilha s’est trop entiché de son héroïne pour la maltraiter. Et, avouons-le, malgré la réserve évoquée ci-dessus, cela nous fait plutôt plaisir.

Encore un mot...

FAUVE D’OR MERITE !

En partant d’une histoire somme-toute classique, Quintanilha nous propose une entrée « en douceur » dans l’univers « sans douceur » de la Favela. On découvre la vie quotidienne de ses habitants, coincés entre les gangs de trafiquants de drogue et les milices paramilitaires. Mais il n’y a jamais de misérabilisme dans cette BD. L’auteur réussit un étrange mélange entre poésie et réalisme. Cette histoire brésilienne rejoint un peu le cinéma anglais de Ken Loach, où les héros, ballotés au gré des difficultés de la vie, tentent malgré tout de continuer à avancer. C’est bien ce qui caractérise Marcia, une volonté d’avancer, envers et contre tout. La différence entre Loach et Quintanilha, c’est peut-être l’optimisme, malgré tout présent chez ce dernier.

En tous les cas, l’histoire de Marcia vaut le détour et ne s’effacera pas facilement de votre mémoire. Ce Fauve d’Or est amplement mérité.

 

Une illustration

L'auteur

(d’après le site de l’éditeur)

Marcello Quintanilha est né en 1971 à Niterói (État de Rio de Janeiro). Autodidacte, il commence sa carrière de dessinateur en 1988 dans la bande dessinée d’horreur, puis travaille dans le dessin animé pendant une dizaine d’années. Il devient ensuite illustrateur pour de nombreux magazines et journaux brésiliens, et publie son premier livre en 1999, Fealdade de Fabiano Gorila, d’après la vie de son père, joueur de football professionnel dans les années 1950.

En 2002, il signe avec les éditions du Lombard pour réaliser les dessins de la série Sept Balles pour Oxford sur des textes de Jorge Zentner et Montecarlo (sept albums publiés à ce jour). En 2009, le recueil de nouvelles Mes Chers samedis (Sábado dos Meus Amores) est publié au Brésil. Son premier roman graphique, Tungstène, publié en 2015 en France aux éditions çà et là, a remporté le Prix du Polar au Festival d’Angoulême 2016 avant d’être adapté au cinéma par le réalisateur Heitor Dhalia. Talc de Verre a ensuite été publié en France 2016, puis L’ Athénée en 2017 et Les Lumières de Nitero en 2018.

Depuis 2002, il habite et travaille à Barcelone.

 

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