Si Einstein avait su

En 2022, le physicien Alain Aspect a obtenu le prix Nobel de physique pour avoir apporté la réponse à un débat né en 1930 entre deux grands physiciens : Albert Einstein et Niels Bohr. Dans ce livre, Alain Aspect retrace l’histoire passionnante de cette recherche jusqu’à la réponse finale apportée par son expérience en 1981. Le débat est né à propos du rôle des probabilités dans des expériences qui font intervenir des grains de lumières, les photons (à la fois ondes et particules). En 1935, Einstein et deux collaborateurs imaginent une « expérience de pensée » - en quelque sorte un pont entre théorie et expérience - où interviennent non plus un seul photon mais deux photons qui ont interagi dans le passé et s’éloignent à une grande distance. Le formalisme quantique autorise les particules à rester en contact instantané (pourtant exclu par l’impossibilité de contact à une vitesse supérieure à celle de la lumière) sans pouvoir être séparées. C’est l’intrication des particules, qui n’est encore alors qu’une hypothèse. Einstein en déduit que le formalisme quantique est incomplet.           

Encore faut-il réaliser l’expérience d’intrication. Il faudra presque 50 ans d’efforts pour y arriver. En 1964, une étape cruciale est apportée par un physicien anglais, Bell, il établit une relation numérique à laquelle une mesure donnerait un résultat différent selon que soient adoptés le point de vue de Bohr ou celui d’Einstein.
Mais il faut une expérience convenable pour tester ce résultat. Il y aura plusieurs tentatives aux USA, puis les travaux de l’équipe d’Aspect à partir de 1975. En 1981, le débat Bohr-Einstein est conclu par le succès d’une expérience (très délicate) mise au point par Aspect. 

Ce résultat est aussi d’une grande importance du point de vue philosophique : Bohr (et l’Ecole de Copenhague qu’il représente) remet en cause la notion de réalité et prône un certain empirisme exprimé, avec un grain d’humour, par le slogan « shut up and calculate ! » à l’opposé d’Einstein qui maintenait sa confiance dans le réalisme classique (« Dieu ne joue pas aux dés », a-t-il écrit). Finalement, le point de vue de Bohr l’a emporté, face à celui d’Einstein. Dans une dernière partie, Aspect envisage les explications qu’aurait pu apporter Einstein.