Zoo ou l’assassin philanthrope
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Thème
Une équipe de scientifiques en expédition découvrent une espèce inconnue dont ils ignorent s’ils sont hommes ou animaux. Pour répondre à leurs interrogations, ils font une expérience d’insémination artificielle sur une femelle pour déterminer l’origine de ces créatures.
En donnant la vie à un bébé que le père biologique, Douglas Templemore, journaliste qui a accompagné la mission, décide de tuer, l’affaire déborde de la sphère scientifique pour toucher l’ensemble de la société : s’agit-il d’un infanticide ou du meurtre d’un animal ?
Le procès qui s’ensuit fournit l’occasion d’un intense débat entre instances judiciaires et experts scientifiques, auxquels se mêlent les industriels et les politiques, pour démêler les croyances, preuves et présomptions qui déterminent l’espèce humaine.
Cette fable philosophique est adaptée du roman Les animaux dénaturés de Vercors dans une nouvelle version issue du spectacle créé dans l’auditorium du Musée d’Orsay, le 8 juillet 2021, en miroir de l’exposition Les Origines du monde. L’invention de la nature au XXe siècle puis reprise le 17 mars 2022 au Théâtre de la Ville-espace Cardin.
Points forts
Une mise en scène soignée, voire sophistiquée, qui alterne les points de vue et les récits dans un dispositif qui permet plusieurs narrations simultanées, celle des événements passés en ombres chinoises, et celle du présent.
Le propos, fondamental, d’une controverse originelle de l’humanité est réactualisé sans rien perdre de sa pertinence.
Un jeu de lumières qui rend compte avec subtilité des méandres de la pensée des protagonistes et de leurs incertitudes.
Les masques d’animaux, ponctuellement portés par les magistrats, tout en ajoutant une note esthétique à la configuration théâtrale, portent en eux-mêmes l’interrogation principale.
Quelques réserves
- Quelques longueurs dans l’argumentation desservent parfois le propos, de même que l’usage insistant de la vidéo qui humanise le bébé né de l’expérience, et force le caractère dramatique.
Encore un mot...
Nouvelle “controverse de Valladolid“ (XVIe siècle) - modernisée et réactualisée après les crimes contre l’humanité que la Seconde Guerre mondiale a générés - la pièce pose une question existentielle concernant les contours du genre humain et son unicité, interdisant sa modification ou sa manipulation à des fins totalitaires sous couvert de scientisme.
La femelle, enfermée au zoo, est originaire de Nouvelle-Guinée et appartient à l’espèce des anthropoïdes appelés Paranthropus erectus. Après l’expérience, a-t-elle des sentiments pour sa progéniture et pour le père biologique ? L’être né de la manipulation scientifique, dont on ne sait s’il est humain ou non, a-t-il droit à la vie et à la liberté ? Qu’est-ce qui caractérise le genre humain ? Autant de questions valant pour le passé comme pour l’avenir.
Une phrase
« Il n’y a pas des espèces humaines, il y en a une. »
« Il peut tuer un homme mais il ne peut pas le changer en autre chose. »
« L’homme est un animal rebelle qui a une dignité à conquérir. »
L'auteur
Vercors, pseudonyme résistant de Jean Bruller (1902-1991), dessinateur et auteur du célèbre texte Le Silence de la mer, écrit et publié par les éditions de Minuit en 1942 qu’il a contribué à fonder.
Après la guerre, son combat se prolonge par des engagements contre le racisme, le colonialisme et toutes les formes d’oppression.
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