Le Dernier Pharaon
Infos & réservation
Thème
Il y avait une grande excitation à attendre la parution du dernier Blake et Mortimer, proposé par François Schuiten. L'excitation est souvent un piège pour le lecteur, car elle crée une attente déraisonnable, qui ne peut jamais être complètement satisfaite. C'est le cas ici, avec un sentiment de demi-réussite. Schuiten est un des grands maîtres de la BD moderne, connu essentiellement pour sa collaboration avec Peeters sur la série des Cités Obscures (11 albums parus chez Casterman). Les auteurs y imaginaient les évolutions sociétales et architecturales de grandes villes contemporaines.
Le récit du Dernier Pharaon suit chronologiquement une aventure mythique de Blake et Mortimer, le Mystère de la Grande Pyramide, qui se déroulait en Egypte, alors qu'ici, l'histoire se situe à Bruxelles, en confrontant Mortimer à un étrange rayon cosmique. C'est le même principe que le dernier opus paru avant celui-ci, La Vallée des Immortels, qui suivait Le Secret de l'Espadon. Mais la comparaison s'arrête là, car, contrairement à cette Vallée des Immortels, qui respectait les codes de la série Blake et Mortimer, de façon presque obsessionnelle, Schuiten a choisi pour son Dernier Pharaon une rupture complète avec l'univers des célèbres héros.
Et c'est tout le débat qui agite le chroniqueur au moment de rédiger ces quelques lignes. Une moitié de mon cerveau réagit positivement en trouvant cette aventure bien menée et très originale dans son écriture, tandis que l'autre moitié a un sentiment plus mitigé en n'ayant à aucun moment l'impression de lire un « bon vieux » Blake et Mortimer.
Essayons d'alimenter ces contradictions.
Points forts
- Le scénario est ambitieux, en s'inscrivant dans le genre « fable écologique ». On rentre dans la course contre la montre à laquelle est soumis Mortimer, et on ressent un vrai effet de suspens, avec l'envie d'arriver à la dernière page. L'idée, en particulier, de donner un rôle essentiel au Palais de Justice de Bruxelles est très intéressante, en créant des liens, parfois ténus, entre ce bâtiment et les pyramides égyptiennes. On apprend ainsi que la coupole du célèbre bâtiment devait, initialement, être une pyramide !
- La maîtrise graphique de Schuiten fait merveille dans un style qu'il maîtrise totalement, et qu'on pourrait appeler la BD architecturale. Toutes ses vues de la capitale belge soumise à un cataclysme destructeur sont impressionnantes et donnent un cadre somptueux à cette aventure.
Quelques réserves
- A aucun moment, on n'a réellement l'impression de lire une histoire de Blake et Mortimer. Nos deux héros semblent plutôt un prétexte à mener cette aventure ésotérique. Parfois, l'histoire frise même le ridicule, comme, par exemple, lorsque les auteurs nous expliquent que les Egyptiens sont venus construire une pyramide secrète sur le futur lieu de la capitale belge.
- Le caractère des personnages se dilue complètement dans l'« histoire belge », gommant le côté « so british » des héros de Jacobs. Schuiten phagocyte Jacobs, privilégiant son univers à celui de son illustre aîné, comme le prouve, symboliquement, la présence de La Douce, la locomotive héroïne d'une autre aventure de Schuiten. Et il assume cette « belgicisation », puisque, à la fin de cette histoire, Mortimer envisage de s'installer à Bruxelles.
Encore un mot...
SCHUITEN OUBLIE BLAKE ET MORTMER .
Si Jacobs est un roi de la BD belge, alors Le Dernier Pharaon est un crime de lèse-majesté. Cela peut plaire aux révolutionnaires qui aimeront ce parti-pris audacieux, refusant d'être prisonniers des conventions liées à une série. Et cela peut être insupportable pour les fidèles adorateurs de l'œuvre du Maître.
Au final, mon cœur a penché du côté des fidèles, et, même en trouvant cette BD réussie, je regrette que Schuiten ait autant fait du Schuiten, au détriment des codes de la série. Il gardait sûrement en lui l'idée de faire une BD sur ce Palais de Justice. Il suffit de relire les notes d'avant-page de Brüsel, un des albums de la série des Cités Obscures, où, dès 1992, sa fascination pour ce bâtiment, et son architecte atypique, Poelaert, est déjà présente ! Nul doute que le bâtiment le mérite (Jacobs l'avait également envisagé) et que sa mise en valeur est très réussie.
Cette BD est pour moi une très belle œuvre, mais ne sera jamais réellement une aventure de Blake et Mortimer.
Une illustration
L'auteur
(d'après BDGest)
J'ai concentré cette revue d'auteurs sur Schuiten, mais sans oublier les contributions au scénario du metteur en scène Jaco Van Dormael (Toto le Héros) et de l'écrivain Thomas Gunzig, ainsi que la superbe mise en couleur de Laurent Durieux.
François Schuiten est né à Bruxelles le 26 avril 1956 dans une famille d'architectes. Il n'a que 16 ans lorsque ses planches sont publiées pour la première fois : Mutation, une histoire courte entièrement dessinée au bic, paraît dans l'édition belge de Pilote. À l'atelier bande dessinée de l'Institut Saint-Luc, il rencontre Claude Renard avec qui il réalisera deux albums : Aux médianes de Cymbiola et Le Rail, regroupés sous le titre Métamorphoses, paru chez Casterman. Avec son frère Luc, il élabore au fil des ans le cycle des Terres creuses dans Métal Hurlant. Trois albums sont parus à ce jour : Carapaces, Zara et Nogegon, bientôt réédités chez Casterman. Depuis 1982, il travaille avec son ami d'enfance Benoît Peeters à la série Les Cités obscures, publiant successivement Les murailles de Samaris, La fièvre d'Urbicande, L'Archiviste, La Tour, La route d'Armilia, Brüsel, l'Echo des Cités, L'Enfant penchée, Le Guide des Cités, L'ombre d'un homme et La Frontière invisible, ainsi que The Book of Schuiten et Les Portes du Possible (tous aux éditions Casterman). Ces albums ont été traduits dans une dizaine de langues et ont obtenu de nombreuses récompenses. François Schuiten a obtenu en janvier 2002 le grand Prix d'Angoulême, la plus haute distinction européenne du domaine.
Commentaires
C'est évidemment plus du Schuiten que du Blake et Mortimer et c'est heureux de ne plus retrouver ces commentaires inutiles et pesants de Jacobs et cette mise en page par trop scolaire d'une autre époque- j'ai relu avec difficulté les 2 tomes du mystère de la grande pyramide-
On s'est approché des Cités obscures et c'est tant mieux!
Ça rejoint tout à fait mon ressenti. Blake est quasiment évacué de l'histoire, qui se concentre sur Mortimer.
Tiens tiens, un barbu un peu âgé qui mène une quête... C'est un album de Schuiten quoi. Avec un vague filtre "Jacobien".
Au final j'aurais préféré un "vrai" album de Schuiten je pense...
Et puis en tant que Bruxellois, même en suspendant son incrédulité, il y a quelques incohérences topologiques difficiles à ignorer. OK, au passage d'un phylactère, on parle de modifications du paysage à cause de séisme (ou quelque chose du genre). Mais de là à accepter que le Palais du justice puisse avoir les pieds dans l'eau sans que la Bourse ne soit totalement immergée... Un peu dur à avaler. Idem pour la durée des trajets entre différentes zones de Bruxelles (même en admettant qu'il y ait des obstacles). Mais bon, là je chipote :-)
J'ai mis le temps avant de lire cette histoire. J'aurais mieux fait de ne pas l'acquérir. Pourtant, c'est une très belle histoire, bien ésotérique, mystérieuse, bien racontée, mais c'est un flop magistral. Dommage pour l'excellent Schuiten. Le plus grand reproche que je lui fais est celui d'avoir volé les noms des héros! Ce n'est pas une histoire de Blake et Mortimer. Si jamais ce livre est réédité (j'espère que non), je suggère qu'on remplace les noms de Blake et Mortimer par d'autres noms comme par exemple Johnson et Lewis et qu'on enlève la mention "d'après les personnages d'Edgar P. Jacobs" parce que c'est un mensonge. Je ne mettrai en tout cas pas ce volume avec ma collection de Blake et Mortimer.
Très déçu !!! Que schuiten fasse du shuiten et oubli B et M. Inconditionnel du style E P Jacobs, je rêve d'avoir toujours cette survivance retrouvée dans la vallée des immortels. Jacobs est parti!!hélas!!! Merci à ceux qui continuent à le faire survivre pour notre plaisir.. On ne fait pas des copies rondes des pyramides !!!. Merci de nous laisser le plaisir du dessins, même imité d'E P J.
Je ne connais pas l'oeuvre de Schuiten et je n'irai pas plus loin dans cette découverte. Car je me suis ennuyée ferme dans ce délire prétentieux ( mais ce n'est que mon avis ) imaginé par un auteur qui nous a racollés avec les noms alléchants de Blake et Mortimer. Pourquoi pas Tintin et Tournesol, dans une prochaine aventure esotérico- galaxico-archéologico futuriste ? Ça fait vendre. Et ça fait parler.....
Ajouter un commentaire