Amertume Apache, Une aventure du Lieutenant Blueberry
64p
14,99 €
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Thème
Me voici de nouveau confronté à l’exercice périlleux qui consiste à chroniquer la reprise d’un héros mythique par de nouveaux auteurs. Après Astérix, Spirou ou Blake et Mortimer, c’est au tour de Blueberry de connaître une nouvelle vie, écrite par Joann Sfar et Christophe Blain.
Pour ceux qui ne connaitraient pas ce célèbre personnage, rappelons qu’il est né en 1963 dans les pages du magazine « Pilote », des mains talentueuses du prolifique Jean-Michel Charlier (à qui on doit un nombre incroyable de héros de Bande dessinée de ces années-là) et du multiple Jean Giraud (également connu sous le pseudonyme de Moebius). Depuis cette date, Blueberry a vécu de nombreuses aventures, toujours sous la conduite du duo Giraud / Charlier, puis de Giraud seul, après la disparition de Charlier.
Blueberry est un officier de l’armée américaine, dont les aventures prennent place juste après la guerre de sécession. Dans les premiers albums, il est le anti-héros classique de western, insubordonné, rebelle, plus proche des indiens que de ses collègues militaires. Puis avec le retour à la vie civile, il évolue vers un personnage de héros plus classique et plus flamboyant.
Sfar et Blain reviennent aux sources de l’histoire : on y retrouve le Blueberry soldat de garnison, comme il l’était dans le tout premier album de la série, « Fort Navajo ». Mais ils créent également un nouvel univers dans lequel ils mettent en place leur propre imaginaire. Blueberry se retrouve, par hasard, au centre d’un conflit opposant des adolescents cruels et inconscients à des Apaches en quête de vengeance. On suit les aventures d’un Blueberry plutôt dépassé par les évènements tragiques qui se déroulent sous ses yeux, et qui va tenter, tant bien que mal, de colmater les brèches.
Points forts
Du coup, les deux points forts de cette bande dessinée sont assez inattendus.
D’abord, cette posture de Blueberry, un peu looser, crée une ambiance nouvelle. On s’était habitué, au fil de ses nombreuses aventures, à une image très forte du héros, sûr de lui et maître de son destin. Sfar et Blain prennent le risque de revenir à l’esprit du début, en poussant très loin le mythe du anti-héros. Malmené en permanence, Blueberry enchaîne les déconvenues. Il est d’abord maltraité par une adolescente en furie (magnifique création que cette sulfureuse Bimhal), puis battu au pistolet par un automate (lui, l’as de la gâchette), et la troupe qu’il conduisait se fait massacrer par des indiens. N’en jetez plus ! Comme, en plus, l’histoire ne se termine pas avec ce premier tome, on reste vraiment sur ce sentiment d’impuissance. Et la bonne nouvelle, c’est qu’on aime cela !
Ensuite, Blain réussit la performance rare de garder son style graphique très caractéristique, et de l’adapter aux codes de la série. Lorsqu’on commence à découvrir l’histoire, on a un peu de mal à rentrer dedans, déstabilisé par ce dessin très différent de celui de Giraud, mais cette gêne se dissipe très vite, et comme par miracle, on retrouve le plaisir de la lecture d’un Blueberry, comme si Blain avait trouvé une alchimie entre l’esprit de Giraud et son propre talent.
Quelques réserves
Il y a deux façons de découvrir cette BD. Soit vous faites partis des rares lecteurs à ne pas connaître Blueberry, et vous plongerez dans un western bien conduit et haletant, soit, plus vraisemblablement, vous êtes un amateur de ces aventures, et vous allez affronter les deux obstacles évoqués précédemment : un héros désacralisé et un univers graphique nouveau. Cela pourra en rebuter certains.
Encore un mot...
RETOUR AUX SOURCES ET VENT DE LIBERTE
La reprise par Blain et Sfar du héros Blueberry illustre superbement la richesse de de l’univers artistique propre à la Bande Dessinée. Ce sont deux mondes à priori opposés qui se rejoignent ici. Blueberry représente une forme de classicisme, issu de la mouvance propre à Charlier, et qui se caractérisait par des récits d’aventures épiques (outre Blueberry, Charlier a créé Buck Danny, Jean Valhardi, Tanguy et Laverdure ou encore Barbe-Rouge). De leur côté, Blain et Sfar sont des représentants d’une nouvelle BD indépendante, plutôt en rejet de ce classicisme, dans la mouvance d’auteurs comme Lewis Trondheim ou de maisons d’édition comme « l’Association ».
Ces deux univers n’avaient à priori que peu de chance de se rencontrer, et même une synthèse graphique paraissait inimaginable. C’est pourtant ce tour de force que réalisent les deux auteurs, et cet album pourrait être une belle contribution au décloisonnement de la Bande Dessinée.
Une illustration
L'auteur
(d’après Wikipedia)
Enfant d'instituteurs, Christophe Blain est formé à l'École municipale supérieure des arts et techniques (EMSAT) de Paris puis à l'École supérieure des beaux-arts de Cherbourg-Octeville.. De son service national effectué dans la marine à bord de la frégate Tourville, qui l'a fortement marqué, il ramène un carnet de dessins publié chez le même éditeur en 1994 sous le titre Carnet d'un matelot. Celui-ci reçoit le Prix Jeunesse Gabier du Salon du Livre Maritime de Concarneau. Outre les carnets de voyage, Blain commence à illustrer de la littérature d'enfance et de jeunesse à partir de 1995. C'est en rejoignant ensuite l'Atelier des Vosges qu'il s'intéresse véritablement à la bande dessinée. Il y rencontre David B., scénariste de sa première série créée en 1997, Hiram Lowatt et Placido, ainsi que Joann Sfar et Lewis Trondheim pour qui il dessine à partir de 1999 les quatre premiers tomes de la série Donjon Potron-Minet. Il réalise aussi les dessins de la série Socrate le demi-chien, créée en 2002, toujours en collaboration avec Joann Sfar. Ces expériences lui permettent de se lancer comme dessinateur et scénariste avec l'album Le Réducteur de vitesse en 1999 et les séries Isaac le pirate en 2001 et Gus en 2007. En 2010, il commence une nouvelle collaboration avec Abel Lanzac, pseudonyme du diplomate Antonin Baudry, pour les deux tomes de la série Quai d'Orsay.
Joann Sfar est issu d'une famille juive (séfarade) algérienne du côté de son père et ashkénaze ukrainienne du côté de sa mère. Sa mère Lilou est chanteuse et son père André Sfar est avocat engagé dans la lutte contre le néonazisme. Après des études aux lycées Masséna et Honoré-d'Estienne-d'Orves, Joann Sfar effectue un cursus philosophique à l'université Nice Sophia et y obtient une maîtrise. Il termine sa formation à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. En 1994 Joann Sfar publie ses premières planches à l'Association rejoignant ainsi Jean-Christophe Menu, Stanislas, Mattt Konture, Killoffer, David B., Mokeït et Lewis Trondheim avec qui il collaborera par la suite. Ces auteurs font partie de la nouvelle vague d'auteurs de bande dessinée française des années 2000 qui revendique une liberté formelle en cherchant à s'éloigner des formats classiques franco-belges. Dans les années 90 il rejoint l'atelier Nawak avec d'autres auteurs de l'Association, puis l'atelier des Vosges avec des auteurs comme Frédéric Boilet, Marjane Satrapi, ou Christophe Blain avec qui il collabore (Donjon, Socrate le demi-chien). À partir des années 2000 Sfar rencontre un succès grandissant à la fois populaire et critique (plusieurs prix à Angoulême) qui lui permet de se lancer dans de nombreux projets en parallèle de son activité d’auteur.
Commentaires
J'adhère pas au dessin malheureusement.
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