Grand-peur et misère du IIIème Reich
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Thème
Le célèbre texte de Bertolt Brecht, écrit à chaud grâce à des témoignages, s’attache à démontrer, par une sélection parmi les 24 tableaux de la pièce originale, créée en 1938, l’atmosphère de la société allemande sous le nazisme depuis l’année d’avant l’accession au pouvoir d’Hitler, en 1932, jusqu’aux prémices de la Seconde Guerre mondiale.
Plus qu’un mouvement politique, le nazisme pénètre toutes les strates de la pensée et de la vie des Allemands, qui voient leur société totalement subvertie.
Points forts
Loin de céder à une forme de folklore qui se voudrait caractéristique de l’époque nazie – à l’exception de l’uniforme de la SA, quelques brassards à croix gammée et « Heil Hitler ! » vociférés -, le décor, la mise en scène épurée, les costumes des acteurs enseignent, par leur neutralité, le fait que l’intrigue pourrait être transposable à notre époque, ce qui renforce l’effet théâtral et l’impact du texte.
Sous une apparente simplicité, la mise en scène distille une inquiétude subtile, une atmosphère de souffrance et de pauvreté.
Les comédiens s’attachent à exprimer les dilemmes moraux perpétuels auxquels sont confrontés les personnages par des mouvements où les corps semblent lestés par le poids d’une invisible tristesse.
Quelques réserves
Aucune.
Encore un mot...
Pièce du grand répertoire européen, l’œuvre de Bertolt Brecht dit mieux que les savants traités historiques ce que le nazisme fait à la civilisation : tous les rapports humains entre parents et enfants, entre maris et femmes, entre amis de longue date, entre collègues, entre voisins sont contaminés par l’incohérence des mensonges d’État que les individus sont sommés d’ingérer au prix d’une terreur continue et sans limites.
Ainsi le juge, par temps totalitaires, doit-il « trouver le droit » sans avoir le moyen d’en connaître les sources contradictoires, les règles subissant d’incessants changements, au gré des rapports de force aléatoires.
Le soupçon se généralise et se mue en certitude. L’obéissance devient alors synonyme de dévitalisation interdisant la révolte. La corruption des sentiments, tout comme celle de la langue dénaturée et de la communication paradoxale, doit convaincre chacun de signer le contrat tacite de survie : « être prêt à tout. »
Une phrase
« Quand on est faible, mieux vaut être prudent. »
« Le droit, c’est ce qui est utile au peuple allemand. »
« Chacun doit penser à soi. »
« Il n’y a pas de contradictions sous le Troisième Reich. »
« Pour une fois lire un journal où il y a quelque chose dedans… »
« Tout le monde est suspect. »
L'auteur
Bertolt Brecht (1898-1956) est un dramaturge, metteur en scène, critique théâtral et poète allemand. Après des études de philosophie puis de médecine à Augsbourg, il est mobilisé à la fin de la Première Guerre mondiale comme infirmier. Comme pour toute sa génération, la guerre le transforme. Poète anarchiste et asocial qui piétine les valeurs bourgeoises, le héros de sa première pièce, Baal (prix Kleist 1922) commencée en 1918, a des accents autobiographiques.
Engagé comme conseiller littéraire en 1923 à Munich, puis à Berlin en 1924, il rejoint le Deutsches Theater de Max Reinhardt, avec l'actrice Hélène Weigel, qui monte ses pièces. Ces œuvres provoquent une polémique, jusqu'à ce qu'il crée "L'Opéra de quat'sous" (musique de Kurt Weill), un des plus grands succès théâtraux de la république de Weimar.
Bertolt Brecht épouse Hélène Weigel et devient marxiste. L'arrivée au pouvoir des nazis les force à quitter l'Allemagne en février 1933, après la perquisition de leur domicile. L'œuvre de Brecht est interdite et brûlée lors de l'autodafé du 10 mai. En juin 1933, il s'installe au Danemark avant d’être déchu de sa nationalité allemande. Forcé à l’exil en 1939, il s'installe en Suède, en Finlande, puis en Californie en 1941. Durant cette période, il écrit une grande partie de son œuvre dont La Vie de Galilée, Mère Courage et ses enfants, La Résistible Ascension d'Arturo Ui.
Brecht travaille un temps à Hollywood avant de quitter les États-Unis en octobre 1947, car il est le onzième des « dix d’Hollywood » contraint de venir témoigner dans le cadre de la chasse aux sorcières anticommuniste annonçant le maccarthysme. Brecht rejoint la Suisse puis la RDA, et termine sa vie à Berlin-Est, sans illusion sur la démocratie populaire depuis qu’elle a réprimé ses citoyens lors des émeutes de la mi-juin 1953 (cf. son grinçant poème Die Lösung / La solution). Entretemps, en 1948, il fonde, avec son épouse, le Berliner-Ensemble, théâtre qui va abriter la compagnie qu'il a créée en 1949.
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