Le Piège américain, l’otage de la plus grande guerre souterraine témoigne
Parution en février 2020
429 pages, 8,90 € (22 euros en édition originale Ed. JC Lattès)
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Thème
Comme un retour funeste aux pratiques archaïques, les otages sont devenus des figures emblématiques de la cruauté des nouvelles guerres. C’est vrai des conflits où le terrorisme est le mode d’action principal mais aussi de la guerre économique sans pitié que livrent les grandes puissances pour conserver leur suprématie industrielle et économique. En l’occurrence, les Etats-Unis d’Amérique qui assurent 80% des actions d’espionnage, ciblées notamment sur leurs principaux alliés. C’est donc un épisode révélé parmi d’autres de cette guerre qui est raconté dans ce livre qui se lit comme un roman policier dans lequel le procurateur est le coupable rapidement démasqué.
Points forts
Paru aux éditions Jean-Claude Lattès en 2019, puis en édition de poche aux éditions « J’ai Lu », ce livre a été un succès de librairie mérité. Par son style alerte de polar bien ficelé et surtout par son contenu haletant et édifiant sur les méthodes employées par une Amérique aussi brutale que déterminée lorsque ses intérêts - et donc sa loi extraterritoriale imposée de manière unilatérale au reste du monde - sont en jeu.
Frédéric Pierucci raconte l’affaire, la sienne, celle d’une arrestation et d’une incarcération longue, kafkaïenne et arbitraire, aux côtés des délinquants les plus dangereux dans des quartiers de haute sécurité ; l’affaire Alstom surtout dont il est l’otage, le bouc émissaire unique et commode, pour forcer la « firme » française à passer sous les fourches caudines et à se vendre en réparation de ses actions de corruption passées et de l’empressement mitigé de son président, Patrick Kron, à plaider coupable et à payer une amende considérable au trésor américain.
Le récit raconte en détail le climat délétère de ces affaires, l’ambiance lourde de la culpabilité forcée, son licenciement lâche et ignoble, les heures interminables et désespérées, le médiocre soutien de la France officielle, l’administration sourde et cloisonnée, les procédures ubuesques et l’arbitraire quasi-stalinien, le soutien de sa famille, le double jeu du ministère de la justice américain masquant la manœuvre industrielle pour mettre la main, avec l’aide de benêts politiques utiles et de dirigeants d’Alstom généreusement récompensés, au profit de General Electric (GE) sur les technologies de pointe d’un fleuron industriel.
Quelques réserves
Aucune. Sensibilisé aux enjeux de l’intelligence économique, j’avais écouté des émissions et des podcasts sur ce sujet et j’ai eu la chance d’assister au témoignage fort de l’auteur au cours d’un récent colloque consacré à la Souveraineté. L’auteur, au-delà de l’épreuve qu’a constituée sa pénible expérience personnelle, donne aussi beaucoup de conseils utiles pour sortir de la naïveté française et prendre la mesure de la guerre économique qui se déroule dans l’ombre.
Encore un mot...
L’arme économique est discrète et se cache derrière l’actualité immédiate. Elle a permis aux Etats-Unis, au nom de la « guerre contre le terrorisme », de conforter leur leadership grâce à un arsenal législatif et règlementaire soutenu par une surveillance électronique planétaire – civile (GAFA) et militaire (NSA et autres agences de renseignement) - et une stratégie délibérée d’espionnage et de lutte contre la corruption surtout dirigée, aux résultats, vers la concurrence européenne. A l’est de l’océan atlantique, la sidération impotente et la veulerie inoffensive des Européens ne sont pas à la mesure des enjeux et des risques.
Une phrase
- “Avec cet amendement sur l’extraterritorialité du FCPA, les Américains réussissent un vrai tour de passe-passe. Ils transforment une loi qui pouvait fragiliser leur propre industrie en un fabuleux outil d’ingérence et de guerre économique.” p. 161
- “Dans cette affaire, je ne suis qu’un instrument, un otage, prisonnier d’intérêts qui me dépassent.” p. 172
- “Patrick Kron est en train de vendre sans avoir averti le ministre, l’une des pépites industrielles françaises aux Américains.” p. 217
L'auteur
Frédéric Pierucci, né en 1968, ancien président de la filiale « chaudière » d’Alstom, a créé Ikarian, un cabinet de conseil spécialisé dans la prévention de la corruption internationale. Il témoigne dans ce livre, coécrit avec Matthieu Aron, ancien directeur de la rédaction de France Inter et grand reporter à l’Obs, de son expérience d’otage, en milieu carcéral américain, des enjeux de la guerre économique entre les Etats-Unis et la France, l’un de ses alliés. L’ouvrage a obtenu le prix littéraire des Nouveaux droits de l’homme.
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