Ravel l’alchimiste
CD (MIR 582)
Sortie le 10 janvier 2025
20 €
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Thème
Pourquoi, une fois encore, enregistrer des pièces maîtresses de Ravel, comme si nous ne disposions pas de suffisamment de versions pour en trouver qui nous satisfassent sans éprouver le besoin d’en tester de nouvelles ? C’est pourtant ce que vient de faire Jean-François Heisser qui, à la tête de l’Orchestre de Chambre Nouvelle-Aquitaine (OCNA), nous propose les siennes, comme pianiste et chef avec le Concerto en sol, Ma Mère L’Oye, le Tombeau de Couperin et la Pavane pour une Infante Défunte. Et force est de constater que son enregistrement rend particulièrement justice au titre qu’il lui a donné, à savoir Ravel l’alchimiste.
On rappellera simplement que l’alchimie désigne en ses origines, à la fois grecque et arabe, la pierre philosophale, unissant en sa double acception étymologique, la magie et le charme s’exerçant en secret dans la transmutation. Et, de fait, Ravel a procédé à une véritable transformation, forme moderne de la transmutation, plus qu’à une simple adaptation ou transcription d’œuvres initialement écrites pour le piano.
Points forts
Ainsi, les versions pianistiques de la Pavane (1899), Ma Mère L’Oye (1910) et le Tombeau de Couperin (1917), comme d’autres du corpus ravélien, sont premières dans le processus créatif du compositeur, sans que l’on puisse considérer que les secondes, orchestrées, se limitent à une simple adaptation ou ersatz qui supposerait l’idée de remplacement. Or ces œuvres sont précisément irremplaçables les unes par rapport aux autres. Il n’est pour s’en convaincre que d’écouter les versions pour piano et pour orchestre pour constater qu’au-delà des noyaux pianistiques qui sont à eux-mêmes leurs propres référents, se dégagent dans les versions orchestrales des dimensions nouvelles qu’autorisent la mise en valeur de la variété des timbres et des couleurs comme aussi bien la puissance des contrastes entre les différents pupitres. Dans l’orchestration, Ravel montre tout son métier, loin de l’image saint-sulpicienne, et à vrai dire assez romantique, de l’artiste attendant l’arrivée de l’inspiration, comme si la création n’était pas d’abord le fruit d’un artisanat. N’est-ce pas Stravinski, son ami, qui admirait en lui sa technique compositionnelle lui ayant permis de purger sa musique de toute éloquence et de toute rhétorique ? Et d’ailleurs, sans cet artisanat hautement savant que Ravel mit au service de Moussorgski, les fameux Tableaux d’une Exposition auraient-ils bénéficié de la notoriété qu’on leur connaît ?
De cette alliance, et plus encore de cet alliage (pour reprendre la métaphore alchimiste) entre d’une part la maîtrise parfaite de l’orchestration (en cela digne héritière du savoir-faire berliozien) faisant penser aux automates et autres mécanismes de précision dont Ravel était si friand et d’autre part la souple et généreuse amplitude mélodique que ses contemporains ne surent pas reconnaître immédiatement, Jean-François Heisser sait faire son miel en invitant son orchestre à conjuguer la netteté de la rythmique, la profusion des couleurs et l’énergie à peine contenue de partitions éblouissantes, aux antipodes d’interprétations confondant parfois rigueur et raideur.
Quelques réserves
On ne saurait par conséquent émettre de réserves à l’endroit des prestations artistiques de cet Orchestre de Chambre Nouvelle-Aquitaine (OCNA) qui parvient à un niveau de professionnalisme hors pair.
Encore un mot...
On citera pour finir la notation de Léon Paul Fargue : « Debussy capte les jeux fugitifs de l’onde et de la brise, Ravel au contraire s’arrête, fixe le papillon sans altérer ses couleurs, le sertit et l’encastre ». Si les timbres subtils et les sonorités rares de la musique de Ravel tombèrent en leur temps dans les oreilles de nombreux sourds, nous sommes conviés à les ouvrir grandes en compagnie de Jean-François Heisser et de l’Orchestre de Chambre Nouvelle-Aquitaine.
L'auteur
- Pianiste, chef d’orchestre, pédagogue, Jean-François Heisser, héritier de Vlado Perlemuter, a lui-même enseigné le piano de 1991 à 2016 au CNSMD de Paris.
Soliste, il joue sous la direction des plus grands chefs tels que Janowski, Tilson-Thomas, Segerstam, Krivine, Mehta, Plasson, Roth etc…avec le London Symphony Orchestra, l’Orchestre Philharmonique de Radio-France, le Royal Philharmonic Orchestra, l’Orchestre de Paris, le Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, l’Orchestre National de France, etc… Il se produit aussi en récital avec une prédilection pour Beethoven, Brahms, Chopin, le répertoire espagnol et les compositeurs français. Outre les œuvres majeures, il défend les œuvres du 20ème siècle et la création contemporaine.
Chambriste, il a parcouru tout le répertoire avec des partenaires tels que les quatuors Isaÿe, Lindsay et Prazac.
Directeur musical, il développe depuis l’an 2000 le projet de l’Orchestre de Chambre Nouvelle-Aquitaine (OCNA) qu’il a hissé au plus haut niveau des formations de chambre françaises. Est paru récemment pour Mirare l’intégrale des concertos pour piano de Beethoven.
Directeur artistique, il assure notamment la présidence de l’académie internationale Maurice Ravel.
- L’Orchestre de Chambre Nouvelle-Aquitaine (OCNA) est une formation qui propose depuis sa création en 1981 un format spécifique de 40 à 50 musiciens, adapté aux répertoires les plus variés, de Mozart et Haydn à la création contemporaine. Sa qualité musicale unanimement reconnue lui permet d’inviter régulièrement de grands solistes (Mireille Delunsch, Augustin Dumay, Tedi Papavrami, Renaud Capuçon, Nicholas Angelich, Philippe Cassard, etc…)
Engagé dans sa région pour offrir la musique au plus grand nombre, l’OCNA porte au cœur de sa philosophie un engagement social et solidaire qui le mène à la rencontre de nouveaux publics et de la jeune génération. 2222 a marqué la sortie de l’enregistrement Des canyons aux Étoiles d’Olivier Messiaen.
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