Gramercy Park
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Thème
Gramercy Park nous entraîne sur les traces de Madeleine, une danseuse classique de l’Opéra de Paris, reconvertie en épouse de malfrat new-yorkais. Entre polar élégant et chronique douce-amère, les auteurs ne choisissent pas et laissent flotter une délicieuse incertitude sur la nature de leur histoire. Le premier niveau qu’on perçoit assez vite est l’histoire d’une vengeance, somme toute classique, celle que Madeleine essaye de mener à terme contre le sombre mafieux Georges Day. Mais on s’attache moins à cette intrigue qu’à la description des morceaux de vie brisés qui semblent avoir plus attiré le narrateur : la noire déchéance de Jeremiah, l’inconsolable cruauté de Georges, l’insignifiante lâcheté de Forster, la vaine obsession d’un flic... Tous ces destins sont mis en scène, comme dans un film des années cinquante, référence cinématographique d’autant plus évidente que l’héroïne doit beaucoup à Audrey Hepburn (et que voulez-vous, quand on me propose une héroïne qui ressemble à la sublime Audrey, je fonds…).
Gramercy Park est une BD plus clivante qu’elle n’en a l’air, peut-être justement parce qu’elle est difficile à ranger dans une case précise. Par exemple, on peut être déçu par une première lecture et porter le jugement ci-dessous: Gramercy Park peut apparaître comme n’étant pas plus qu’un polar classique, comme on en a beaucoup lu en roman, ou vu au cinéma. La mince intrigue et la fin invraisemblable nous laissent rapidement sur notre faim. Le dessin un peu enfantin de Christian Cailleaux paraît peu adapté à la noirceur que tente d’imprimer au récit Timothée de Fombelle.
Et voilà qu’en trois petites lignes lapidaires, je traduis ce que certains d’entre vous ressentiront peut-être à la lecture de cette Bande Dessinée, et qui représente, reconnaissons-le, une vision possible de cet ouvrage.
Maisje suis à mille lieux de cette lecture, et je vais tenter de vous expliquer pourquoi.
Points forts
Malgré ses airs de faux polar, Gramercy Park nous étreint par les histoires qui se dessinent sous les apparences du scénario de Timothée de Fombelle. Tous ces petits morceaux de vie dérisoires qui s’emboîtent les uns les autres nous tiennent, non pas en haleine, mais plutôt en émotion, jusqu’à la dernière page. L’alternance entre dialogues et monologues amplifie ce ressenti, en cassant le rythme de l’histoire, comme si l’auteur se jouait du lecteur en l’entraînant dans ses fausses pistes.
Et, surtout, Gramercy Park nous enchante par la finesse et la légèreté du trait de Christian Cailleaux. Ses personnages à peine esquissés semblent remplis d’émotions et aussi d’un sentiment d’urgence. Comme si l’histoire devait aller vite, comme s’il fallait s’en débarrasser pour laisser la place à autre chose, toujours ces faux-semblants, ces fausses pistes. Même les décors sont un peu en trompe-l’œil : sous une apparente simplicité, ils sont juste somptueux. Il faut prendre le temps de regarder le détail des dessins de Cailleaux, sa façon de représenter un arbre (p 72, en bas à droite), ses variations de lumière sur les immeubles de New-York (p 10 et 11), ou encore le vol de ses abeilles (p 8) et bien d’autres exemples encore.
Quelques réserves
Cf mes interrogations à la fin de la rubrique "THEME".
Encore un mot...
Gramercy Park est une BD à savourer, comme un plat déroutant qui mélangerait des saveurs inattendues. Pour prolonger la comparaison culinaire, vous risquez de sortir de la lecture de Gramercy Park, comme on sort d’un grand restaurant, soit en vous disant que c’était sublime, soit en trouvant qu’il n’y avait pas grand-chose dans l’assiette. Et cela générera peut-être des discussions animées entre vous. Vous l’avez tellement aimée que vous ne tolèrerez pas qu’on en dise du mal … Ou réciproquement, bien sûr.
Une phrase
« La consolation … Je l’ai cherchée dans la compagnie des abeilles. On m’avait dit que des gens remplissent leurs plaies de miel pour qu’elles se referment. J’ai pensé que les abeilles me sauveraient du chagrin. Sauvée par leur patience… et par le ciel des petits matins. Pourquoi dit-on que les matins sont petits ? »
L'auteur
- Timothée de Fombelle est né en 1973. D’abord professeur de lettres en France et au Vietnam, il se tourne tôt vers la dramaturgie. En 2006, paraît son premier roman pour la jeunesse, Tobie Lolness, immense succès qui lui vaut les prix les plus prestigieux. Par la suite, les parutions se succèdent – Céleste, ma planète, Vango, Victoria rêve – et séduisent les lecteurs comme la critique. En 2017, il signe Neverland, son premier « récit pour adultes ».
- Adolescent, Christian Cailleaux vit l’aventure par procuration, au cinéma ou dans les romans et les BD d’auteurs qu’il admire : Hugo Pratt, Serge Clerc, Yves Chaland, Conrad, Melville… Après un service militaire en Afrique, il sillonne le globe et publie des carnets de voyages et des reportages. Dessinateur du réel, il a composé dernièrement une vie de Vian et de Prévert avec son ami Hervé Bourhis. Son œuvre est façonnée par les rencontres, comme celle du marin, cinéaste et écrivain Bernard Giraudeau, qui lui a communiqué le goût des traversées maritimes.
(repris du dossier de presse)
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