CHOC, les fantômes de Knightgrave, tome 3
Si vous aimez les bandes dessinées vous connaissez sans doute Monsieur Choc, méchant emblématique, l'ennemi juré de Tif et Tondu. Mais ce que l'on découvre avec cette série dont c'est le 3° tome, c'est que Monsieur Choc pourrait peut-être trouver un embryon d'excuse dans sa jeunesse particulièrement difficile...
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Thème
Le tome 3 de Choc, les fantômes de Knightgrave clôt la trilogie entamée en 2014, par Maltaite et Colman. Elle raconte l'histoire d'un des méchants les plus emblématiques de la BD Franco-Belge, Monsieur Choc, ennemi irréductible des célèbres Tif et Tondu. Tif, le chauve, et Tondu, le barbu, sont deux pseudo-détectives, dont les aventures vont s'étaler tout au long de 45 albums, entre les années 50 et les années 90. Plusieurs auteurs se sont relayés pour faire vivre ce tandem, mais l'équipe emblématique est bien celle de Will au dessin et de Rosy au scénario. Ce sont eux qui, en 1955, vont créer dans le journal Spirou, le personnage de Monsieur Choc, un méchant très distingué, qui porte costume, nœud papillon et dissimule son visage derrière un heaume de chevalier. Précision importante : Will s'appelle de son vrai nom Willy Maltaite, et c'est son fils Eric qui est le dessinateur de cette biographie imaginaire de Mr Choc. Will s'étant éteint en 2000, on peut aussi voir cette BD comme un splendide tribut rendu par un fils à son père.
Le point de départ de cette trilogie est d'imaginer ce qu'a pu être la vie de Mr Choc avant sa rencontre avec Tif et Tondu. Les auteurs ont imaginé le tragique destin de ses parents, sa petite enfance, qui tourne très vite au drame et l'entraîne du côté obscur de la vie, puis son adolescence pendant laquelle il commence à construire ce personnage de méchant très sombre. Le récit commence au crépuscule de la première guerre mondiale et s'achève, forcément, en 1955, lorsque Choc va rencontrer pour la première fois Tif et Tondu.
Points forts
- Le scénario de cette histoire est une incroyable construction, d'une richesse et d'une complexité qui ont peu d'équivalent dans la Bande Dessinée contemporaine. La façon dont le personnage de Choc prend corps, au fur et à mesure du récit, est magnifiquement maîtrisée. Il se construit avec ses forces, mais aussi avec ses failles, comme son addiction à la drogue, ses interrogations sur sa sexualité ou encore ses renoncements.
- Le dessin de Maltaite, très maîtrisé, crée, dès le tome 1, une ambiance très sombre, qui colle parfaitement à la narration tragique que Colman installe. L'expressivité des visages, le soin apporté aux décors, ou encore la nervosité de son trait pendant les scènes d'actions, contribuent à nous immerger dans cette histoire. Et l'apnée ne se terminera qu'à la toute dernière page du dernier tome.
- Enfin, on découvre quelques clés de compréhension du personnage restées jusqu'alors mystérieuses : pourquoi ce nom de Mr Choc ? Pourquoi ce heaume pour dissimuler le visage ? Pourquoi son organisation s'appelle-t-elle la Main Blanche ? ...
Quelques réserves
- La complexité de la structure du scénario peut dérouter le lecteur. Personnellement, il m'a fallu plusieurs relectures attentives pour ne rien laisser échapper des différents aspects de l'histoire. La façon dont les auteurs passent d'une période à l'autre, avec des allers-retours incessants, crée parfois de la confusion.
- L'autre point faible tient dans le lien entre les deux univers de Mr Choc : celui, très sombre, de cette trilogie, et celui, beaucoup plus léger de la BD de Tif et Tondu. Franchement, ça ne colle pas. Comme si, dans l'univers de Spielberg, Indiana Jones devenait un héros de la liste de Schindler. Lorsque je suis arrivé au terme de la lecture de ce tome 3, j'ai ouvert l'album de Tif et Tondu La Main Blanche, qui le suit chronologiquement, et le décalage est assez violent. Ceux qui feront cette petite expérience me comprendront, je pense.
Encore un mot...
Il n'y a pas tant que cela de méchants emblématiques qui ont marqué l'histoire de la BD. On pense au Colonel Olrik, dans Blake et Mortimer, à Lady X dans Buck Danny, à Arbacès dans Alix, ou à Alex Borg dans Lefranc. La liste n'est pas exhaustive, mais elle est très datée de cet âge d'or de la BD Franco-Belge de la fin du siècle dernier. Imaginer ainsi l'enfance de l'un d'entre eux, et comment il est devenu ce qu'il est ensuite, est une très belle idée. Je signe tout de suite pour celui qui fera la même chose avec Olrik. La légitimité filiale de Maltaite à avoir endossé cette responsabilité et le talent avec lequel il l'a fait, rend encore plus émouvante la lecture de ces trois albums.
Une illustration
L'auteur
(d'après BDGest)
Né à Bruxelles le 23 février 1958, fils du grand Will, Éric Maltaite se trouve plongé dès l'enfance dans un univers centré sur la bande dessinée. Il voit quotidiennement son père penché sur ses planches de Tif et Tondu, et lui donnera parfois un petit coup de main au cours de ses années d'adolescence. Après un premier galop en commun sous la forme d'un récit complet dans Spirou (Jules et Gil, en 1978), l'équipe Maltaite-Desberg se lance dans une série parodique plus ambitieuse mettant en scène la Famille Herodius, dont les membres traversent l'Histoire avec une méchanceté assez stupéfiante pour l'époque. Ses premières productions ont tout naturellement un style assez "willien", mais il s'en dégagera graduellement. Il aimerait explorer un domaine plus semi-réaliste où l'action primerait sur l'humour et Desberg n'est pas très à l'aise dans le registre comique. Ils changent donc leur fusil d'épaule et créent en 1980 l'agent spécial Jimmy Plant... qui se fera un nom sous son matricule 421 ! J'ajoute un commentaire personnel à cette biographie. Si vous ne connaissez pas cette série 421, n'hésitez pas à tenter de dénicher un des 11 albums qui la compose. C'est une petite merveille de talent et d'originalité, largement sous-évaluée, de mon point de vue.
Stéphane Colman est né à Liège le 20 avril 1961. Petit-fils du peintre Robert Crommelynck, sa vocation artistique est encouragée par sa grand-mère. Il réalise sa première bande dessinée (de 51 pages !) en 1976 et la soumet à Jijé qui lui conseille de devenir chauffeur de bus... Ne désespérant pas, il fait une escale d'un mois à l'Académie des Beaux-Arts de Liège ! À une époque où il propose ses planches à différents magazines, il rencontre Desberg chez Spirou en 1980. C'est l'apparition d'une première courte version de Billy the Cat dans les pages de ce journal. Il réalise ensuite, en solo, pour les éditions Magic-Strip, White le choc, brève histoire d'un extraterrestre paumé dans un bled de l'Ouest américain, et s'associe avec le peintre Fernand Flausch pour composer Radical Café en 1983, dans un graphisme avant-gardiste qui va lui servir de carte de visite auprès des agences publicitaires toujours à la recherche de nouveaux talents. C'est après quelques années de stylisme et de publicité que le démon de la BD traditionnelle revient le hanter. Billy the Cat l'attend toujours, ainsi que Stephen Desberg, le scénariste le plus patient du Neuvième Art ! Les nouvelles aventures du garnement transformé en gentil chaton vont cette fois rencontrer le succès, donner lieu à des albums conçus au gré de l'inspiration de ses pères spirituels et fournir la base à une série de dessins animés pour la télévision. C'est la gloire, mais Colman, en incorrigible touche-à-tout qu'il est, ne veut renoncer à peindre, à se détendre dans la publicité ou l'illustration.
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