La bombe
p. 460, 39 €
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Thème
Le slogan de la quatrième de couverture de cette BD la résume parfaitement : « l’incroyable histoire vraie de la Bombe Atomique ! »
Le récit commence en 1933, à Berlin, pendant un cours du Professeur Leo Szilard, physicien hongrois qui fut l’un des premiers à travailler sur l’énergie nucléaire, et se termine le 6 août 1945, avec la terrible destruction d’Hiroshima. Entre ces deux périodes, nous suivons l’évolution des personnages principaux de cette terrible histoire : les scientifiques qui mettent la bombe au point, dans leur enthousiasme, mais aussi dans leurs doutes ; les politiciens de tous les pays en guerre qui s’interrogent sur l’intérêt de ces recherches ; et, bien sûr, les militaires qui, progressivement, prennent le contrôle des opérations. Les auteurs nous racontent également les incroyables petites histoires qui ont fait la grande : la vie imaginée de simples citoyens d’Hiroshima, celle de malades américains sur lesquels vont être testés les effets des radiations, celle encore d’un petit commando militaire chargé de détruire des usines allemandes.
Car c’est aussi une formidable course poursuite qui est engagée entre les Etats-Unis et l’Allemagne pour être le premier à posséder l’arme nucléaire. Une lutte de génies scientifiques symbolisée par Robert Oppenheimer, côté américain et Werner Heisenberg côté allemand. Les apprentis sorciers prendront tous les risques pour gagner cette course infernale, comme cette première expérience de réaction en chaîne, en décembre 1942, en plein cœur de Chicago ! Beaucoup de ces éminents cerveaux payeront le prix fort de leurs recherches en décédant d’un cancer dans les années 50-60.
Points forts
A priori, on serait tenté de ranger cet ouvrage dans le genre Docu-BD, puisque les auteurs racontent une histoire véridique et très documentée. Mais leur tour de force est d’en faire une vraie BD, qui vous embarque dès les premières pages, et ne vous lâche plus jusqu’à la dernière, presque 500 pages plus loin tout de même. En entremêlant le destin de nombreux personnages, et en entrecoupant les différents récits, ils créent une dynamique formidable et rendent chaque histoire passionnante à suivre.
Le graphisme colle parfaitement avec ce récit. En choisissant un noir et blanc très « années 50 », Denis Rodier nous plonge tout de suite dans l’ambiance des comics américains de cette époque qui racontaient les exploits des militaires à la bannière étoilée. On retrouve aussi un peu l’esprit, plus européen, des Histoires de l’Oncle Paul. Pour ceux qui ne connaîtraient pas, Les histoires de l’Oncle Paul racontaient, en mode BD réaliste, des tranches d’histoires de diverses époques (des dizaines de sont parues aux éditions Dupuis entre les années 50 et 70).
A la différence des comics américains des années 50 graphiquement un peu bâclés pour répondre à des besoins de production abondante, le graphisme de Rodier est extrêmement soigné et d’une grande qualité. Les personnages sont parfaitement maîtrisés, les décors magnifiques. Le rythme, malgré la longueur du récit, est très soutenu par un trait vif et dynamique. Et, enfin, le noir et blanc est somptueux, délivrant des jeux d’ombre et de lumière d’une incroyable intensité.
Quelques réserves
Ma seule réserve sur cette BD concerne les parties allégoriques du récit. Les auteurs choisissent de faire de l’énergie nucléaire une entité cosmique et consciente, ce qui donne quelques pages très délirantes, très réussies graphiquement, mais qui, de mon point de vue, alourdissent le récit. La longueur peut aussi rebuter le lecteur, ou même l’exercice physique que représente la manipulation d’un objet de près de deux kilos.
Encore un mot...
Allez, disons-le tout net : pour moi, La Bombe est une des grandes BD de l’année 2020. Etrange coïncidence, d’ailleurs, en cette période de COVID et de population masquée, de découvrir la force de ce récit apocalyptique. La Bombe possède plusieurs niveaux de lecture : c’est le récit d’une prouesse scientifique, en même temps que celui d’une gigantesque entreprise de communication.
Dès que les militaires prennent les rênes des opérations, le contrôle de l’information devient un véritable enjeu, avec une obsession du secret. Les auteurs nous donnent d’édifiants exemples de cette obsession, comme la vie à Los Alamos, ville du Nouveau Mexique où fut fabriquée la première bombe, ou l’histoire de ces cobayes humains sur lesquels on a testé, à leur insu, les effets du Plutonium. Cette BD montre parfaitement jusqu’où un état puissant est prêt à aller pour arriver au bout de son projet. A ce titre, le personnage du Colonel Groves, plutôt inconnu du grand public, mais véritable maître d’œuvre de cette réussite militaire, est particulièrement saisissant.
Une illustration
L'auteur
Denis Rodier est un dessinateur québécois. Il collabore très tôt aux séries les plus populaires d’éditeurs américains comme Marvel et DC Comics. C’est son travail sur la série Superman qui est le plus remarqué, en particulier l’arc Death of Superman, lauréat de plusieurs prix. En Europe, on le connait surtout pour sa série L'Ordre de Dragons avec Jean-Luc Istin, et sa suite, L’Apogée des Dragons avec Corbeyran aux éditions Soleil.
De son vrai nom Didier Swysen, Alcante est né le 21 novembre 1970 à Uccle (Bruxelles). En 1995, il remporte un concours de scénario supervisé par Raoul Cauvin et voit ainsi sa première planche publiée dans l'hebdomadaire Spirou. Il adopte le pseudonyme d'Alcante, composé des premières syllabes des prénoms de ses enfants : Alexandre et Quentin. Pour Dupuis, il écrit Pandora Box, une série de huit albums transposant des mythes grecs dans l'actualité contemporaine. Puis, à la demande du scénariste Jean Van Hamme, il écrit un album dérivé de la série XIII, Colonel Amos, illustré par François Boucq. La collaboration avec Jean Van Hamme se poursuit également sur Rani6, une série historique se déroulant en Inde au XVIIIe siècle.
Né en 1967 à Orléans, Laurent-Frédéric Bollée se passionne très vite pour le journalisme et la bande dessinée, au point d’en faire ses deux métiers. Il signe son premier contrat de scénariste de bande dessinée à 21 ans et a déjà publié plus de cinquante albums pour les plus grandes maisons d’éditions européennes. On lui doit ces dernières années plusieurs œuvres marquantes qui l'ont fait entrer dans la cour des grands scénaristes actuels, comme le roman graphique Terra Australis, paru en 2013 chez Glénat : un livre de 500 pages relatant la naissance de l'Australie moderne, complété en 2018 par un second volume, Terra Doloris. LF Bollée a aussi scénarisé un XIII Mystery (Billy Stockton, Dargaud). Il travaille actuellement sur la reprise du personnage de Bruno Brazil, aux éditions du Lombard et à divers projets de romans graphiques.
Commentaires
Bravo... bravo.
Hâte de le lire
merci !
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