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Thème
Nous sommes en décembre 2041. Le monde se réveille avec un World Wide Web "asséché de son contenu". Les conséquences sont innombrables, tant l'humanité a stocké de données sur la toile, ne serait-ce que les mots de passes indispensables au fonctionnement de la plupart des intelligences artificielles. De retour de mars, une navette s'approche de la Station Spatiale Internationale. A bord, tout le monde est mort… sauf Obb, dont le corps recèle par ailleurs un "bug", une sorte de virus qui survit en lui et lui procure une connaissance absolue de tout ce qui l'entoure. Commence alors une course poursuite, entre Obb qui veut retrouver sa fille, et le monde entier qui veut "capturer" ce survivant hyper mnésique et manifestement indispensable au retour à la normale, si ce n'est à la réalisation des projets les plus fous. Impossible d'en dire plus… Bug n'est que le livre 1 d'une nouvelle trilogie !
Points forts
1- La qualité du scénario et de chaque image, très travaillée, l'ambiance si particulière des créations de Bilal.
2- Ce monde d'après le Big Bug semble réaliste par la prise en compte de ses conséquences (imaginaires ?) dans la vie quotidienne, les réactions des protagonistes, le jeu des rivalités et des opportunismes.
3- Incapacité de communiquer sans écrans, perte de l'écriture et de la mémoire, transhumanisme exclusivement réservé aux plus riches, univers désenchanté où le pillage est ordinaire et légitime, et toutes les violences possibles,... cette transposition de notre présent, de nos excès et de nos peurs, est-elle si caricaturale ?
4- Mosquée voisine de Notre Dame de Paris, Turquie et Gibraltar en Califats, un certain GWEB6 qui ressemble à s'y méprendre à un "comité" des Gafa… Dans la vision d'un futur désenchanté, Bilal ne manque ni de modèles, ni d'inspiration ! Il s'est d'ailleurs appuyé sur des vues de Google Earth pour imaginer nos grandes capitales dans… 24 ans. On peut en sourire ou ressentir une bouffée d'angoisse prémonitoire - vous choisirez selon votre sensibilité !
5- On attend la suite avec curiosité et impatience !
Quelques réserves
1- Ce monde que nous décrit Enki Bilal est sombre, sombre, sombre. Déprimés, s'abstenir! Car cet avenir là, pour peu qu'il soit extrapolé plus qu'imaginé, semble très loin du meilleur des mondes possibles !
2- Pour le reste, nous sommes dans la science fiction, et dans l'univers de Bilal. Si vous ne vous laissez pas aspirer par l'histoire, aucun de ses récit ne vous plaira!
Encore un mot...
Cette 30ème création d'Enki Bilal est une vrai réussite pour les amoureux de l'auteur et du genre "dystopique". Incontestablement réservée à un public d'adultes, cette aventure a une trame qui interroge sur nos modes de vie et nos avenirs possibles, sans doute aussi efficacement qu'un des meilleurs essais du moment sur les dérives du Big Data. Elle accorde une grande place aux personnages, aux scènes d'actions, d'un réalisme sobre et parfois violent. L'aventure laisse place à des pointes d'humour et de dérision bienvenues pour le lecteur maintenu en tension par un traitement graphique en grandes cases, livrant de nombreux détails qui contribuent à l'immersion dans le récit. Et ne boudons pas non plus le fait qu'une partie de l'histoire se passe à Paris. Première prise de parole sur Culture-Tops sur Enki Bilal -une chronique à l'image de celles des Passagers du Vent, de Valérian ou de Corto Maltese, comme une invitation à se plonger dans l'univers si particulier de ce très grand de la bande dessinée contemporaine.
Une phrase
Ou plutôt deux:
- Cité par Bilal en épitaphe : "A propos du "dataïsme", nouvelle religion du tout numérique expansif : … Le péché le plus grave serait de bloquer les flux de données. Qu'est ce que la mort, sinon un état ou l'information en circule plus ? " Yuval Noah Harari
- "Personne n'ignore désormais ce que Obb est devenu, à tort ou à raison, l'homme le plus convoité de l'humanité entière… La folie s'empare de tout le monde à son propos… individus, groupes ethniques et religieux, industriels, créationistes, militaires, Etats, dictatures… La liste est sans fin. Mais il semble être l'ultime disque dur de la planète. Il est inconcevable qu'il tombe entre n'importe quelles mains…" P 84
L'auteur
Enki Bilal est un "monstre" de la bande dessinée de science- fiction. Né en ex Yougoslavie, naturalisé français, âgé de 66 ans fin 2017, il associe le rare talent d'être à la fois réalisateur, scénariste et dessinateur et coloriste de bandes dessinées.
Il débute sa carrière en publiant en 1971 sa première BD dans le magazine Pilote ("Matin, quel journal !", créé deux décennies plus tôt notamment par Charlier, Uderzo et Gosciny… ). Il rencontre son complice Pierre Christin avec lequel il signera plusieurs aventure dont les très fameux Croisière des oubliés, Les Phalanges de l'ordre noir, Partie de chasse…
Ce touche à tout, à l'univers fait d'un dessin à la fois précis et estompé, coloré comme à la gouache et avec très peu de couleurs vives, dessine aussi des décors de cinéma, d'opéra, des costumes, des affiches, des photographies, met en scène films et pièces de théâtre. Ses créations mêlent le temps et l'espace, le genre humain et animal, les intelligences artificielles et "humaines", les mondes réels et imaginaires.
Primé dès 1987 à Angoulême, c'est un auteur et artiste "hors norme" au style totalement singulier.
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