Night Moves
Disques Capitol. Réédition 2023 (Première sortie en 1976)
Vinyl ou CD sous label EMI.
Infos & réservation
Thème
Nostalgie, rythme musclé, blues, inspirés par l’ambiance du film American graffiti en 1973.
Mais le Rock de Detroit reste la marque de fabrique du Maître.
Ce n’est pas un hasard si Johnny Hallyday a emprunté à Bob : Deux étrangers, Mon p’tit loup, Comme un roc et surtout Le bon vieux temps du Rock’n Roll, merveilleusement accompagné en public par un guitariste de génie, Paul Personne,
En l'occurrence, l’auteur a voulu traiter des troubles de son univers proche :
La solitude du Rocker, le désamour , le pouvoir de l’argent, le temps qui s’écoule, …
Points forts
Ce disque est un joyau du Rock à part entière, nous vous recommandons de le découvrir, dans sa beauté d’origine, sur vinyl, (ou CD) sous label EMI.
Il comporte neuf titres vocaux de genres et rythmes variés, parfois poétiques, tout en restant dans la tradition de la culture Rock’N Roll des patriarches.
- Rock’n Roll never forgets : ça commence bien, l’introduction des guitares est forte et lourde, avant que la voix du patron n’éclate comme l’ouverture d’un feu d’artifice.
- Night moves : se fait moins violent au début et va crescendo pour que le souvenir des années soixante soit parfait.
Ça commence donc par une balade de printemps à la guitare sèche.
Un catalogue de clichés authentiques est déroulé, du jean serré, boots pointues, la première petite amie brune Italienne qui n’a pas froid aux yeux, à la sexualité débridée, en passant par le siège arrière d’une Chevrolet année soixante.
L’été du Midwest est là avec ses tensions ultimes et ses coups de tonnerre.
Bob se réveille, la pluie cogne derrière les carreaux, nouvelle nostalgie (1962 : Listening to the sound of the falling rain/ Les Cristalls, reprise par Sylvie Vartan). Le temps qui passe trop vite, c’est l’automne d’une vie qui débouchera, à terme, sur l’hiver de la mort, mais pas l’oubli (...never forgets).
- The fire down below : Dans ces villes Américaines, passez moi l’expression du Rocker, elles et ils ont tous le feu au cul. Des dames arpentant les trottoirs, des banquiers et avocats, des riches et des pauvres, du matin à minuit, ils pressent le pas et se bousculent. Si différents qu’ils soient dans les villes, ils courent.
- Sunburst : Un fantasme sur les arènes du monde Romain évoque les cris de la foule en délire, l’aveuglement des martyrs et des gladiateurs éblouis par le soleil de face arrivant dans l’arène, ce ne sont en fait que des projecteurs de scène.
Car, la Rockstar se rejoue inlassablement des concerts dans sa tête, avant d’affronter les suivants. La plus grande vibration étant celle des planches et du public.
- Sunspot baby : Comment notre magnifique loser s’est fait berner par sa petite amie, qui l’a trompé, est partie et lui a tout volé.
Il veut la retrouver, comme dans les romans de détectives et va sillonner les hôtels de Miami à la Jamaïque, et ne tombe que sur des factures impayées, datant d’un mois au mieux. Mais il garde l’espoir de l’attraper un jour. Cette pétroleuse annonce le dernier titre de l’album : Mary Lou.
- Mainstreet : Un nouveau diamant, en raison de l’atmosphère de la Grand’Rue, si populaire aux USA.C’est du grand Bob, il s’approprie chaque phrase, chaque mot pour de vrai. Ce pourrait être à Boston, Detroit ou Seattle, il aime traîner, flâner sur cette rue principale où il retournera systématiquement ; les clubs enfumés avec de belles danseuses, les salles de billards avec leurs arnaqueurs et les perdants qui le fascinent à tel point qu’il attend la fermeture pour les voir s’en aller. C’est la loi de la solitude qui pèse sur notre chanteur, son blues urbain.
- Come to Poppa : Lourd tempo à cinq battements avec des solos de guitare qui vous électrisent. Certains interprètent cette chanson comme une allusion au dealer de drogue, un peu comme les Stones dans Brown sugar. Mais je ne suis pas entièrement convaincu et sollicite votre avis à cet égard, en commentaires.
- Ship of fools : Un mystère poétique nous plonge dans une histoire de personnages maudits. Un homme embarque sur un bateau avec un groupe de marins, dont le capitaine, véritable statue impassible du Commandeur.
Il essaie de poser des questions et de se lier en cours de route, mais tout le monde reste distant. Finalement, le bateau est pris dans une violente tempête et finit par couler. Il est le seul survivant. Il a l’impression d’avoir eu une expérience sur un “bateau de dingues” parce que tout le monde semblait perdu et désaxé. Ce conte terrifiant est bercé par l’accordéon qui rend l’ambiance angoissante et particulière.
- Mary Lou datant de 1955 (original par Young Jessie et Maxwell Davis)
L’histoire d’une autre Sunspot babe qui conclut l’album.
Bob jette un regard sévère sur une gente intéressée par l’argent, le laissant sur le tas , mais surtout lui piquant sa Cadillac, crime majeur pour un hardland rocker.
Encore un mot...
Ce neuvième album est le plus abouti de Bob Seger, en dépit des succès suivants sortis en 1980 : Fire lake et Against the wind, accompagnant merveilleusement la course de Tom Hanks, dans le film Forrest Gump (1994).
Une phrase
“ La petite effrontée de seize ans en a trente-et-un maintenant, alors je te le répète, tu peux revenir baby, le Rock’n Roll ne s’oublie jamais”.
L'auteur
Né en 1945, il s’est mis “à la retraite” et ne joue que pour ses amis.
Pour l’excellent Bob Seger, écartons la fake news de l’annonce de sa mort parue sur internet en août 2024.
Autant que sa voix éraillée et puissante, relevée par le rythme parfois infernal de ses riffs, le personnage n’a rien du Rocker bestial et primaire.
L’influence de son père musicien a compté, lequel a quitté la maison, quand Bob a 10 ans. Longtemps il se raccrocha à la musique qui était sa seule consolation, avec sa bande de copains, les “Grassers”qui traînent dans les cinémas en plein air.
A vingt ans, il fonde son premier groupe et chante ce Rock de Detroit, typique de l’Amérique, qui n’a pas encore perdu ses illusions. Il enchaîne des tournées en voiture avec de faibles moyens pour se faire connaître, jusqu’à Miami.
Les grosses Cadillac, les Pontiac et les Chevrolet font encore partie du décor quotidien et on aime ces “big mamas, solides comme le Rock”.
Le succès vient enfin : de 1975 à 1995, il a obtenu des ventes du million d’albums chaque année. Sa plus grande tournée est de 260 concerts en un an (essayez le double album Live Bullet à cet égard).
Il fut trop longtemps sous-estimé, c’est pourquoi je désirais lui rendre ce modeste hommage.
- Les musiciens :
La formation du Silver Bullet Band est composée de Bob Seger, leader du groupe, compositeur, interprète et guitariste, avec cinq à six musiciens :
Drew Abbott à la guitare, chants
Chris Campbell, à la basse, chants
Charlie Allen Martin aux percussions, chants
Robyn Robbins, aux claviers, orgue, mellotron
Alto Reed, saxophone alto et baryton, percussions et chants.
Mention spéciale pour Jerry Luck à l’accordéon dans Ship of fools.
Commentaires
Merci Bernard pour cette magnifique chronique, passionnée et documentée.
J'ai vu Bob Seger au Zénith en 1979. Derrière moi il y avait Johnny avec Sylvie et Dick ! Magnifique concert.
Je dois avouer que j'ai une tendresse particulière pour les deux albums suivants, Stranger in town et Against the wind, mais quelle voix et quelle carrière !
Cette chronique riche et enthousiaste me donne envie de replonger dans l'univers de Bob Seger dont j'apprécie la voix si particulière.
Nostalgie de ma jeunesse bercée par le rock éternel, un revival vivifiant et bienvenu dans la période sombre que nous traversons, bravo pour cette chronique et la description très évocatrice de chaque morceau.
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