La vie des spectres

Un journaliste dérape en rédigeant un portrait polémique et se retrouve rejeté par tous. Une satire un peu trop appuyée.
De
Patrice Jean
Le Cherche Midi
Parution le 22 août 2024
452 pages
22.50 €
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

A Nantes, au collège Mandela où est scolarisé Simon Dulac, le fils du narrateur, des images « intimes » de Rachel sont diffusées sur le net après qu’Axel son petit copain les ait montrées à Moussa qui les a publiées. En représailles, Moussa est bastonné par des « petits fachos ».

Sommé par son fils de prendre parti dans cette affaire minuscule, Jean Dulac, journaliste dans la presse régionale, publie un article maladroit qui lui met tout le monde à dos, si bien qu’il doit quitter le domicile familial pour s’installer dans un appartement minable avec pour seule compagnie le spectre de son ami Ronan tué dans un accident de la route trente ans auparavant.

C’est pour lui l’occasion de revenir sur lui-même à coup de souvenirs plus ou moins agréables et d’introspection exigeante.

Points forts

  • Les réflexions sur la pauvreté de la littérature actuelle, non exemptes d’autodérision (Dulac tombe sur un bouquin de Patrice Jean et s’entend dire par le libraire que l’auteur est sans intérêt), sont suffisamment corrosives pour enchanter le lecteur. A noter : l’ignorance des critiques culturels incapables de repérer un pastiche de Bouvard et Pécuchet dont ils ne savent rien.
    En revanche, la culture littéraire de Patrice Jean qui s’exprime par petites touches tout au long de l’ouvrage étoffe agréablement une histoire sans aspérités.

  • Les portraits très « actuels » : Jean Dulac, le narrateur, représentant (bien malgré lui) la pensée à l’ancienne, Moussa, le « racisé » intouchable, Simon, l’ado exaspérant « qui n’aime rien tant que de donner des leçons », Emile Van Beveren, l’écrivain libertin adepte des plans à trois, Éric Dubourg, le rédac-chef préoccupé uniquement de l’opinion de ses lecteurs …

  • L’emploi de mots et d’expressions contemporaines telles qu’il paraît impossible aujourd’hui de les éviter ; en bref, tout est « facho » selon l’horrible dialecte de l’époque aux « temps barbares du patriarcat »,

  • L’idée inusitée d’un nouveau Covid provoqué par l’usage de clichés et de stéréotypes qui donnent des boutons à ceux qui les pratiquent alors qu’un minimum de connaissance littéraire le combat sans problème.

Quelques réserves

Trop, trop, trop…

Ce livre de quatre cent cinquante pages aurait certainement gagné à n’en comporter que trois cents.

Trop d’anecdotes inutiles, trop de considérations de peu d’intérêt, trop de personnages à peine esquissés, trop d’idées éblouissantes noyées dans la masse, trop de pensées acides à peine effleurées et… trop de grossièretés accumulées dans le langage des femmes pour affirmer leur féminisme.

Encore un mot...

Le caractère assez autobiographique du récit a de quoi gêner le lecteur dans la mesure où ce texte d’un pessimisme constant brosse le portrait d’un écrivain raté sans illusions sur lui-même. On aimerait pourtant que la littérature actuelle nous propose plus d’écrivains ratés de ce niveau.

Une phrase

“ Je prétends, à bientôt cinquante ans, ne plus être berné par les sophismes du progrès ; je crois volontiers à la fable de ma lucidité et je vais jusqu’à soutenir que mes idées sont si contraires à l’époque qu’il est souhaitable de les taire.” Page 148

L'auteur

Né à Nantes en 1966, Patrice Jean, après des études de philosophie, exerce comme professeur de lettres modernes.

En 1993, il publie, avec deux amis, un recueil ironique des pensées de Thierry Roland et Jean-Michel Larqué puis c’est un premier roman en 2013 aux éditions Rue Fromentin : La France de Bernard. Chez le même éditeur, il publie Les Structures du mal en 2015, Revenir à Lisbonne en 2016 et L'Homme surnuméraire en 2017. En 2021 sort chez Gallimard La Poursuite de l’idéal, roman d’initiation et satire du monde moderne. L'année suivante, en 2022, paraît chez le même éditeur Le parti d’Edgar Winger.

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