Cyparis, Le prisonnier de Saint-Pierre
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Thème
Ce Roman Graphique relate l’histoire de Cyparis, un des rares survivants de la ville Saint-Pierre, en Martinique, suite à l’éruption du volcan « la Montagne Pelée » en 1902.
En fait, son histoire de criminel sauvé par l’épaisseur des murs de sa prison, devient vite anecdotique, tant on est pris par le récit haletant des faits qui précèdent l’éruption. Cela rappelle l’ambiance de ces films catastrophes que le cinéma affectionnait à la fin du siècle dernier (comme La Tour Infernale par exemple), où on savait dès le départ que cela allait mal se terminer, et on assistait, impuissant, aux suites de mauvaises décisions. Tous les personnages caricaturaux du genre y sont : les anonymes du quotidien (l’oncle et la nièce, dont on n’entend jamais le nom ou le prénom), le scientifique éclairé et incompris, ou les politiciens arrogants et insupportables, enfermés dans leurs certitudes.
On rentre dans cette BD comme dans un récit d’aventures qu’on ne veut plus lâcher avant la dernière page.
Points forts
- Cet ouvrage est le fruit d’un long travail minutieux de reconstitution, joliment rendu par le dessin de Vallerie. Le parti pris graphique est surprenant, car il mélange une grande précision dans la restitution des décors de la Martinique et une étrange naïveté dans le rendu des personnages. Le résultat pourra déstabiliser le lecteur, mais si vous acceptez le principe, vous embarquerez pour une magnifique aventure.
- Un autre point fort est la restitution du contexte historique de cette colonie française au début du XXème siècle. Les tensions de plus en plus fortes, entre les Mulâtres et les Békés, dans leur lutte pour le pouvoir politique, éclatent au grand jour. Les deux classes étaient possédantes, les békés étant les descendants directs des premiers colons blancs, alors que les Mulâtres étaient des métis qui avaient évolué dans l’échelle sociale locale.
Ce contexte particulier est très bien rendu dans l’ouvrage. On apprend, par exemple, que la catastrophe volcanique s’est déroulée pendant une période d’élections législatives, ce qui ne sera pas sans importance dans l’histoire.
Quelques réserves
- Le premier point faible en est-il un ? Chacun sera juge : on peut être dérangé par la naïveté du rendu des personnages, qui crée une sorte de décalage avec le ton dramatique du récit, comme si on utilisait le graphisme de Spirou pour raconter l’histoire d’un tueur en série.
- Second point faible: le récit est un peu confus sur la fin, un peu fourre-tout, entre l’histoire de Cyparis qui redevient le héros de la narration (mais trop tard ?) et celle des suites politiques, qu’on aimerait plus fouillées. Dommage, car l’histoire de Cyparis après la catastrophe est proprement incroyable.
Encore un mot...
Cet ouvrage est une très belle découverte, chez un éditeur intéressant qui propose une production sortant des sentiers battus de la Bande Dessinée.
Pour ceux qui, comme moi, sont des amateurs de Romans Graphiques, on reste parfois sur notre faim devant la difficulté pour un auteur à harmoniser l’intérêt littéraire et la verve graphique. C’est ce que réussit parfaitement Lucas Vallerie, pour son coup d’essai, puisque ce n’est que son premier album !
Une phrase
Le maire Fouché, répondant au scientifique Landes qui commence à pressentir la catastrophe à venir :
« Ecoutez Landes : je sais quel homme de sciences vous êtes, mais avec tout le respect que je vous porte, c’est à moi et à moi seul qu’incombe la lourde responsabilité de gérer cette ville ! Or je peux affirmer que la priorité en ce moment est de faire en sorte que les prochaines élections se déroulent sans encombre !! »
Tout est dit et le destin de Saint-Pierre et de ses 30 000 habitants est ainsi scellé…
L'auteur
Extrait du site de la boîte-à-bulles: dessinateur né et domicilié en Martinique. Ancien étudiant en animation à l'école Supinfocom de Valenciennes, il travaille 10 ans dans le cinéma d'animation sur des projets tels que "Moi, moche et Méchant", "Bref", "Astérix". Puis il décide de rentrer en Martinique pour réaliser sa première bande dessinée, Cyparis, Le Prisonnier de St Pierre, afin de s'immerger dans son sujet.
Je rajoute, pour avoir discuté avec lui à Angoulême, qu’il a mis 4 ans de sa vie dans ce projet, et que le résultat mérite toute votre attention, quitte à sortir des grands classiques pour s’aventurer vers des rivages « bédéphiliques » un peu moins fréquentés.
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