Duel
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Thème
Automne 1805, la Grande Armée est regroupée sur la rive gauche du Rhin avant de déferler sur l’Europe Centrale pour y affronter l’Angleterre, la Russie et l’Autriche réunies au sein de la 3° coalition. Bientôt ce sera Austerlitz, son soleil et le zénith napoléonien. Entretemps, les troupes françaises casernent à Strasbourg où les jeunes officiers cherchent des dérivatifs à leur trop plein de fougue. Soucieux de préserver ses « forces vives », l’Empereur interdit à ce corps la pratique ancestrale du duel.
Or, Féraud, lieutenant de hussards, tue en duel l’héritier d’une grande famille locale. D’Hubert, lieutenant à l’état-major du même corps, est chargé de le mettre aux arrêts. Pour ce faire, il fait irruption dans le salon de Madame de Lionne où Féraud fait sa cour. Gascon sanguin et susceptible, Féraud rend rapidement d’Hubert responsable de ce qu’il considère comme un affront à son honneur. Affront qui ne pourra être lavé que dans le sang. Commence alors le « Combat des Titans », qui verra les deux officiers s’affronter à intervalles réguliers, tout au long de l’épopée napoléonienne, et bien au-delà.
Points forts
Duel est un « Porteur d’Histoires », au sens donné à cette expression par Alexis Michalik. Il jette ainsi des ponts entre les personnages historiques l’ayant inspiré, le général Fournier-Sarlovèze et le comte Pierre-Antoine Dupont de l’Etang ; la nouvelle de Jospeh Conrad, Le Duel, publiée en 1908 ; et le film de Ridley Scott, The Duellists, sorti sur les écrans en 1977. Histoire, fiction, littérature, cinéma et bande dessinée se rejoignent pour continuer de compter, par-delà les temps, l’histoire de ce formidable affrontement.
Duel restitue pleinement l’énergie vitale d’une époque sans équivalent : celle de la fin de la Révolution, de l’épopée napoléonienne, de « l’exubérance » violente de la France au-delà de ses frontières. Une époque où talent et mérite individuel, nouvellement reconnus, affrontaient rang et naissance, déterminants séculaires, pour décider des fondements de la société française du XIX° siècle naissant.
Duel bénéficie d’une palette épurée au service d’un graphisme complexe. Le noir et blanc intemporel, souligne l’universalité du sujet, tandis que des touches rouge sang rehaussent la dramaturgie de certains passages. Le dessin mêle ligne claire, finesse dans la restitution des sentiments des protagonistes, et dynamisme dans la chorégraphie des affrontements. Morceaux de bravoure graphique, ils font s’animer les pages en restituant l’esthétisme aérien, fascinant et glaçant des duels à l’arme blanche.
Le texte est à lui seul une raison suffisante de lire Duel. Il mêle avec talent témoignages historiques, restitutions lyriques des duels, dialogues savoureux, introspection psychologique, conversation de tavernes … le tout servi par un humour tout en distance et en second degré.
Quelques réserves
Duel ne se livre pas facilement ! A un lecteur pressé, il pourrait presque paraître naïf. A un lecteur attentif, il dévoile toute sa puissance esthétique et thématique. Celle-ci finit par imprégner le lecteur qui ne peut qu’être fasciné et marqué durablement par le destin si particulier des deux duellistes.
Le voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino (titre original The Deer Hunter), sorti en 1978, sans doute le plus beau film sur la guerre du Vietnam, produit le même effet en imprimant irrémédiablement en nous la trace de ces vies d’hommes ordinaires radicalement transformés par des circonstances extraordinaires.
Encore un mot...
Duel est une forme supérieure de conversation échappée d’un temps encore romantique où l’objectif n’est pas tant de l’emporter que de poursuivre un dialogue, un échange de qualité dont l’élaboration, le développement et l’esthétisme sont en eux-mêmes porteurs de sens… De bretteur à rhéteur, il y a peu.
Quand les sophistes de la Grèce Antique développent la rhétorique, discipline du langage, c’est pour persuader. Quand les duellistes s’affrontent l’arme à la main, c’est pour entériner la prééminence de leur honneur. La logique, et le prestige qui s’y attachent, sont les mêmes. Le risque de mort physique en plus. Quoi que, comme le rappelle Fred Vargas dans Pars Vite et Reviens Tard, 2001, éd. Viviane Hamy : « Les mots ont toujours tué. »
Duel fait appel à des forces profondes. Ce n’est pas un hasard si la thématique de l’affrontement se retrouve partout dans la littérature, le cinéma, le théâtre, le sport, la vie professionnelle. Et avec elle, celle du « meilleur ennemi ». Celui que l’on pense détester et rêver d’abattre mais dont on pressent confusément que la chute, souhaitée mais redoutée, nous privera d’une part essentielle de nous-même : celle qui nous pousse à être meilleurs.
Duel nous convoque ainsi à un rendez-vous essentiel avec nous-mêmes, car : « Si l’escrime est une science, alors le duel est un art… de vivre ! »
Une phrase
« Je vois encore bien des couplets avant que ne s’achève cette étrange épopée. Armons-nous de patience, une telle haine rend immortel ! »
L'auteur
Très tôt, Renaud Farace se met à lire des périodiques BD et à écrire ses propres histoires. Après un rapide détour par la psychologie, il replonge définitivement dans la BD. Lauréat du concours des Jeunes Talents du festival d’Angoulême en 2005 avec sa Querelle des Arbres, il porte aujourd’hui les deux casquettes d’auteur-illustrateur jeunesse et de bédéiste. Sa biographie comporte entre autres les excellents Contes Tibétains, 2009, éd. Petit à petit, en collaboration avec Gaët’s ; Contes & légendes de la mythologie grecque en bd, 2010, éd. Petit à petit, avec Stéphane Nappez au scenario ; Barbe Verte, 2014, éd. Sarbacane, sur des textes de Guillaume Guéraud.
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